• Aymeric Chauprade dans Valeurs Actuelles (10 au 16 mars), sur la politique étrangère de Nicolas Sark

    Aymeric Chauprade dans Valeurs Actuelles (10 au 16 mars), sur la politique étrangère de Nicolas Sarkozy.

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    valeurs actuelles

    La fièvre retombée après le sacrifice de MAM ne doit pas masquer le mal profond dont souffrent à la fois notre politique étrangère (définie par l’Élysée) et notre diplomatie (mise en œuvre par le Quai d’Orsay). Chacun a pu constater combien notre diplomatie est devenue romantique (car émotionnelle), très loin de ce classicisme raisonné qui fit notre génie.

    Une bonne partie de la planète, de Mexico (affaire Cassez), à Pékin (Dalaï-Lama), en passant par Rome (affaire Battisti), Bogota (affaire Bettencourt), Tripoli (infirmières bulgares), ou encore N’Djamena (Arche de Noé), sait désormais que les médias de la gauche parisienne façonnent de plus en plus notre politique étrangère.

    Jamais la diplomatie n’a été autant sous l’emprise de l’émotion médiatique, des logiques de réseaux. Il serait injuste cependant d’affirmer que le président Sarkozy porte seul la responsabilité du déclin de notre politique étrangère.

    Mitterrand, n’a pas su redéfinir notre position après la Guerre froide. Il a été le dernier à croire aux deux Allemagne et à l’URSS, convaincu que la construction européenne suffirait à enterrer la géopolitique allemande. En 1990, dépassé par la marche américaine de l’Histoire, il nous a jeté dans la guerre du Golfe, acte I de la tentative unipolaire américaine. Incapables de redéfinir une politique étrangère singulière dans la multipolarité naissante, Chirac et Védrine, ont validé le mondialisme américain, les guerres de Bosnie, de Serbie, d’Afghanistan, avant de se rebeller à l’acte V, la guerre contre l’Irak en 2003.

    Sarkozy lui a choisi d’assumer l’alignement : encore plus d’OTAN et d’Afghanistan, la position la plus dure contre l’Iran. Le résultat ne s’est pas fait attendre : perte de crédit aux États-Unis (un allié rangé pèse moins qu’un allié singulier), perte de crédibilité en Afrique, en Amérique Latine, au Maghreb, au Proche-Orient. Un rééquilibrage dont les causes sont affectives (Sarkozy s’entend plus avec Poutine qu’Obama) s’est produit en politique russe (Géorgie en 2008, vente du Mistral en 2010). Mais le duo Paris-Moscou reste fragile, menacé par les emballements médiatiques.

    Tout le reste souffre d’une absence totale de vision. Aucune réflexion sur l’avenir des régimes africains qui ne manqueront pas de craquer (Tchad ?) comme cela s’est passé à Tunis, au Caire ou à Tripoli ; un choix précipité (derrière Washington) de soutien à Ouattara en Côte-d’Ivoire, dont Gbagbo sort renforcé, en montrant à toute l’Afrique qu’une injonction française ne vaut plus rien ; un président malgache pro-français et plein de promesses qui attend plus d’audace de notre part…

    Il y a un problème ancien dans la relation entre l’Élysée et le Quai d’Orsay qui est allé en s’aggravant. Les ambassadeurs anonymes qui écrivaient récemment dans Le Monde ne devraient pas se plaindre de ne pouvoir définir la politique étrangère, car tel n’est pas leur rôle, mais plutôt que leurs précieux avis de terrain ne soient plus écoutés par le Sommet. Il est manifeste que leurs télégrammes diplomatiques comptent peu face aux emballements médiatiques parisiens ou aux réseaux d’affaires agissant directement à l’Élysée. Et que dire de la propension de nos gouvernants à bénéficier de la générosité de leurs amis orientaux ou africains : Chirac logé à Paris par la famille Hariri, les palais tunisiens, égyptiens, marocains mis à disposition de ministres de droite comme des socialistes ? Tout cela ne favorise guère la capacité de discernement.

    En 20 ans, le Ministère des affaires étrangères a perdu 20% de ses moyens financiers (qui ne représentent d’ailleurs que 1,3% du budget de l’État) et de son personnel. Les Français ignorent que des consulats ferment, et que nous vendons des bâtiments étrangers de grande valeur historique. Par comparaison, les effectifs du département d’État américain augmentent de 5% par an et le Foreign Office nous a dépassé. Or ni les États-Unis ni le Royaume-Uni ne sont des pays collectivistes !

    La France peut rester une force motrice dans la marche du monde à condition de refonder sa politique étrangère sur une logique à la fois multipolaire (équilibre entre les États-Unis, la Russie et la Chine) et de civilisation (axe Paris/Berlin/Moscou dans une Europe des nations). Nous devons restaurer notre position de médiation au Proche-Orient, en soutenant le droit souverain d’Israël à assurer sa sécurité mais en discutant aussi avec toutes les forces politiques arabes, iraniennes, turques. Cette politique passe par la défense du droit international, donc des souverainetés, et le respect de la nature des régimes que les peuples se sont choisis ; il faudra peut-être coopérer avec des pouvoirs islamistes dans le Maghreb, ce que les Américains ne manqueront pas de faire, mais les chrétiens devront être protégés.

    Cette grande politique étrangère ne peut se faire que par une reprise en main de notre destin souverain, une restauration de nos moyens financiers aujourd’hui gravement altérés par l’immigration et une affirmation claire de notre identité nationale.

    Aymeric Chauprade

     

     


  • Commentaires

    1
    Valeurs actuelles
    Lundi 14 Mars 2011 à 16:16
    Merci de bien vouloir respecter notre droit d'auteur, et en conséquence de ne pas reprendre nos articles in extenson, mai seulement l'accroche, en renvoyant sur notre site pour la suite.

    Bien cordialement,

    Valeurs actuelles
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