• LA GRÈCE : REPOUSSER ET ATTENDRE ENCORE QUATRE MOIS

    Pourquoi un tel défaut de réalisme ?



     
    le 
    <time datetime="27/02/2015" itemprop="date">27/02/2015</time> 

     

    L'accord intervenu à Bruxelles, entre la Grèce et les 18 membres de l'Eurogroupe ne serait-il pas un modèle de mensonges et d'impostures ? Ce pseudo accord ne règle en rien les questions de fond. La Grèce demeure plus que jamais dans l'impossibilité de rembourser ses dettes et aucune réforme interne ne peut lui permettre de retrouver sa compétitivité économique étranglée par une monnaie unique inadaptée. 


    La Grèce gagne certes un peu de temps, mais en réalité, ces quatre mois n'annoncent qu'une lente agonie financière et économique dans une ambiance politique électrique. Le diktat imposé par l'Allemagne pour poursuivre la dévaluation interne, qui est en fait une véritable purge pour le peuple grec, est à proprement parler une déclaration de guerre à tous les peuples du Sud de l'Europe et indirectement à la France de demain. Cette politique est pourtant vouée à l'échec, pire elle va relancer partout dans le Sud le sentiment réel anti-germanique, très présent en tout cas dans la péninsule ! Or, il n'y a pas d'autre solution pour la Grèce que sortir de la zone euro comme il n'y en aura pas d'autres à un moment donné pour la France. La réalité, « la dure réalité » comme le soulignait Karl Marx, rattrape toujours les utopies. On attendra quatre mois mais ce sont quatre mois pour rien, quatre mois d'acharnement thérapeutique, l'issue de l'euro est fatale sauf que quatre mois amène en juin, juillet, juste avant les vacances. C'est un bon timing pour annoncer ses défaites.
     
    L'enjeu grec aurait en tout cas mérité un débat au Parlement français comme vont le faire d'ailleurs cette semaine les parlements néerlandais, allemand et finlandais. Il est sidérant qu'une nouvelle fois l'assemblée nationale soit aux abonnés absents ! Mais c'est qu'en fait, toute la classe politique française est dans les cordes et elle le sait. Rappelez-vous l'euro : vous aviez dit « non », on vous a fait dire « oui » avec des promesses de prospérité et d'emploi. Et pendant ce temps, les Français ruinés regardent avec envie et stupéfaction la croissance insolente de l’économie américaine qui dépasse le chiffre mythique des 5 % l’an. A l’évidence, les gnomes de Francfort et de Berlin qui campent sur leur idéologie intégriste et la politique de purge budgétaire à la Pierre Laval termineront dans le cimetière des utopies des monnaies uniques.

    Depuis plus de cinq ans, l'austérité décidée par le FMI et ceux que l'on nomme la « troïka » ont provoqué des dégâts insupportables pour la société grecque. L'a-t-elle mérité ? Non : les responsables sont les prévaricateurs, ceux qui en complices de la banque Goldman Sachs ont détourné les finances publiques, et l'institution européenne elle-même, pervertie par les lobbies financiers qui a détruit l'économie grecque déjà fragile en anéantissant l'agriculture, en favorisant la concentration urbaine sur les métropoles. 

    C'est bien l'Europe qui a fait croire à Athènes qu'avec les travaux réalisés pour les Jeux olympiques de 2004, elle rejoindrait les grands européens et que le départ vers une normalisation des infrastructures était permis, oubliant que le financement n'était pas acquis. Ce fut aussi exactement le cas, il y a quelques années en Espagne qui crut, avec la « bulle » immobilière que l'économie redémarrerait avec une activité importante du bâtiment. 

    Si l'on dresse aujourd'hui objectivement le constat, de manière conséquente, l'Europe n'a joué qu'un rôle négatif qui a déstabilisé toutes les économies. L'agriculture espagnole s'en sort mieux, entrée dans l'Europe en 1986, aux dépens des agriculteurs du Midi de la France qui subissent depuis deux décennies une concurrence quasiment déloyale. Là encore, il faut réitérer les promesses de quelqu'un comme M. Barnier : l'entrée de l'Espagne et du Portugal en Europe devait être compensée, pour le Midi de la France, l'Italie et la Grèce par des « Programmes intégrés méditerranéens », permettant de conforter des mesures nouvelles pour des économies de « substitution », la nouvelle concurrence agricole ayant pour effet la disparition de nombreuses exploitations dans les pays cités. La « substitution » signifiait l'augmentation significative du tourisme dans des régions pour lesquelles le tourisme constituait davantage une précarisation économique qu'un enrichissement, les investissements étant portés par les capitaux de grosses sociétés et non par un investissement local, les populations locales ne disposant pas de telles possibilités, n'ayant pas les reins assez solides pour investir sur une grande échelle.

