• La Chine, un colosse aux pieds en béton armé

    Il est une tradition dans l’histoire qui veut que tous les pays craignent ou jalousent l’apparition d’une nouvelle grande puissance.

    En 1900, les grandes puissances européennes qu’étaient la France, le Royaume Uni, l’Allemagne récemment unifiée par Bismarck et dominée par la Prusse, l’Autriche-Hongrie et la Russie considéraient les Etats-Unis comme un territoire lointain, exotique et de peu d’importance. Or, les statistiques d’aujourd’hui, et de l’époque, montrent que dès cette année 1900 les Etats-Unis étaient la plus grande puissance industrielle mondiale et avait la plus large production industrielle du monde (PNB, PIB, GDP n’étaient pas encore agrégés en indices, mais la collecte des données statistiques contemporaines et postérieures aboutissait aux mêmes résultats).

    Il y a quelques mois, la Chine est devenue le premier marché mondial de l’automobile, c’est-à-dire que les Chinois achètent 17 millions de voitures par an, ce qui est plus que dans tout autre pays au monde.

    Il y a quelques semaines, la Chine est devenue le plus grand consommateur pétrolier du monde.

    Il y a quelques jours, la Chine est officiellement passée devant le Japon pour devenir la seconde économie du monde.

    Habilement, les dirigeants chinois nient toute idée d’hégémonie économique, financière ou politique. Ils soulignent que si leur PIB (Produit Intérieur Brut) est désormais le deuxième du monde, le PIB par habitant chinois est au 100ème rang mondial. Certes, mais l’argument est à double interprétation :

    C’est vrai que la Chine a du chemin à faire, mais c’est justement ce chemin qui va produire de la croissance et de la richesse en s’appuyant sur un marché de près d’un milliard et demi de citoyens à la fois producteurs et consommateurs.

    Le terme de Longue Marche (à un rythme accéléré cette fois) s’applique de nouveau et pour de bon à l’Empire du Milieu.

    L’armée chinoise est la première armée du monde en nombre de soldats. Mais les Chinois laissent entendre que la sophistication de leur armement est toute relative. Ce qui n’est pas exact et est démontré par leurs nombreux lancements de vecteurs et de satellites, y compris de satellites tueur de satellites, le développement de leurs sous-marins nucléaires hyper-furtifs et le développement très rapide de leurs technologies informatiques et électroniques (micro-processeurs et autres composants, guidage, etc.) appliquées à l’armement.

    Les Jeux Olympiques de Beijing et l’Exposition Universelle de Shanghai se sont succédés à quelques mois d’intervalle.

    Pourquoi le monde a-t-il accordé une telle place à un seul pays en si peu de temps ?

    Par impérieuse nécessité !

    Le droit chinois était autrefois (il y a quelques années encore) largement emprunté au droit japonais qui lui-même était largement dérivé du droit allemand.

    Aujourd’hui le droit chinois des affaires (business et finance) est un des plus avancés au monde, que ce soit le droit de l’État chinois qui est de plus en plus sophistiqué ou le droit des Provinces chinoises qui bien qu’encore en phase de construction, notamment sur le plan fiscal, avance très rapidement.

    Au cours de la décennie, le droit chinois a très largement puisé dans le droit financier américain pour se placer à la pointe du droit international in shore et off shore. Le droit chinois a aussi pioché dans d’autres droits au gré de ses besoins dont celui de l’Union Européenne (notamment le droit de la concurrence).

    Une fois intégrés ces éléments juridiques étrangers, le droit chinois les a adaptés, améliorés, digérés, et re-conceptualises. Désormais, le droit Chinois est autonome et affirme ses concepts, lois et réglementations, jurisprudence, ainsi que l’exercice de sa juridiction, c’est-à-dire la compétence des tribunaux chinois dans les affaires intérieures et certaines affaires internationales.

    Dans le domaine des conflits de lois la loi chinoise joue un rôle croissant. Les conflits de loi définissent les lois applicables dans les contestations, disputes et procès sur les contrats et affaires internationales mêlant des parties opposées venant de plusieurs pays. Dans une dispute mêlant des ressortissants (individus, sociétés) de pays différents il faut d’abord choisir une loi [dite law of choice of law ou loi désignant la loi applicable] ; et cette loi va à son tour déterminer quelle loi va ensuite s’appliquer au litige.

    Les lois chinoises très longtemps absentes de ce jeu légal complexe, mais aux enjeux qui se chiffrent en milliards de dollars, s’imposent de plus en plus à la Communauté Internationale.

    Les autres pays ou leurs ressortissants économiques (sociétés, groupes, conglomérats) n’ont alors pas d’autre choix que de faire avec. Ceci est par ailleurs totalement légitime, et parfaitement légal.

    C’est aussi conforme à la loi du plus fort qui est une bonne vieille recette toujours efficace.

    Sur le plan des droits de l’Homme la Chine a renvoyé ses détracteurs à leurs propres manquements. Il est bien évident qu’on ne peut pas s’exonérer de ses fautes en arguant de celle des autres. Mais en termes diplomatiques c’est un rapport de forces qui s’est engagé. Paralyser son adversaire c’est déjà remporter une première manche.

    Le Premier Ministre Wen Jiabao vient d’ailleurs d’appeler à des réformes indispensables dans le domaine des libertés publiques et démocratiques.

    Montrer à ses adversaires que l’on veut encore aller plus loin que ce qu’il vous réclame, c’est remporter une seconde manche.

    Pétrole, production industrielle, armée, voitures, la liste des premières places mondiales de la Chine s’allonge chaque jour.

    D’aucuns peuvent alors se poser la question légitime de savoir s’il faut : souhaiter ou craindre la montée en puissance de la Chine ?

    Les deux.

    Olivier Chazoule

    par Olivier CHAZOULE (son site) lundi 23 août 2010


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  • Délocalisations et Mondialisation

    source : http://www.syti.net

    article lié :Veuillez patienter, tiers-mondisation en cours de traitement

    video liée : monologue pour la France


    la mégapole de Shenzhen en Chine

     

    La mondialisation libérale consiste principalement en la suppression de toute entrave à la circulation des marchandises et des capitaux, rendant possible les délocalisations, les chantages à l'emploi, et les profits sans précédent des multinationales. Au risque de causer la désindustrialisation et le déclin géopolitique des pays occidentaux...

    Faire baisser le "coût du travail"

    Pour maximiser le profit des entreprises, la solution la plus facile et la plus efficace est de faire baisser le "coût du travail". Il existe d'autres moyens pour accroître les profits (l'innovation, la recherche et développement...), mais leurs résultats sont incertains et ne peuvent être obtenus qu'à long-terme, alors que la réduction du "coût du travail" permet de générer une augmentation des profits de façon certaine et immédiate.

    La baisse du "coût du travail" est obtenue en réduisant les salaires et les charges sociales, et en augmentant le temps de travail.

    Et pour que les salariés acceptent des conditions moins avantageuses, il est nécessaire d'augmenter la concurrence sur le marché du travail.

     

    Le but central de la mondialisation: augmenter la concurrence sur le marché du travail

    Les délocalisations et les chantages à l'emploi ont révélé l'objectif principal de la "mondialisation": instituer un nouvel esclavage en mettant en concurrence directe les salariés de tous les pays, grâce à la suppression des barrières douanières et des restrictions à la circulation des capitaux.

    A travers une série d'accords internationaux (établis depuis 1995 dans le cadre de l'OMC), cette déréglementation a permis aux multinationales de dissocier totalement le lieu de production du lieu de vente, en délocalisant les usines en Chine pour vendre les produits en Amérique du Nord ou en Europe, là où se trouvaient les consommateurs et le pouvoir d'achat.

    Au début, les délocalisations ne concernaient que les emplois industriels. Aujourd'hui, elles touchent tous les secteurs, y compris le tertiaire (comptabilité, services informatiques, call-centers...) la haute technologie, ou la recherche et développement.

    Les délocalisations continueront tant que les entreprises auront le moindre profit à y gagner, c'est à dire tant que le salarié européen ou nord-américain n'aura pas accepté les mêmes conditions que le salarié chinois, en travaillant 70 heures par semaine, 6 jours sur 7, avec une semaine de vacances par an, sans protection sociale, le tout pour un salaire de moins de 150 euros par mois.

    Certains espèrent qu'avec le temps, les salaires des pays émergents rejoindront ceux des pays occidentaux. Mais cet espoir est illusoire tant que l'absence de démocratie dans les pays émergents empêche toute revendication sociale pour l'amélioration des salaires et des conditions de travail. De même, tant que la surpopulation assure une surabondance de main d'oeuvre disponible, l'égalisation des conditions de travail et des salaires ne peut se faire que par le bas.

    Cette baisse massive et durable du coût du travail pour les entreprises rend moins utiles les investissements dans la robotisation des moyens de production, les esclaves coûtant encore moins cher que les robots. Ainsi, les usines délocalisées en Europe de l'Est ou en Chine ressemblent aux usines des années 70, avec un retour au travail à la chaine des ouvriers.

     

     



    Kaohsiung, Chine
    Paupérisation et enrichissement

    La paupérisation des consommateurs occidentaux pourrait sembler être un mauvais calcul de la part des multinationales, car au bout du compte, la baisse des revenus entraînera l'effondrement de la consommation. Mais en réalité, dans les prévisions des multinationales, la consommation globale ne sera pas affectée. Tout d'abord parce que l'appauvrissement des classes moyennes est compensée par un enrichissement sans précédent des "classes supérieures" qui profitent à plein du libéralisme. Ces 10 dernières années, pendant que les classes moyennes s'appauvrissaient, le revenu des 1% les plus riches n'a jamais autant augmenté. Ce que les uns ont perdu, les autres l'ont gagné, selon le principe bien connu des vases communicants.

    Par ailleurs, la baisse de la consommation des classes moyennes en Occident est équilibrée par l'accroissement massif du nombre de consommateurs dans les pays émergents. Même si les revenus y sont faibles, cette faiblesse est compensée par le nombre (la population additionnée de l'Inde et la Chine est de 2,2 milliards d'habitants).

     

    Le prix écologique de la mondialisation

    L'intensification de la circulation des marchandises d'un continent à l'autre entre les lieux de fabrication, d'assemblage et de vente se fait au prix d'un accroissement considérable des transports (par avions, bateaux, ou camions) et donc de la pollution au CO2. Une pollution également accrue par l'entrée des pays émergents dans l'âge industriel et la "société de consommation", avec la généralisation de la voiture et du mode de vie occidental polluant.

    Outre la pollution globale au CO2, les pays émergents payent au prix fort les conséquences écologiques de leur croissance économique effrénée. Les pollutions causées par les accidents industriels se multiplient en Chine, où les habitants des villes portent souvent des masques, protection dérisoire contre une pollution de l'air qui tue 400.000 chinois chaque année.

     


    le quartier de Pudong à Shanghai

     

    Epuisement et dépression collective des citoyens occidentaux

    Pendant que la Chine ou l'Inde faisaient des efforts massifs et continus pour l'éducation de sa population et utilisait l'argent public de façon optimale pour développer ses infrastructures et son industrie, les dirigeants des pays occidentaux comme les Etats-Unis et la France se sont ingéniés à abrutir leur population (pour la rendre plus facilement manipulable), à affaiblir les énergies individuelles, à saboter l'éducation et les services publics (pour justifier ensuite leur privatisation), et à dilapider et détourner l'argent public.

    Au moment où les citoyens devraient redoubler d'imagination et de créativité pour relever le "défi de la mondialisation", ils sont épuisés, déprimés, vidés de leur énergie par leurs dirigeants qui n'ont cessé de les vampiriser et de les brimer (au nom de la "tolérance zéro").

    L'avantage majeur dont disposait l'Occident jusqu'à présent était son avance dans les industries technologiques et culturelles. L'épuisement des énergies, l'abêtisation, et une société de plus en plus étouffante et répressive ont affaibli les capacités d'innovation et réduit les atouts des pays occidentaux, en voie d'être rattrapés puis dépassés par la Chine, l'Inde, et d'autres pays émergents.

     

    Désindustrialisation et déclin de l'occident

    Les délocalisations représentent un danger stratégique pour les pays occidentaux, en particulier pour les pays européens. L'affaiblissement des secteurs industriels entraîne à sa périphérie celui des "services à l'industrie", de la recherche et développement, et finalement des sièges sociaux qui tendront à se rapprocher des nouveaux centres de production et de consommation. Bientôt le savoir-faire ainsi que la capacité d'initiative seront perdus dans un ensemble de secteurs dont certains sont essentiels pour le rang que ces pays souhaitent occuper dans le monde. La puissance géopolitique et militaire repose sur la puissance économique et technologique. Une fois appauvris et désindustrialisés, les pays occidentaux devront renoncer à leur leadership mondial, au bénéfice des actuels "pays émergents", au premier rang desquels se trouvent la Chine et l'Inde.

    Les Etats-Unis et surtout l'Europe de l'Ouest sont en voie de désindustrialisation (d'où la stagnation du PNB européen, avec une croissance inférieure à 2% par an contre 12 à 14% pour la Chine). Depuis 10 ans, les capitaux occidentaux se sont investis massivement en Chine, avec pour conséquence des infrastructures et un appareil productif vieillissant dans les pays occidentaux où les investissements ont manqué. Les villes et les usines des pays émergents sont souvent plus modernes que dans les pays européens désormais en voie de sous-développement, tandis que les anciens "pays en voie de développement" sont en train de devenir les pays riches des prochaines décennies. Bientôt, les rôles seront inversés, et les citoyens européens réduits à la misère deviendront les esclaves qui fabriqueront à bas coût les produits consommés en Chine.

    L'ironie du sort, c'est que ce sont les "forces vives" du capitalisme (les entreprises) qui sont en train de transformer la Chine en superpuissance, alors que c'est la dernière grande dictature communiste de la planète.

     



    défilé de soldats chinois
    Car la Chine est toujours dirigée par un parti unique, sans élections libres, et ses dirigeants ont toujours affirmé que la phase actuelle n'était qu'un moyen transitoire pour parvenir à la victoire du "socialisme".

