• Armée égyptienne : l'État, c'est elle

    Armée égyptienne : l'État, c'est elle

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    Les militaires gouvernent l'Égypte depuis la prise de pouvoir par les "officiers libres" menés par Nasser en 1952

    Armée égyptienne : l'État, c'est elle

    L'armée égyptienne exerce le pouvoir et entend bien le conserver, d'une manière ou d'une autre. © Hanschke Hannibal / Abaca


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    Par Jean Guisnel

    L'armée égyptienne ne peut pas être considérée comme celle d'un pays démocratique. Le principe cicéronien de la soumission au politique n'est pas pour elle. Car elle est le politique, exerce le pouvoir et entend bien le conserver, d'une manière ou d'une autre. Depuis la conquête de l'État par le colonel Gamal Abdel Nasser en juillet 1952, la direction du pays est une affaire de militaires à poigne. À la mort du fondateur de l'Égypte moderne, trois ans après l'humiliante défaite militaire face aux Israéliens durant la guerre des Six-Jours, sa succession a été assurée par le vice-président qu'il s'était choisi, le général Anouar el-Sadate - ce dernier avait fait partie avec lui des putschistes du mouvement des officiers libres. Sadate engagea la guerre du Kippour en 1973, qui faillit bien culbuter Israël - qui avait sorti ses missiles nucléaires de ses dépôts -, mais sortit de ce conflit, une fois encore perdu, avec une légitimité mieux assise au sein du peuple égyptien.

    Mais lors de l'assassinat de Sadate en octobre 1981, c'est encore un militaire qui lui succéda. Le général aviateur Hosni Moubarak avait été chef d'état-major de l'armée de l'air avant d'occuper le poste de vice-président, qui aura donc été depuis des décennies celui qui se prédispose à prendre la présidence du pays. Afin de ne point avoir à ses côtés un successeur désigné, le général Moubarak n'avait pas choisi de titulaire pour ce poste. La crise l'a conduit à changer son fusil d'épaule, et il vient de l'attribuer à... un militaire, le général Omar Souleimane, le très puissant chef des services de renseignements. Lequel sera naturellement remplacé à cette fonction stratégique par un autre général : Mourad Mowafi. Last but not least : quand Hosni Moubarak a souhaité donner des gages à la rue en changeant de Premier ministre, il a choisi le général d'aviation Ahmad Chafik. Donc, les choses sont claires : alors que sonne l'heure de la fin du règne, toutes les commandes demeurent aux mains des militaires.

    Les États-Unis subventionnent largement l'armée égyptienne

    La place de l'armée égyptienne n'est donc pas dans les casernes. Son rôle social est essentiel. Comme le décrit le chercheur associé au Collège de France Tewfic Aclimandos dans une interview au quotidien en ligne Mediapart, "l'armée est l'institution la plus respectée du pays. Beaucoup plus que les services de sécurité ou la police. C'est l'institution qui est - ou qui passe pour - la moins corrompue en Égypte. Elle incarne, dans l'imaginaire des Égyptiens, à la fois l'institution qui ressemble le plus à celle d'un État légal et rationnel et au fonctionnement d'une famille." Il n'empêche que ce rôle essentiel joué en matière de politique intérieure ne l'empêche pas d'être moderne et assez bien équipée.

    Les temps ne sont plus où les forces armées nassériennes absorbaient le quart du PIB égyptien. Leur part dans la richesse nationale demeure raisonnable : 2,2 % en 2009, soit légèrement inférieure à la part du PIB que la France consacre à sa défense. Encore faut-il comparer ce qui est comparable : alors que les forces armées actives comptent 450.000 hommes (plus 450.000 paramilitaires), le budget militaire égyptien ne dépasse pas 4 milliards de dollars. Auxquels vient s'ajouter l'aide américaine, qui compte dans ce budget pour plus de 20 %. Les États-Unis sont très généreux avec les militaires égyptiens, moins pour leurs beaux yeux que pour remercier ce pays de son attitude vis-à-vis d'Israël, et conforter son rôle d'allié principal dans cette partie du Proche-Orient.

    Des équipements modernes

    À travers la procédure du FMF (Foreign Military Financing), Washington offre plus de 1,3 milliard de dollars par an pour équiper et entraîner les forces, cette aide court depuis 1979 (c'est-à-dire l'année qui a suivi les accords de paix israélo-égyptiens de Camp David). L'aide militaire représente largement plus de la moitié de l'aide américaine régulière à Égypte, qui se monte à environ 2 milliards de dollars par an. Les FMF, dit le département d'État, "constituent un outil essentiel de promotion des intérêts américains à travers le monde, en garantissant que les partenaires dans les coalitions et les gouvernements étrangers amicaux sont entraînés et équipés pour collaborer à des objectifs de sécurité communs et partager les charges au cours de missions communes". En 2009, le Congrès a exigé que les fonds de l'aide militaire soient principalement consacrés à des programmes de sécurité des frontières et à des activités dans le désert du Sinaï.

    L'aide américaine a permis de moderniser ses équipements qui provenaient alors pour l'essentiel d'Union soviétique. Dans un document sur l'armée égyptienne publié en juillet dernier par l'institut de recherche israélien INSS www.inss.org.il/index.php, on constate que les principaux fournisseurs d'équipements militaires à Égypte demeurent la Russie et les États-Unis, la France a, pour sa part, livré essentiellement des avions : 59 Mirage 5 à partir de 1974 (dont la moitié cédée illégalement par la Libye), 42 Alphajet à partir de 1983, 18 Mirage 2000 à partir de 1986.


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