• FUKUSHIMA (suite 28) ATTENTION AUX POSSIBLES IRRADIATIONS GRAVES

    ATTENTION AUX POSSIBLES IRRADIATIONS GRAVES

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    Mercredi 6 avril. 01H. Il va falloir s’habituer à au moins deux choses : à une catastrophe qui dure et à l’accumulation de chiffres gigantesques – et des plus variés.

    Dernier en date, près de 700 millions d’euros (80 milliards de Yen (1)) seraient nécessaires pour  la construction de structures autour des réacteurs 1 à 4 de la centrale dévastée, l’ensemble étant recouvert de plaques isolantes, dotées de matériaux capables d’absorber les divers rayonnements et empêcher toute radioactivité de sortir de la centrale en ruines. Sans oublier les systèmes d’aération nécessaires pour laisser sortir l’hydrogène qui pourrait éventuellement s’accumuler… et éviter de provoquer les explosions que l’on sait.  Evidemment, on peut considérer que ce n’est pas grand chose comparé à ce que pourrait coûter la catastrophe due au séisme puis au tsunami, évaluée (aujourd’hui), à environ 300 fois plus (25000 milliards de yen) et certainement plus demain. De toute façon, pas question d’envisager pareille construction tout de suite. Le mois de… septembre aurait été évoqué au niveau gouvernemental, ce qui semble assez irréaliste. Car, dans le même temps, il y a tellement à résoudre !

    Ces deux derniers jours, ce sont les 10 000 tonnes d’eau « faiblement » radioactives rejetées directement dans la mer qui ont été le chiffre du moment. De quoi insupporter les Coréens et les Russes, qui ont fait savoir ne pas apprécier ces rejets pollueurs d’océan Pacifique. Mais il y en aurait de toute façon 6 fois plus dans toute la centrale. Qu’il faudra entreposer soit dans le « mega-float », soit dans des conteneurs à terre, soit dans des barges apportées par les Etats-Unis…. Soit faire passer par des systèmes de retraitement une partie de cette eau qui est, elle, hautement contaminée. Le Japon s’est ainsi résolu à faire appel à la Russie pour qu’elle lui apporte une plate-forme flottante prévue pour assurer ce genre de retraitement. Les effluents liquides, eux aussi, doivent être manipulés avec précaution – non seulement à cause de la radioactivité générale qu’ils rejettent, mais parce que leur manipulation (s’il y a filtrage, par exemple) peut conduire à des accumulations encore plus radioactives. Nul doute que les travailleurs ayant à la fois à se débarrasser de toute cette eau radioactive, sans oublier la nécessité de « contenir » les cœurs de réacteur toujours très chauds et les barres de combustible usagé à maintenir également aussi refroidies que possible, demeurent dans une situation extrême. Le mot de « stabilisé », utilisé ces jours-ci, doit être manié avec précaution, quand on pense à ces hommes impliqués dans ces diverses opérations. D'autant qu'ils doivent absolument se méfier de possibles "reprises du feu qui couve".

    A preuve, les échanges pointus, mais cruciaux, entre spécialistes, ces tous derniers jours. La question de la contamination de l’eau de mer est d’ailleurs au cœur du débat. Ainsi, ils s'interrogent sur la découverte de certains éléments retrouvés dans cette eau contaminée et se demandent : y a-t-il eu, ou non, des « reprises de criticité » - autrement dit des reprises de réaction en chaîne – soit dans un réacteur, soit dans les combustibles usagés ? Question loin d’être innocente, car, lors de telles « reprises de criticité » (que nous avons évoquées dans ce blog à plusieurs reprises (2)) ce sont des bouffées de neutrons (une radioactivité très dangereuse car très pénétrante et difficile à détecter « sur le terrain ») qui sont émises !

    Ainsi, selon les travaux de MM. F. Dalnoki-Veress et Arjun Makhijani (2), tel aurait pu être déjà le cas. Ils en veulent pour preuve la détection dans l’eau de mer contaminée, annoncée le 25 mars par TEPCO, d’un certain isotope du chlore, le chlore-38. Comme on ne rencontre pas cet élément radioactif dans la nature, il ne peut avoir été produit qu’artificiellement. Il se désintègre en effet en très peu de temps (sa demi-vie est de l’ordre de 37 mn = au bout de 37 mn, il y en a deux fois moins, 37 mn plus tard, encore deux fois moins etc.). Autrement dit, s’il a pu être détecté, c’est qu’il venait d’être produit très récemment. Selon l’analyse faite par les deux spécialistes, l’un ingénieur (président de l’Institut de l’énergie et de recherche environnementale ; PhD en engineering à Berkeley), l’autre physicien, spécialiste de sécurité nucléaire et non-prolifération à l’Institut Monterey d’études internationales (Californie), ce chlore-38 a été produit à partir du chlore-37, très présent dans l’eau (quand le chlore 37 capture un neutron, il devient du chlore 38).

    La question est alors, et c’est là le point crucial : d’où est venu ce neutron capturé ? Il aurait pu, tout simplement, être l’un de ceux émis « spontanément » par le combustible dans le cœur du réacteur à l’arrêt. Mais, selon les calculs des deux spécialistes, ce combustible n’aurait pas produit assez de neutrons capables de créer, à leur tour, assez de chlore-38 pour qu’il soit détectable. Selon eux, il a fallu qu’il y ait une « bouffée de neutrons » pour que cette réaction de capture (de neutrons) se produise en quantité, et que le chlore-38 devienne détectable. Or, pareille bouffée de neutrons, si des hommes travaillaient à proximité, a été extrêmement irradiante.  

    Se disant « mal à l’aise » (uncomfortable), les deux spécialistes interpellent alors l’opérateur de la centrale TEPCO à la fin de leur article (nous traduisons) : « Etant donné les incertitudes, il est néanmoins important que TEPCO soit conscient de la possibilité de criticité temporaire pendant que des travailleurs accomplissent leur travail ; ces derniers seraient alors en bien plus grand danger qu’ils ne le sont déjà quand ils essayent de contenir la situation. Cette reprise temporaire de criticité pourrait expliquer les 13 « rayonnements neutroniques » rapportés par Kyodo news (2). Cette analyse n’est pas une preuve définitive, mais elle signifie que nous ne pouvons pas éliminer la possibilité d’une criticité localisée et TEPCO devrait s’assurer que les travailleurs prennent les précautions nécessaires ». Malheureusement, comme dit plus haut, la détection « immédiate » des neutrons, contrairement à la détection gamma, par exemple, est difficile à effectuer.

     

    1)    Kyodo news http://english.kyodonews.jp/news/2011/04/83374.html

    2)    Lire notamment le blog du 24 mars : http://sciencepourvousetmoi.blogs.nouvelobs.com/archive/2...

    3)    http://japanfocus.org/-Arjun-Makhijani/3509


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