• FUKUSHIMA (suite 21) DE TCHERNOBYL EN TCHERNOBYLS

    FUKUSHIMA (suite 21) DE TCHERNOBYL EN TCHERNOBYLS

    source

    Lundi 28 mars. 23H. « De Tchernobyl en Tchernobyls », c'était le titre du livre que le prix Nobel de physique Georges Charpak, aujourd’hui disparu (1), faisait paraître Il y a cinq ans et demi avec son vieil ami physicien Richard Garwin, membre de l’ Académie des sciences américain, et la physicienne Venance Journé, du CIRED (Centre International de recherche sur l'environnement et le développement), proche du mouvement Pugwash (2), un livre de 578 pages réédité ces jours-ci (3). Il y était rappelé que « nous ne sommes pas à l’abri de nouveaux tchernobyls ». Et il est très intéressant de retrouver aujourd’hui, dans l’une des cinq annexes de l’ouvrage, l’article plus qu’instructif d’ AnnMac Lachlan, une journaliste spécialisée très connue dans le domaine nucléaire, écrit sous le titre « La complaisance et la négligence menacent l’industrie nucléaire, selon les avertissements de l’association mondiale des exploitants de centrales nucléaires [WANO] ».

    On ne peut soupçonner ces exploitants de centrales d’être de redoutables anti-nucléaires. Et pourtant, quel avertissement avaient-ils lancé, lors de cette réunion générale à Berlin, de hauts fonctionnaires de la WANO (association née en 1989 dans le sillage de Tchernobyl) ? Que « l’industrie nucléaire mondiale y [était] en danger, menacée par la complaisance et la négligence  qui ont conduit à plusieurs « incidents graves» dans des centrales nucléaires en Europe, aux Etats-Unis et au Japon au cours des dernières années ». Il n’est évidemment pas question ici de reproduire tout cet article initialement paru chez notre confrère hebdomadaire Nucleonics Week (4) puis dans le livre de Charpak/Garwin/Journé. Mais il faut se débrouiller pour le relire dans son intégralité, tant il traduit des échanges … sans complaisance et fort peu rassurants !

    Nous en extrairons seulement un ou deux éléments concernant TEPCO (Tokyo Electric Power Company), l’opérateur de la centrale de Fukushima, dont le président Tsunehisa Katsumata était présent à Berlin. 16 cas de falsification de données étaient mentionnés chez TEPCo, dans des rapports d’inspection et de réparation des réacteurs à eau bouillante. Ce qui  ne manquait pas représenter, selon Rolf Gullberg, président du centre de Paris de la Wano, « un danger pour l’avenir de notre industrie ».  Le président Katsumata lui-même indiquait par ailleurs que le département de l’énergie nucléaire de TEPCO était devenu « un cercle homogène et fermé d’ingénieurs qui défiaient les vérifications effectuées par d’autres départements, y compris la direction »… Et tout à l’avenant, notamment sur « la non prise en compte de défauts apparaissant lors du vieillissement des équipements… ».

    Nous arrêterons là le jeu de massacre qui se poursuit sur 5 pages, pour signaler qu’il y avait exhortation générale à un maintien de la culture de sûreté, qui ne devait pas être bradée au nom des coûts de production. Surtout, tout le monde, dans le domaine, en prenait pour son grade, que ce soit chez EDF (avec la centrale de Cattenom), British Energy (la centrale de Sizewell-B), la compagnie de la centrale nucléaire de Paks en Hongrie etc.

    A l’heure où du plutonium a été découvert en cinq endroits dans le sol de la centrale de Fukushima et que l’opérateur TEPCO appelle finalement à l’aide (les Français EDF, Areva, CEA vont être mis à contribution) lors de cette crise majeure commencée le 11 mars et désormais vieille de 17 jours, il est nécessaire de rappeler que de pareilles déclarations ont bel et bien eu lieu un jour. Les opérateurs, eux-mêmes, étaient donc fort inquiets. Et comme le déclarait Bruno Lescoeur, directeur de la branche énergie d’Electricité de France, cité par notre consoeur AnnMacLachlan et reproduit en page 489 du livre Charpak/Garwin/Journé : « même un accident mineur pourrait être un désastre parce qu’il pourrait remettre en cause l’acceptabilité de l’énergie nucléaire en France, et peut-être même à l’échelle mondiale ».

    Vu l’ampleur du désastre (et non un « accident mineur ») à Fukushima, nous pourrions bien en être là.


    1)      Lire sur ce blog « Merci, Monsieur Charpak » http://sciencepourvousetmoi.blogs.nouvelobs.com/archive/2010/09/index.html

    2)      Ce mouvement qui a obtenu le prix Nobel en 1995, avec son cofondateur Sir Joseph Rotblat, s’est donné pour mission (notamment à travers les « conférences Pugwash) d’apporter des éléments scientifiques et réflexions éthiques approfondis pour s’interroger sur les menaces que peuvent créer la science et la technologie. Et tout particulièrement la menace des armes nucléaires, auxquelles le fameux manifeste Russell-Einstein de 1955 demandait de renoncer.

    3)      Editions Odile Jacob.

    4)      Nucleonics Week, volume 44, numéro 42, 16 octobre 2003.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :