• Finkelstein : “Le conflit israélo-palestinien est probablement le conflit actuel le moins compliqué

    Finkelstein : “Le conflit israélo-palestinien est probablement le conflit actuel le moins compliqué au monde”

    Le Dr. Finkelstein offre une lecture du conflit israélo-palestinien basée sur le droit international et humanitaire. Une approche peu utilisée par nos médias.

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    Norman Finkelstein
    Norman Finkelstein lors d’une interview. Image extraite du documentaire American Radical. Source : http://www.americanradicalthefilm.c...

     

     
    “Le conflit israélo-palestinien est probablement le conflit actuel le moins compliqué et le moins intriqué au monde.” Ces propos, tenus entre autres à l’Université d’Helsinki, sont ceux du politologue, activiste et auteur Norman G. Finkelstein, spécialiste du conflit israélo-palestinien. Si cet universitaire peu connu en France a des idées en général plutôt modérées, son hyper-activisme et son ton souvent polémique en dérangent plus d’un. Son livre Beyond Chutzpah (University of California Press, 2008), dans lequel il démonte avec un systématisme obsessif le contenu du livre du Professeur Alan Dershowitz A Case for Israel (John Wiley & Sons, 2003) est une des raisons pour lesquelles il a perdu son poste à l’Université DePaul à Chicago ; ses prises de positions critiques envers la politique d’Israël lui ont aussi valu l’interdiction d’entrer en Terre Sainte. La personnalité complexe de ce personnage a attiré les réalisateurs David Ridgen et Nicolas Rossier pour en faire le sujet de leur dernier documentaire American Radical. Les anglophones pourront trouver sur Internet les vidéos des innombrables conférences et débats auxquelles il participe, et se procurer son dernier livre This Time We Went Too Far (OR Books, 2010) sur l’offensive israélienne à Gaza en 2009.

    Mais laissons le côté polémique du personnage de côté pour nous pencher sur l’un des discours phares du Dr. Finkelstein. Un discours qu’il répète sans relache dans les campus universitaires où il est invité, avec lequel il tente de montrer que le conflit, contrairement à ce que les médias nous laissent entendre, n’est ni compliqué ni intriqué, que cela soit du point de vue historique, légal ou diplomatique, et que la manière de résoudre le conflit israélo-palestinien ne devrait pas, et finalement, ne fait pas l’objet de controverse. Derrière l’affirmation à caractère polémique du titre de notre article, se cache une logique implacable et une argumentation très peu entendues dans nos médias francophones, fondées sur les sources les moins controversées, et que nous essaierons de restituer en partie dans le présent article.

    Chaque année, commence le Dr. Finkelstein, l’Assemblée Générale (AG) de l’ONU vote une résolution intitulée "Règlement pacifique de la question de Palestine." Cette résolution propose une manière de régler le conflit israélo-palestinien pacifiquement de manière juste, en se basant sur le droit international et humanitaire [1].

    Typiquement, cette résolution affirme les choses suivantes : aucun territoire ne peut être acquis par la force ; les colonies de peuplement israéliennes sont illégales ; Jérusalem Est constitue un territoire palestinien occupé ; le mur de séparation est illégal. Pour régler le conflit de manière pacifique, dit cette résolution, Israël doit : (1) se retirer des territoire occupés depuis 1967 y compris Jérusalem Est ; et (2) régler le problème des réfugiés palestiniens de manière juste, c’est-à-dire en leur donnant le droit de retour et/ou en les compensant.

    Autant que le contenu de cette résolution, ce qui est remarquable est la consistance et du vote chaque année : presque le monde entier en sa faveur (environ 160 pays), et une poignée de pays contre (entre 2 et 9 chaque année). Les deux seuls pays votant immanquablement contre sont Israël et les Etats-Unis. L’année dernière (vote 2009) les pays les ayant rejoint sont l’Australie et ce que le Dr. Finkelstein appelle non sans humour “les super-puissances du Pacifique Sud” que sont la Micronésie, Palau, les Iles Marshall et Nauru. Notons aussi que, chaque année, tous les pays Européens votent en faveur de cette résolution, y compris la France et la Belgique.

    Si l’AG de l’ONU est l’assemblée la plus représentative du monde, continue le Dr. Finkelstein, elle n’en demeure pas moins politisée. Pour cette raison, il propose d’étudier l’opinion de ce qu’il qualifie l’entité la plus respectée du monde : la Cour Internationale de Justice, “la plus haute autorité judiciaire du monde.

