• LE MIRAGE DU VACCIN

    LE MIRAGE DU VACCIN

     

    En commandant 94 millions de doses pour vacciner les Français contre la grippe A, le gouvernement impressionne, mais il n'empêchera pas la pandémie. Et pour cause : le vaccin ne sera pas prêt pour la rentrée. Enquête
    Au début, tout paraissait simple. La planète infestée par un nouveau virus grippal à la progression foudroyante ? On a déjà connu ça. Mais cette fois - une première ! -, le virus, on l'a vu venir. On a suivi ses avancées planétaires. «Aucune pandémie antérieure n'a été décelée aussi tôt, ni surveillée d'aussi près en temps réel, dès le début», déclarait début juin Margaret Chan, directrice générale de l'OMS. Grâce à cette «longueur d'avance», on allait pouvoir réagir, en particulier à coups de vaccin. Rien de plus facile que de fabriquer des vaccins antigrippaux dès lors que l'on dispose de la souche virale. Celle du nouveau virus A/H1N1 a été distribuée fin mai aux laboratoires, sous sa forme officielle, homologuée et prête à l'emploi - c'est-à-dire après l'indispensable manipulation génétique qui rend les virus cultivables in vitro. Dans un communiqué du 27 mai accusant réception de la souche, Sanofi- Pasteur se donnait «un délai d'environ deux semaines» avant d'être «prêt à débuter la production industrielle sur demande des autorités de santé». Dès le 30 mai, il est vrai sans citer ses sources, «le Journal du dimanche» proclamait : «La France prépare un plan de bataille sans précédent pour cet automne avec, à la clé, une campagne de vaccination obligatoire pour tous les Français déplus de 3 mois, pour un coût total d'un milliard d'euros.» Bigre !
    Difficile de blâmer un gouvernement d'avoir songé à protéger sa population contre un fléau aux dégâts imprévisibles. On n'avait pas réussi à stopper aux frontières les nuages de Tchernobyl, mais le virus A/H1N1, pourquoi pas ? Toutefois, il y a loin du tintamarre à la réalisation. C'est seulement le 16 juillet que le gouvernement français passait formellement auprès de trois laboratoires la plus fabuleuse commande de vaccins de l'histoire : 94 millions de doses, livrables d'octobre 2009 à janvier 2010, pour un montant de 879 millions d'euros. Avec une option supplémentaire sur 34 millions de doses livrables courant 2010. <script type="text/javascript">// <![CDATA[ OAS_AD('Middle1'); // ]]></script>

    Mystérieux adjuvants
    Le tout au profit du suisse Novartis, du français Sanofi-Pasteur et surtout du britan- nico-américain GlaxoSmithKline. Sans battre le record absolu de la France, d'autres gouvernements se sont au même moment signalés par des commandes massives. Citons par exemple l'Algérie (65 millions de doses), le Royaume-Uni (60 millions), l'Italie (48 millions), l'Allemagne (25 millions). Ou les Etats- Unis (commande d'un montant de 1,5 milliard d'euros, sans que l'on puisse savoir à combien de doses cela correspond). La Suisse a même discrètement battu le record hexagonal, avec 13 millions de doses commandées, pour une population de seulement 7,5 millions d'âmes. Pareille mobilisation est impressionnante, mais elle risque fort d'être vaine.
    Car, tandis que la propagation du virus galope - ignorant superbement notre «longueur d'avance» -, la fabrication du vaccin, elle, marque le pas. Certes, on multiplie le virus pour en extraire certaines protéines de surface, aux vertus immunisantes, que l'on stocke dans des conteneurs. Mais on ignore encore quel en sera le dosage final dans le produit commercialisé. D'ailleurs, dans les contrats, les délais de livraison sont assortis de clauses étrangement élastiques. Pour Sanofi-Pasteur, par exemple, «la formulation finale et la mise à disposition seront déterminées dans les prochains mois, lorsque le processus de production à large échelle sera en cours». C'est donc dire qu'il ne l'est pas. Et qu'on semble avoir oublié la promesse du 27 mai, avec sa «production industrielle» alors envisagée dans un délai d'environ deux semaines». Les laboratoires ont une excuse, qu'ils auraient pu avouer plus tôt : jusqu'à la fin juin, leurs chaînes de production étaient accaparées par le vaccin habituel correspondant à la prochaine grippe saisonnière. Ils ne pouvaient donc pas sérieusement se lancer dans la production du nouveau vaccin. Désormais, ils en ont la capacité, mais c'est le virus qui fait des siennes. Dans les organismes humains, il contamine et prolifère à une vitesse inédite. Mais au laboratoire, sur les milieux où on voudrait le multiplier - oeufs de poule «embryonnés» ou cultures cellulaires -, il prolifère beaucoup moins vite que prévu. <script type="text/javascript">// <![CDATA[ OAS_AD('Middle3'); // ]]></script>
    Il va donc falloir plus de temps pour produire assez du principe actif immunisant.
    A moins que ce principe actif trop rare - car long à obtenir - ne s'avère à l'inverse très fortement vaccinant, ce qui permettrait de se rattraper en abaissant les doses. Mais il serait imprudent de compter sur un pareil miracle et, de toute façon, on ne le saura qu'après les essais cliniques, lesquels vont prendre encore plusieurs semaines. On peut aussi espérer la mise au point d'une nouvelle souche, qui proliférerait plus vite sur les milieux de culture. Ou alors s'en remettre aux mystérieux adjuvants, ces boosters de l'immunité, dont les firmes conservent chacune jalousement le secret - et le brevet. Et qui permettent de vacciner autant, avec moins de principe actif. Chez Novartis, par exemple, Eric Althoff ne se gêne pas pour vanter son adjuvant «MF59», le seul qui ait jusqu'ici «fait ses preuves dans un vaccin antigrippal», et qui de plus «élargirait le spectre d'action du vaccin» pour contrer aussi certaines formes mutées du virus initial.


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