    Le résultat catastrophique est là

    Le Midi de la France est en voie de grande paupérisation. Prenons une ville comme Montpellier, qui s'est voulue, du temps de l'empereur Frêche, « Montpellier la surdouée ». Il y a la bétonisation de la ville, un accroissement démographique non maîtrisé, une économie locale à la ramasse qui ont engendré un taux de paupérisation de 31 % de la population. L'Espagne est dans le même état, l'Italie ne vaut guère mieux, et la Grèce est exsangue. Il faut aussi rappeler que les économistes technocrates anglo-saxons osaient dénommer l'ensemble des pays méditerranéens, les « Pigs », c'est-à-dire évidemment « les cochons », acronyme de Portugal-Italy-Greece-Spain. 

    C'est peu dire que l'Europe est totalement devenue un continent à deux vitesses. Puis, les beaux esprits « libéraux » se sont targué de vanter le modèle économique de l'Europe du Nord qui aurait su se garder d'une dérive économique ! Mais là encore,  il faut revenir en arrière et rappeler que le « maintien » économique des pays anglo-saxons ne fut permis qu'au prix, en Grande-Bretagne, d'une énorme casse sociale organisée par le conservatisme britannique de Margaret Thatcher, appuyée par la puissance financière internationale, et qu'en Allemagne, le même conservatisme a également paupérisé l'ensemble de la société allemande. Les autres pays européens ne s'en sortent guère mieux, et si les pays d'Europe de l'Est, nouveaux venus dans cette même Europe, tirent pour l'instant à peu près leur épingle du jeu, c'est au prix de salaires extraordinairement bas, et du maintien d'une agriculture vivrière et familiale de petites exploitations.

    Les Grecs, nos frères européens, ont donc été les premiers à exprimer l'envie de l'arrêt de ce système en refusant l'austérité. Ils sont les premiers à montrer une voie nouvelle, la voix de l'anti-système, du refus de le gérer. Les socialistes français qui du social ont tout lâché au nom de la gouvernance technocratique (voir la loi Macron ou le pacte de compétitivité) opposent contre la Grèce du refus du système qu'ils ne veulent pas, l'idée que la Grèce n'a pas les moyens de financer les propositions de Syriza en omettant de dire aussi qu'elle n'a pas non plus les moyens de financer la destruction sociale de ce pays, l'austérité empêchant de dégager les marges autorisant les remboursements de la dette organisée par les financiers. Au rythme actuel de ses remboursements, la Grèce ne pourra jamais de toute façon rembourser cette dette, largement supérieure à son PIB. Il faut donc annuler sa dette. Il devrait aussi en être question pour la France.
      
    En effet, la solution est dans l'annulation pure et simple des  dettes comme dans le cas des pays d'Amérique latine dans les années 80-90 et dans la mutualisation des moyens donnés par l'application d'une péréquation proportionnelle à la démographie des pays européens, la Grèce ne comptant que 11 millions d'habitants. C'est seulement dans ce cadre que la Grèce peut donner un nouvel élan à toute l'Europe sans faire trop de casses, sinon, ce sera la guerre, une guerre économique, civile ou internationale, réelles ou virtuelles car il faut traditionnellement  les guerres ou les révolutions pour annuler les dettes.

    Enfin, des rapports de la Grèce avec l'Allemagne, il ne faut pas oublier les ressentiments permanents des Grecs à l'encontre des Allemands. Les Grecs réclament toujours les dommages de guerre à Berlin ! L'Allemagne n'a jamais payé sa dette de guerre à la Grèce. Alors quatre mois encore pour faire plaisir à Merkel ? Surprenant car la Chancelière Merkel avait déjà brisé un certain tabou idéologique en déclarant en janvier qu'un Etat pouvait sortir de la zone euro, contrevenant ainsi totalement et sans en avertir ses partenaires à la doctrine de Bruxelles. Alors, si on ne le permet pas encore, c'est qu'on sait très bien que cette sortie sera promise au demeurant à un bel avenir. On souhaite imiter pour l'instant la croissance américaine par la pratique de l'« l’assouplissement quantitatif ». On utilisera la politique monétaire pour la relance économique par la création monétaire, ce qu'a permis Mario Draghi de la BCE, il y a quelques semaines. L'Allemagne attend de voir sur le terrain européen du Sud les conséquences réelles de ce nouveau laxisme monétaire. On semble donc en réalité se donner quatre mois pour voir, quatre mois fatidiques où l'inimitable Commission de Bruxelles nous chantera la prétendue sagesse de l'Olympe « on ne peut pas sortir de l'euro » tout en n'y croyant plus. Mais voilà sortir de l'euro  donnerait aussi raison au Front National et en pleines élections locales françaises, ce n'est pas trop le moment.
     
    En fait, plus de 40 monnaies uniques sont mortes depuis un siècle et donc la seule question que les Etats de la zone euro doivent se poser, ce n'est pas si l'euro va survivre, la seule question qui vaille est comment démonter maintenant cette machine infernale contraire aux intérêts de tous les Etats, France et Allemagne comprises, sans que cela ne soit une sortie panique, sans qu'il y ait trop de casse ?
     
     

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :