• FUKUSHIMA (suite 33) L'inquiétude de scientifiques français

    FUKUSHIMA (suite 33) L'inquiétude de scientifiques français

    Mercredi 20 avril. La catastrophe de Fukushima commence de provoquer comme un frémissement chez les scientifiques, en particulier les physiciens. Ainsi c’est un « appel [aux scientifiques]» que nous avons reçu aujourd’hui à Sciences et Avenir et avons décidé de publier sur le site du magazine (1). Il vient de M. Harry Bernas, spécialiste des effets d’irradiation dans les matériaux et ancien directeur d’un laboratoire CNRS de physique nucléaire. « Où sont les scientifiques ? » s’interroge-t-il. « Après Three Mile Island et Tchernobyl, Fukushima symbolise un véritable changement pour l’avenir de l’humanité, et exige que les scientifiques dépassent le rôle d’experts pour devenir acteurs dans le débat public » estime ainsi M. Bernas (qui nous a confié avoir également envoyé son texte aux Etats-Unis, recueilli les signatures de deux confrères, Russe et Letton et être en attente de deux autres, Américain et Allemand pour cette version anglaise) Il appelle les spécialistes à réagir : « Sans arrogance et avec leurs concitoyens, il est grand temps pour eux de s’exprimer massivement et partager les responsabilités des décisions sociétales. »

     

    De fait, de nombreux scientifiques nous ont adressé des mails au cours de ces dernières semaines, nous confiant parfois leur désarroi et se disant « bouleversés » par la tragédie du séisme suivi du tsunami, puis par la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima, depuis le 11 mars. L’un d’eux nous écrivait aussi : « Je pense qu'il faut remettre les scientifiques (les vrais spécialistes des domaines concernés au cas par cas) au centre du contrôle et de la gestion des nouvelles technologies, évidemment avec une transparence totale  et en coopération avec les politiques ». C’étaient des échanges privés qui montraient de fortes interrogations, les physiciens ayant été « échaudés » à plusieurs reprises et de façon violente. Jadis, par le nucléaire militaire avec les deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki – Robert Oppenheimer, le chef du projet Manhattan (de fabrication de la bombe par les Etats-Unis) en avait déclaré : « Les physiciens ont connu le péché ». On sait aussi qu’après la deuxième guerre mondiale, était né le mouvement Pugwash (1), qui s’interrogeait sur les dangers des technologies, et tout particulièrement lors de la course aux armements pendant la guerre froide. Plus récemment, ce furent, pour le nucléaire civil, l’accident de Three Mile Island (1979) aux Etats-Unis puis la catastrophe de Tchernobyl (1986) en Ukraine, dont on « célèbre » aujourd’hui les 25 ans - les responsables politiques s’efforçant de réunir plus de 700 millions nécessaires à la construction d’un nouveau sarcophage.

    Cet appel arrive alors qu’un article pour le moins surprenant vient de paraître sur le site du journal de référence scientifique Nature (3), une interview de M. Laurent Stricker, ingénieur nucléaire et ancien directeur de centrale, conseiller de l’opérateur français EDF et aujourd’hui président de la WANO (association mondiale des opérateurs nucléaires). On sait l’importance de cette association basée à Londres, créée en 1989 après la catastrophe de Tchernobyl, et qui s’est déjà interrogée sur « la négligence » dans certaines centrales, mettant en péril la pérennité de l’industrie nucléaire mondiale [lire aussi le blog du 28 mars (1)]. A la dernière question de l’interview demandant si « l’énergie nucléaire prendrait fin au cas où un autre accident majeur aurait lieu », M. Stricker répond tout de go : « Je le crains. Comme nous le constatons avec Fukushima, un accident dans un pays a des conséquences pour tous les opérateurs, partout ailleurs ».  

    Les « répliques » (politico-industrielles, scientifiques, éthiques etc.) de la catastrophe ne font que commencer.

     

    1)   http://www.sciencesetavenir.fr/actualite/crise-nucleaire-...

     

    2)   Ce mouvement qui a obtenu le prix Nobel en 1995, avec son cofondateur Sir Joseph Rotblat, s’est donné pour mission (notamment à travers les « conférences Pugwash) d’apporter des éléments scientifiques et réflexions éthiques approfondis pour s’interroger sur les menaces que peuvent créer la science et la technologie. Et tout particulièrement la menace des armes nucléaires, auxquelles le fameux manifeste Russell-Einstein de 1955 demandait de renoncer. Lire aussi blog du 28 mars : http://sciencepourvousetmoi.blogs.sciencesetavenir.fr/arc...

    3)   http://www.nature.com/news/2011/110418/full/472274a.html?...


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