• De Freud à Goldman-Sachs

    De Freud à Goldman-Sachs

    Freud a toujours été descendu en flammes par deux types de critiques.
    La critique d’extrême droite, pour qui le freudisme n’est que l’expression d’une psychopathologie juive (obsession sexuelle, inceste…). Une tradition reprise à son compte aujourd’hui par Hervé Ryssen dans Psychanalyse du judaïsme.

    La critique marxiste, pour qui le freudisme ne serait qu’une métapsychologie bourgeoise. Tradition allant d’Henri Wallon à votre serviteur en passant par Lucien Sève et Michel Clouscard (De l’acte à la pensée, Marxisme et théorie de la personnalité, Le Capitalisme de la séduction, Sociologie du dragueur).

    Si la première est loin d’être dénuée de fondement, notamment au regard du rôle moteur joué, dans la transmission juive, par la mère abusive, nous préférons nous attarder sur la seconde, parce qu’elle a le mérite de critiquer le freudisme sur le terrain même de sa prétention dans la modernité : celui du concept.

    Freud ou l’inconscience… de la domination économique

    Selon la critique marxiste, donc, exprimée le mieux par l’œuvre de Michel Clouscard, le freudisme n’est pas une théorie et une pratique propice à dévoiler l’inconscient, mais au contraire une théorie et une pratique faite pour produire de l’inconscient. De l’inconscience bourgeoise sur le rôle déterminant de l’économie dans le processus d’aliénation et d’oppression. Processus d’aliénation et d’oppression dont la bourgeoisie, justement, est la responsable et la bénéficiaire… En résumé : sur le divan et grâce à Freud, le bourgeois, d’oppresseur économique redevient victime psychologique. Une victime invitée en sus à se guérir de sa culpabilité en surmontant l’interdit sexuel contre l’autorité du père ! Plaisant programme, strictement inverse à celui proposé à cette même classe par Georges Bernanos, et qui explique le charme discret opéré sur la bourgeoisie par la psychanalyse…

    Face à cette polémique classique sur la validité supposée et l’utilité réelle du freudisme, le récent livre de Michel Onfray (Le Crépuscule d’une idole – L’affabulation freudienne) n’apporte rien de nouveau, si ce n’est qu’il reprend, sans les assumer totalement, ces deux critiques : psychopathologie et parasitisme. Son intérêt tient surtout au fait que sa descente en flammes provient, pour la première fois, d’un libertaire ; soit d’un penseur qui avait fait jusqu’ici – ou plus exactement jusqu’à ce qu’il redécouvre la question sociale à la faveur de la crise des années 90 – tout son beurre sur le désir ; lequel ne serait rien sans Freud…

    Marx-Einstein-Freud ou la fin d’un certain prestige…

    En s’attaquant à son tour à Sigmund Freud, Michel Onfray, qui ne vient ni de la droite extrême, disqualifiée par Hitler et ses camps, ni de du marxisme, disqualifié par Staline et son goulag, mais d’un nietzschéisme de gauche bien en cour et inattaquable, porte donc un coup très dur au dernier des trois piliers de la domination juive sur la modernité. Coup d’autant plus terrible porté à ce triptyque vacillant que les deux autres, Marx et Einstein, sont déjà bien ébranlés.

    Marx, par le socialisme réel et son goulag. Une démolition en règle validée par Bernard-Henri lui-même du temps de ces “nouveaux philosophes”.

    Einstein, contesté, lui, non pas sur la théorie de la relativité restreinte, mais sur sa paternité. E=MC2 étant la découverte incontestable, et aujourd’hui incontestée, du Français Henri Poincaré et Einstein soupçonné de plagiat.
    Antonio Gramsci…

    Or, comme nous l’explique très bien cet autre grand penseur marxiste qu’est Antonio Gramsci, la prise du pouvoir politique, en réalité toujours économique, doit, pour s’effectuer, être précédée d’une montée en puissance de prestige symbolique. Ainsi la Révolution française, qui fut dans les faits la prise du pouvoir par la bourgeoisie des Assignats et de la loi Le Chapelier – soit la dépossession de la noblesse suivie de l’exploitation à son compte du Tiers-État – n’aurait jamais pu s’effectuer sans la prise du pouvoir préalable des Encyclopédistes sur les esprits : Diderot puis Rousseau…