    Les dirigeants chinois ont parfaitement mis en pratique la stratégie des arts martiaux et de la sagesse orientale: utiliser la force de l'adversaire contre lui-même.

    La Chine a analysé méthodiquement les faiblesses de l'Occident, en identifiant parfaitement le point faible principal, à savoir l'incroyable cupidité des multinationales et le dévoiement du pouvoir politique par les élites économiques. La Chine a peut-être aussi été inspirée par cette citation de Lénine: "Les capitalistes étrangers font tout pour l'argent. Ils essaient même de nous vendre la corde avec laquelle nous les pendrons."

    Le 21è siècle sera donc asiatique, et les deux premières puissances économiques mondiales seront la Chine et l'Inde. Après avoir dillapidé leurs ressources dans les guerres, détestés du monde entier, les Etats-Unis seront sur la voie du déclin, sauf si ils décident une guerre nucléaire contre la Chine pour sauvegarder leur position dominante. Quant à l'Europe, elle est durablement affaiblie par un élargissement sans fin, par les délocalisations, et par l'impuissance économique volontaire des états.

     

    Consommateurs irresponsables

    Les délocalisations n'auraient pas été possibles sans l'inconscience et l'irresponsabilité des consommateurs qui achètent des produits sans se soucier des conditions de production et de leurs conséquences.

    Les citoyens ont encore le moyen de mettre en échec les délocalisations en boycottant totalement les productions délocalisées, ce qui implique une grève quasi totale de la consommation de produits manufacturés (produits électroniques et informatiques, vètements, chaussures, articles de sport, de jouets, etc). Le lieu de fabrication est indiqué sur les produits. La mention "made in PRC" (signifiant "Popular Republic of China") est souvent utilisée pour dissimuler l'origine chinoise au consommateur non-averti.

    Pour être efficace, cette grève doit avoir lieu tant que les consommateurs occidentaux représentent encore la part majoritaire du chiffre d'affaire des multinationales.

     

    Restaurer les barrières douanières

    Chaque pays est dans une situation différente, avec une culture et une histoire différentes. Il est donc normal que les systèmes sociaux soient différents. De même qu'une cellule est pourvue d'une membrane pour maintenir les conditions nécessaires à son milieu intérieur, la seule manière pour un pays de sauvegarder son système social est d'établir des barrières douanières, pour équilibrer les conditions économiques différentes des pays d'où proviennent les produits importés.

    Il n'existe donc que deux solutions pour mettre fin aux délocalisations et au déclin industriel des pays occidentaux: l'alignement des conditions sociales sur celles en vigueur dans les pays émergents, ou bien, le rétablissement des barrières douanières proportionnellement aux différences de salaires, de droits sociaux, et de législation environnementale.

     

    Dernier moment pour agir

    La période actuelle est le dernier moment pour agir. Il n'y aura en effet plus de retour en arrière possible lorsque les machines, les capitaux, et le savoir-faire seront partis ailleurs. Il sera également trop tard lorsque la capacité d'action des états (et donc des citoyens) aura été totalement neutralisée par les accords multilatéraux, les traités européens, et surtout, par l'effet conjugué de l'endettement (dont le remboursement représente déjà le quart des dépenses de l'état en France) et de la réduction des recettes de l'état, du fait de la désindustrialisation et de l'appauvrissement des salariés.
     

    © Syti.net, 2006

     

     

    Chiffres

     

    Coût de la main d'oeuvre dans l'industrie manufacturière
    en dollar par heure, charges sociales incluses

     

    1990
    1995
    2000
    2001

    Etats-Unis

    14,9
    17,2
    19,7
    20,3

    Japon

    12,8
    23,8
    22,0
    19,6

    Europe des 15

    17,2
    21,8
    18,5
    18,4

    Allemagne

    -
    30,3
    23,0
    22,9

    Royaume-Uni

    12,7
    13,8
    16,4
    16,1

    France

    15,5
    19,4
    15,7
    15,9

    Italie

    17,5
    16,2
    14,0
    13,8

    Espagne

    11,4
    12,8
    10,8
    10,9

    Pologne

    -
    2,8
    4,1
    -

    Hongrie

    -
    2,6
    3,4
    -

    République tchèque

    -
    2,2
    3,0
    -

    Corée

    3,7
    7,3
    8,5
    8,1

    Hong Kong

    3,2
    4,9
    5,6
    6,0

    Taiwan

    3,9
    5,9
    5,9
    5,7

    Chine

    -
    -
    0,5
    0,4

    Inde

    -
    -
    0,3
    0,3

    Brésil

    -
    -
    3,6
    3,0

    Mexique

    1,6
    1,7
    2,1
    2,3

    source: ministère américain du Travail


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