• La Nécrologie anthume d'ALAIN JUPPÉ par Léon Chrysanthème

    La Nécrologie anthume d'ALAIN JUPPÉ par Léon Chrysanthème

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    Qui a osé dire que tu avais autant d’humour qu’un grille-pain ? .....

    Qui a osé dire que tu avais autant d’humour qu’un grille-pain ? En 2009, les caméras du Petit Journal ont surpris cet échange cocasse avec Jacques Chirac à la sortie d’un restaurant bordelais. Croisant un jeune homme d’origine africaine qui lui disait venir de Lormont, près de Bordeaux, Chirac commenta en termes choisis cette rencontre improbable dans la capitale du vin rouge : « À mon avis, il n’est pas tout à fait né à... natif de... ». Ce à quoi tu répondis avec ce mélange de flegme british et d’esprit gaulois qui n’appartenait qu’à toi : « Il est pas Corrézien ». Hu, hu, hu... Homme d’État droit dans tes bottes tu avais la plume alerte et le verbe coloré. Auteur de plusieurs ouvrages intimes et engagés, La Tentation de Venise, ou France, mon pays. Lettres d’un voyageur, tu fus une sorte de Rimbaud II, un talent lyrique d’une extraordinaire précocité. À l’âge de seize ans, sous le pseudonyme de Pierre Odalot, tu inondais de ta verve poétique le journal Le Grelot. Comment ne pas citer ce vers prophétique extrait de Variations égoïstes, poème écrit en 1962 : « Ô saint isolement, sur mon heur et mes pleurs, quand régnerai-je seul ? »
     

    Cette plainte déchirante te dévoile tout entier. Toi destiné aux sommets les plus hauts, tu manquas t’abîmer dans des gouffres abyssaux. En 1994 tu intervins afin que ton fils soit logé presque gratuitement par la ville de Paris dans un appartement de 189 m2 : classé sans suite. En 2004, en revanche, tu étais bel et bien condamné pour « abus de confiance, et prise illégale d’intérêt » en tant que secrétaire général du RPR, ta famille, encore une fois. Puisque la Justice des hommes méconnaissait les lois du cœur, tu choisis l’exil plutôt que l’infamie. Ta traversée du désert passait par l’Atlantique. Elle fut un chemin de croix. Deux facultés américaines et l’Université du Québec refusèrent tes offres de services pour la mesquine raison que tu avais écopé d’une peine de 18 mois de prison avec sursis et d’un an d’inéligibilité. Ce châtiment, tu l’exhibais comme les stigmates de ton martyr. Bâtissant ta légende d’innocent aux mains pleines, ton visage portait le masque songeur de celui qui s’est coincé le prépuce dans la braguette mais n’en veut rien laisser paraître. Lors de ton embauche comme enseignant, dans la prestigieuse ENAP, équivalent québécois de notre Ècole Nationale d’Administration, journalistes et universitaires de la Belle Province te sont, si l’on ose dire, tombés sur l’érable. « Nous avons le devoir de faire annuler cette décision qui nous abaisse et nous fait honte collectivement » pesta l’universitaire Gérard Bouchard dans Le Devoir. Cruelle province !

     

    Heureusement, la France ne retint de ce séjour que ta conversion à l’écologie et même… à l’altermondialisme : « Je m’appliquerais en effet volontiers ce qualificatif » osas-tu dire en 2007. Et ainsi tu devins ministre de l’Écologie du gouvernement Fillon I… pendant un mois. Evincé par ta défaite aux législatives et la règle du Vae Victis, tu es revenu à la Défense en novembre 2010 à la demande de Nicolas Sarkzoy, l’homme qui, sous le nom de Mazarin, t’avais traité en 1995 dans Les Echos de « dogmatique rigide, pire que Laurent Fabius ». Pour lui complaire, tu allas jusqu’à retirer de ton blog les articles trop critiques envers l’action gouvernementale a noté le Canard Enchaîné. Tu renias même ta promesse faite aux Bordelais de ne jamais les quitter ! Était-ce enfin la résurrection ? Que nenni ! A peine nommé, ça Karachie dans la colle. Alors que tu croyais goûter enfin les ors d’un ministère prestigieux où, servi par ton côté jugulaire jugulaire, tu n’aurais eu qu’à mener à bien la privatisation de l’armée, voilà que tu te retrouves au cœur de l’affaire d’État la plus dévastatrice de ces dernières années. Voilà qu’un juge te réclame des documents classés secret-défense ! Voilà que tu es encore suspecté de coups tordus, de dissimulation ! Pouvais-tu résister à ces nouvelles attaques ? L’homme dissous par la dissolution pouvait-il se relever de cette énième catastrophe ? Aujourd’hui, hélas, nous connaissons la réponse… Pauvre Alain.

     

    Léon Chrysanthème


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