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    Fukushima : les dangers du corium

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    Les dangers du corium sont nombreux et vont s’inscrire malheureusement dans la durée. D’où l’absence de communication de Tepco sur le sujet…
        Le premier danger est la formation d’hydrogène. On connaît bien le danger de ce gaz qui a provoqué les explosions dans bâtiments des 4 premiers réacteurs au cours des premiers jours de la catastrophe. C’est ainsi que l’hydrogène, l’élément le plus simple et le plus abondant de l’univers, est aussi le gaz le plus redouté dans l’industrie nucléaire.
    Or le corium, une fois constitué, continue à en fabriquer. On a vu plus haut comment : en craquant l’eau par thermolyse et par radiolyse, mais aussi lors de la vaporisation du béton. C’est pourquoi Tepco injecte régulièrement de l’azote dans les réacteurs, afin d’atténuer les effets explosifs de l’hydrogène en présence d’oxygène. Une nouvelle explosion pourrait être catastrophique, car les bâtiments ont déjà beaucoup souffert ? en particulier le n° 4 dont la structure est devenue instable ? et les piscines de combustible usé sont perchées à plus de 20 mètres de hauteur. Ce serait donc véritablement un désastre si l’une d’elle venait à lâcher.
    Le deuxième danger est précisément la faculté qu’a le corium de fragiliser le béton. Dans le cas où il y a Melt-through, le corium le traverse sans problème, mais son action va avoir une conséquence sur la solidité des fondations : lors du refroidissement de la fulgurite, il se produit un changement de phase qui a la particularité de produire une forte augmentation de volume ; ainsi les parois de béton en contact, mais désolidarisées mécaniquement des fulgurites, sont détruites par effet de compression. On peut donc s’attendre, avec le refroidissement du bouclier inférieur dans les mois à venir, à une destruction d’éléments massifs de la structure en béton de soutènement, ce qui pourrait avoir plusieurs effets négatifs : fragilisation des bâtiments réacteurs et apparition de failles supplémentaires où l’eau hautement radioactive utilisée continuellement pour le refroidissement pourrait s’échapper dans l’environnement, accentuant la pollution.
    Un troisième danger a longtemps été évoqué dans les premières semaines de la catastrophe : la possibilité d’une explosion de vapeur. Le corium, dans sa descente souterraine, pourrait rencontrer une masse d’eau qui, sous la chaleur du magma, la transformerait immédiatement en vapeur qui, avec la pression engendrée, provoquerait une énorme explosion si l’eau n’est pas dans un milieu ouvert. C’est ce que redoutaient déjà les soviétiques à Tchernobyl ; pour éviter ce grave danger, ils avaient vidé la piscine de suppression de pression avant que le corium ne l’atteigne. A Fukushima, on peut se demander si le même scénario ne s’est pas produit car le 4 avril, Tepco a commencé à vider 11 500 tonnes d’eau. Le porte-parole du gouvernement, Yukio Edano, annonçait à l’occasion : « Nous n’avons pas d’autre choix que de rejeter cette eau contaminée dans l’océan comme mesure de sécurité » (8). Quant au porte-parole de Tepco, il pleurait en annonçant la nouvelle. Pleurait-il parce qu’il déversait de l’eau faiblement radioactive dans la mer ou parce qu’il savait que le corium allait définitivement être perdu ? Dans cette hypothèse, le corium (de quel réacteur ?) aurait mis plus de trois semaines pour atteindre les sous-sols de la centrale.
    Quant à la possibilité de rencontrer brutalement une masse d’eau naturelle, cela est peu probable. En effet, une nappe phréatique n’est pas un lac souterrain, mais une masse d’eau répartie dans le sol entre les éléments le constituant. Si le corium traverse cette nappe, il ne rencontrera pas suffisamment d’eau à la fois pour provoquer une explosion. Cela provoquera en revanche des jets de vapeur, voire des geysers, qui pourront apparaître n’importe où à la surface, passant dans les failles et les interstices du sol. Et cela constitue le quatrième danger, celui de la contamination de l’environnement. L’eau, au contact avec le corium, se charge d’uranium, de plutonium, de cobalt, de césium, etc. à des niveaux extrêmement élevés et se trouve donc fortement contaminée. Si elle parvient à sortir de terre, la pollution se propagera dans l’atmosphère sous forme de vapeurs, de gaz ou d’aérosols radioactifs. Si la vapeur se condense dans le sol, elle polluera irrémédiablement le sol, et les radionucléides rejoindront inévitablement la nappe phréatique.
    Un autre grand danger, le cinquième, est celui que le corium rencontre la nappe aquifère en relation avec la mer. Après tout, les réacteurs ne sont situés qu’à 200 mètres du rivage, et les sous-sols des bâtiments réacteurs sont clairement en dessous du niveau de la mer, comme cela apparaît dans un plan du METI (Ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie). Donc si un corium a réellement traversé le radier, il s’est probablement trouvé en contact avec un niveau géologique en relation avec l’océan, car la centrale est construite sur des roches sédimentaires de type « grès », assez perméable à l’eau car souvent fracturé. Or, une contamination continue de la mer durant des dizaines d’années pourrait créer des dommages considérables pour l’ensemble du littoral oriental de l’archipel.
     