    En juillet 2004, la Cour Internationale de Justice (CIJ) publia un avis consultatif sur les conséquences légales du mur de séparation construit par Israël dans les territoires occupés de Cisjordanie [2]. L’avis de la CIJ est que le mur de séparation est illégal. Pour arriver à cette conclusion, la CIJ a du se prononcer sur les trois premiers des quatre points du statut définitif, censé contenir les problèmes les plus épineux du conflit : (i) la question des frontières, (ii) le statut de Jérusalem Est, (iii) le problème des colonies, et (iv) la question des réfugiés.

    La cour, dans son avis consultatif, rappelle l’inadmissibilité d’acquisition du territoire par la guerre, et donc que (i) les territoires situés au-delà de la ligne de juin 1967 constituent des territoires occupés palestiniens. Par conséquent, affirme la CIJ, (ii) Jérusalem Est en fait partie. La cour rappelle aussi les résolutions pertinentes des Nations Unies dans lesquelles il est affirmé que (iii) les colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, sont illégales.

    L’opinion de la CIJ est donc totalement en phase avec les résolutions de l’ONU. Le Dr. Finkelstein souligne aussi le résultat du vote des juges, qui est aussi parlant : 14 voix pour, une voix contre. Le vote non-majoritaire étant celui du juge américain, Thomas Buergenthal, qui, dans une déclaration, affirme cependant que “le droit international humanitaire, y compris la quatrième convention de Genève, et le droit international relatif aux droits de l’homme s’appliquent au territoire palestinien occupé” par conséquent, dit-il, les colonies de peuplement sont illégales puisque la puissance occupante ne peut transférer une partie de sa population dans les territoires occupés [3]. Il conclut aussi que “les tronçons du mur construits par Israël pour protéger ses colonies sont donc ipso facto une violation du droit international humanitaire.” Les 15 juges de la CIJ sont donc d’accord à l’unanimité sur les 3 premiers points du statut final.

    Puisque la CIJ ne s’est pas prononcée sur le point des réfugiés, car non pertinent au problème de la légalité du mur, le Dr. Finkelstein propose de se tourner vers les ONG pour voir si leur avis concorde avec l’AG de l’ONU.

    Amnesty International, l’organisation des droits de l’homme la plus respectée au monde, selon le Dr. Finkelstein, a publié un rapport en 2001 [4], qui appuie la position de l’AG des Nations Unies, à savoir que les Palestiniens ont droit de retourner dans leur foyer ou près de leur foyer d’origine, qu’il soit en Israël ou dans les territoires occupés, s’ils en ont le désir. Ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas y retourner devraient être indemnisés. La deuxième organisation citée par Finkelstein est Human Rights Watch, qui est en parfait accord avec Amnesty International et demande à Israël de reconnaître le droit de retour aux réfugiés palestiniens et à leurs descendants [5].

    Tout le monde est donc d’accord sur la manière de régler le conflit, y compris les pays arabes, qui, sous l’impulsion de l’Arabie Saoudite, ont présenté l’Initiative de Paix Arabe en 2002 (mise en avant en 2007 et 2008), qui promet la reconnaissance de l’état d’Israël et la normalisation de leurs relations avec l’état hébreu en l’échange d’un retrait des territoires occupés et d’un règlement de la question des réfugiés [6]. Cette initiative de paix, tout-à-fait alignée avec le consensus international, a été ignorée et rejetée par Israël.

    Il existe donc un large consensus international, soutenu par le droit international et humanitaire, et par les organisations des droits de l’homme sur la manière de régler le conflit pacifiquement : Israël doit se retirer de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem Est, et la question des réfugiés doit être réglée selon le principe du retour et/ou d’une compensation. Effectivement, il n’y a pas de controverse. Si le conflit s’est compliqué ces dernières années avec la séparation de facto entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, le coeur du problème demeure le refus d’Israël de se conformer au droit international, avec le soutient des Etats-Unis. Il est étonnant qu’avec la large couverture médiatique de ce conflit, ces faits très importants qui constituent en même temps le coeur et la clé du problème ne sont que très rarement rappelés dans les médias. Le Dr. Finkelstein offre donc une lecture du conflit israélo-palestinien logique, et basée sur les résolutions de l’ONU et le droit international et humanitaire. Si cette lecture n’est pas originale en soi, elle demeure d’un grand intérêt à cause de sa rareté dans dans nos médias.

     

    Sources :

    [1] Les résolutions de l’AG avec le décompte des voix peuvent être trouvées facilement sur Internet. 

    [2] Cour Internationale de Justice. Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé. Avis consultatif du 9 juillet 2004.

    [3] Déclaration de M. le Juge Buergenthal.

    [4] Le droit au retour : le cas des Palestiniens. Amnesty International. Londres, mars 2001.

    [5] Human Rights Watch Urges Attention to Future of Palestinian Refugees. Letter to Israeli Prime Minister Barak. December 2001.

    [6] Initiative de paix arabe. 2002.

    par Kuzbo samedi 7 août 2010


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