• J'ai l'habit'rude / N°76

    J'ai l'habit'rude / N°76

    source Lablanche

    L'autre jour comme je passais devant a publicité du parfum de Guerlain, Habit Rouge, Adélaïde, mon fier destrier à pédales faillit heurter un arbre. Sur l'affiche, l'on voit un jeune homme tenant fermement une cravache rouge cachée dans son dos. En petit il est écrit : "Habit Rouge, genre (très) masculin".
    Que fout un type avec une cravache rouge dans le dos pour vendre du parfum ? Mystère... Et pourquoi appartient-il au "genre (très) masculin" malgré ses petites épaules et son piti visage tout lisse de mannequinou ? Mystère également. Et tandis que le mystère s'épaississait autour de moi, je suis sorti de la piste et j'ai failli avoir un rapport (très) masculin avec un arbre.habit rouge
    Il me fallait enquêter. Premier indice : la cravache est rouge et le nom du parfum aussi. Deuxième indice : les habits rouges, c'est l'ancien nom de (ces salauds de) soldats anglais. J'en déduis que le type doit être dans la cavalerie militaire anglaise : il cache sa cravache pour faire une blague à son canasson avant de lui offrir du parfum. Bizarre, ces Rosbifs.
    Mais alors pourquoi porte-t-il un habit gris ? Peut-être veut-il acheter du parfum au magasin de l'armée mais, comme il n'a pas un habit de la bonne couleur, il est obligé de menacer la vendeuse avec sa cravache ? Non, si c'était le cas, il aurait pris une arme plus sérieuse qu'une cravache rouge. Une chanson de Florent Pagny rouge, par exemple.

    Je n'y comprenais rien : comment voulez-vous relancer la consommation avec des pubs aussi compliquées, franchement ? Pourquoi il a une cravache, le mec, hein ? Parce qu'il fait du cheval ? Mais alors pourquoi ils le foutent pas directement sur un cheval ? C'est facile à comprendre, ça, pourtant : un cheval, ça poque du glou, alors il se met du parfum pour supporter et voilà, c'est vendu !

    Et là, j'ai eu comme une illumination : la cravache rouge. Tout était là : s'ils n'ont pas mis de canasson, c'est parce que la cravache est faite pour quelqu'un d'autre. Alors soudain, j'ai repensé à la déclaration raciste de Jean-Paul Guerlain sur France2. Horreur ! Tout était clair : Les salauds, ils veulent mettre "les Nègres" au travail en leur donnant des coups de cravache !  Tout colle : habit rouge, c'est le nom qu'on donnait aux soldats anglais quand l'esclavage n'avait pas encore été aboli ! Et l'histoire du parfum, ça n'était qu'un mauvais jeu de mots : les conspirateurs entendaient juste mettre leurs complices "au parfum" du déclenchement de la conspiration raciste par voie d'affichage !
     Un grand complot pour rétablir le 19ème siècle était en train d'avoir lieu sous mes yeux. Que faire ?

    J'ai pensé à mon copain Jean-Pierre : il s'y connait assez bien en complots (c'est lui qui a organisé le 11 septembre - mais il regrette : il était bourré, pardon).
    - non, je pense que la cravache est plutôt un accessoire érotique. Ça veut dire qu'un homme qui porte ce parfum, ça le rend tellement "genre (très) masculin" qu'il peut donner des coups de cravache.
    J'ai pouffé :
    - n'importe quoi ! Et à qui ?
     
    sadeJustine1.jpg- à une femme, benêt !
    - à une femme ? C'est absurde  : elle lui offre une bouteille de parfum et lui, pour la remercier, il se met à califourchon dessus et il commence à la cravacher en criant hue cocotte ?
    J'hallucinais, je passais d'un complot pour rétablir l'esclavage à un complot pour cravacher Maman devant toute la famille à Noël si elle avait le malheur de m'offrir du parfum. J'ai eu une idée : j'ai avisé ma voisine de comptoir et je lui ai demandé :
    - Mademoiselle, puis-je vous demander si vous me trouvez "genre (très) masculin" ?
    La fille, étonnée, m'a dit :
    - ben oui... heu, enfin, ça va, quoi.
    Ça m'a énervé, je voulais en avoir le cœur net :
    - et comment que tu peux le savoir alors que je t'ai jamais cravaché ta gueule, hein ? Tu peux me dire ?
    Elle m'a regardé tranquillement et elle a dit :
    - parce que votre connerie est très masculine, monsieur.
    Puis elle est partie en faisant un bruit de libellule. Je me suis retourné, triomphant, vers Jean-Pierre et je lui ai dit :
    - ça y est, j'ai compris le sens de la pub, c'était pourtant simple : ils suggèrent que si je peux être violent et sadique avec les femmes, je suis du "genre (très) masculin"
     .

    Il doit sentir bizarre, non, ce parfum ?

     

    *

     

    « Enfin une femme qui avoue ! Qui avoue quoi ? Ce dont les femmes se sont de tout temps défendues (mais jamais plus qu'aujourd'hui). Ce que les hommes de tout temps leur reprochaient : qu'elles ne cessent pas d'obéir à leur sang ; que tout est sexe en elles, et jusqu'à l'esprit. Qu'il faudrait sans cesse les nourrir, sans cesse les laver et les farder, sans cesse les battre. Qu'elles ont simplement besoin d'un bon maître, et qui se défie de sa bonté... »

    J. Paulhan (Préface des Histoires d'O - 1954)

     

    Publié dans la Mèche N°11


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