    On a aussi également beaucoup parlé dans les forums d’un risque d’explosion nucléaire, hypothèse qui a été reprise dans quelques articles. Le terme d’« explosion nucléaire » avait déjà été employé de manière incorrecte dans les médias pour des explosions d’hydrogène. En fait, dans une centrale nucléaire, une explosion n’est pas forcément nucléaire. En revanche, une explosion d’hydrogène dans une centrale nucléaire rejette de la radioactivité dans l’environnement. Même s’il reste de grandes interrogations sur la nature des explosions de l’unité 3, il ne faut pas faire d’amalgame.
    En octobre 1999, un accident de criticité a eu lieu au Japon à Tokaï-Mura : lors d’une phase de mélange de composants, le dépassement de la masse critique d’uranium enrichi avait déclenché un « début d’explosion atomique » (9). Pour autant, les défenseurs de l’énergie nucléaire ont toujours affirmé qu’une centrale nucléaire ne pouvait pas exploser comme une bombe atomique. Il y a du vrai et du faux. Une explosion nucléaire implique un emballement de la réaction en chaîne. Or cet emballement peut être plus ou moins important. Quand il est important, c’est que le combustible est très pur et très enrichi. On ne rencontre ça que dans une bombe. Dans une centrale nucléaire en fonctionnement normal, le combustible peut être sujet à un emballement suite à une erreur de manipulation ou une panne du système de refroidissement, mais il ne donnera jamais une explosion atomique du type bombe H car l’environnement, les taux et la nature des combustibles ne le permettent pas. En revanche, cet emballement, même minime, peut conduire à une explosion nucléaire ? sixième danger ? mais à des niveaux d’énergie comparable à celle des explosions conventionnelles, c’est-à-dire des millions de fois plus petite qu’une explosion nucléaire militaire (10).
    En outre, il reste encore une grande inconnue, c’est le comportement des différents coriums engendrés par la catastrophe du 11 mars. Ils ont chacun des masses et des compositions différentes, selon ce qu’il y avait au départ dans chaque réacteur et ce qu’ils ont « mangé » sur leur passage. La modélisation de l’activité de coriums d’une aussi grande masse n’a jamais été réalisée, et l’accident de Fukushima devient une « expérience », sauf que cette expérience se fait et se fera dans un milieu non confiné aux dépens de la population japonaise au premier chef, mais aussi de la population mondiale puisqu’elle est partie pour durer des dizaines d’années. L’idée défendue par le milieu nucléaire de se servir du retour d’expérience de Fukushima pour réaménager le parc nucléaire mondial existant est donc un leurre puisque l’on ne connaîtra réellement ce qui s’est passé que dans des décennies. D’où l’utilité de réclamer en urgence un moratoire sur l’emploi de l’énergie nucléaire, au moins pour les centrales les plus vieilles, afin de ne plus prendre le risque d’une telle catastrophe.

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