    Idem pour Marx et les Bolcheviks ou, pour remonter à la Renaissance, le rôle joué par Luther et la Bible de Gutenberg sur la montée en puissance de la bourgeoisie protestante…

    Œdipe et totémisme

    Mais revenons à Freud…
    Pour comprendre un peu mieux l’inquiétude et la colère que suscite l’attitude inédite de Michel Onfray chez certains intellectuels communautaires : de BHL du Point aux deux frères Miller – Gérard l’animateur comme Jacques-Alain le lacanien – en passant par Élisabeth Roudinesco, spécialiste, à défaut d’autre chose, de l’association : critique de la psychanalyse = antisémitisme… précisons encore que la théorie psychanalytique repose sur deux concepts.

    Un. L’Œdipe, qui explique la construction psychologique par les liens intra-familiaux ; une explication assez pertinente lorsqu’elle se limite à ce champ : bébé, maman, papa…

    Deux. Le totémisme, qui prétend, lui, expliquer les phénomènes historiques et sociaux sans jamais recourir aux rapports économiques. Pan très faible de la théorie freudienne, très peu défendu par les gardiens du temple à juste titre, mais qui valide la critique marxiste du freudisme comme “inconscience” de l’économie comme moteur principal de l’Histoire.

    Un freudisme social dont on peut lire notamment les ravages dans le très faible Malaise dans la civilisation, publié par Freud en 1929. Une explication de la montée du nazisme par la “pulsion de mort” dont l’indigence nourrit, en droite ligne, les André Glucksmann et autre Alexandre Adler quand ils prétendent à leur tour expliquer, par le nihilisme, la remontée des nationalismes et la colère des peuples dans une UE ravagée par les délocalisations et le chômage de masse !

    Le retour de la Grèce et de Goldman-Sachs…

    Il n’est dès lors pas difficile d’établir le lien entre la redécouverte de la question sociale – à la faveur de la crise à la fin des années 90 – par un Michel Onfray autrefois libertaire (qui allait jusqu’à recommander à ses élèves de se masturber en cours pour aider à leur émancipation) et son dégoût violent pour l’inconscience sociale freudienne.

    Pas plus qu’il n’est difficile d’expliquer la réponse agressive, d’autant plus agressive qu’elle est sans arguments, de nos freudiens communautaires à cette attaque en règle. Michel Onfray, autre fait sans précédent, allant même jusqu’à s’assumer comme goy face à cette tribale levée de boucliers.

    Car, pour revenir à Antonio Gramsci et au rôle fondamental joué par le métapolitique dans la conquête du pouvoir et la domination – une théorie sociale autrement plus valide que celle de Freud et ses tabous – que reste-t-il une fois tombé le masque du prestige symbolique ?
    Pour la République née de la Révolution française, derrière Diderot :  Thiers. Pour notre modernité, derrière Freud : Madoff et Goldman-Sachs.
    Alors au-delà de la critique théorique du freudisme dont tout le monde se fout, psychanalystes en tête, ne serait-il pas là le vrai Malaise dans la civilisation qui inquiète tant nos intellectuels en fin de rente ?
    Le crime impardonnable d’Onfray, plutôt que les affabulations de l’homme Freud et son confessionnal de substitution pour bourgeoisie de gauche, finalement dérisoire, ne serait-il pas plutôt de déboulonner, au plus mauvais moment, le dernier totem d’une rente symbolique ?

    S’attaquer à ce symbole communautaire tandis qu’en Grèce, en ce lieu qui vit naître l’Europe et la philosophie, se joue non plus dans la coulisse, cachée derrière le prestige des clercs, mais dans la rue en pleine lumière, la révolte du peuple européen contre ses usuriers de Wall Street ?

    Un combat contre le totalitarisme bancaire qui ne renvoie cette fois ni aux camps allemands ni aux goulags russes, mais à la Question juive de Marx !

    À se demander si Michel Onfray ne l’aurait pas relue récemment.

    Bloc-notes N°40 d’Alain Soral


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