• Drames de Toulouse et Montauban : La Guardia civil aurait alerté les autorités françaises en 2011

    Mohamed Merah a été tué et reconnu responsable par les autorités françaises de la barbarie des derniers jours en Midi-Pyrénées, mais l’enquête ne fait que débuter. D’après des informations révélées hier par plusieurs médias espagnols, le tueur au scooter présumé des drames de Toulouse et Montauban, qui a sauvagement assassiné sept personnes en huit jours, était connu des forces de l’ordre espagnoles. Ces dernières auraient même alerté en 2011 leurs homologues françaises sur la radicalisation du jeune Toulousain.

    Depuis lundi, Toulouse, endeuillée par la barbarie d’un tueur en série qui a fait cinq victimes, dont trois mineurs de moins de huit ans, en huit jours -ainsi que deux autres à Montauban, entretemps-, vit un peu comme dans un effroyable film d’horreur. Des forces de l’ordre démultipliées aux quatre coins de la ville et même au-delà, un fort sentimenté d’insécurité mêlé à une vive émotion au sein de la population, et des chaînes de télévision d’information en continu qui gardent les yeux rivés sur la Ville rose, 24h/24. A la différence dramatique près que ce scenario monstrueux ne se déroule pas sur grand écran mais en pleine réalité surréaliste. Partout en Europe, en Israël, et même jusqu’aux Etats-Unis, les médias internationaux scrutaient hier la moindre évolution des faits, l’horreur ayant trouvé un nom, Mohamed Morah, puis un visage, dévoilé par une vidéo exclusive dans le journal de 20h de France 2.

    L’Espagne, en sa qualité de voisine pyrénéenne, n’échappait pas à la règle. Le drame de Toulouse, capitale de l’exil républicain durant la guerre civile, a beaucoup ému. Dès mardi, la presse écrite dans son ensemble consacrait ses Unes à la tragédie toulousaine, les gros titres faisaient état d’une "Folie raciste" pour El Periódico, alors qu’ABC alarmait : "Un tueur en série xénophobe terrorise la France". El País consacrait lui ses deux premières pages à la tragédie, avec le titre central "Le crime de Toulouse effraye la France", ainsi qu’une photo et le premier titre à la Une : "Alerte maximale en France à la suite de l’attaque d’un collège juif".

    Le premier contrôlé d’identité de Mohamed Merah par la Guardia Civil daterait du 18 novembre 2007

    De leur côté, plusieurs chaînes de télévisions ont dépêché des envoyés spéciaux en Haute-Garonne, multipliant les directs lors des journaux. Les réactions politiques ont également fusé, notamment celle de Mariano Rajoy (Parti populaire), chef du gouvernement, qui a été l’un des premiers chefs d’Etat étrangers à réagir, en envoyant dès lundi un télégramme de condoléances à Nicolas Sarkozy, proposant l’aide militaire de l’Espagne. "Le gouvernement espagnol condamne les faits et offre son soutien au gouvernement français et ses forces de sécurité pour l’aide à la détention des responsables d’assassinats qui nous ont bouleversé par leur cruauté. Sincères condoléances aux familles des victimes, à la communauté juive et à la nation française dans son ensemble."

    Hier, les journaux traitaient encore abondamment l’information. El País y consacrant sa photo de Une et les quatre premières pages. Avec en particulier une tribune de Bernard-Henri Lévy, qui affichait sans détour son indignation : "Voilà, la France est donc un pays où, en 2012, dans sa troisième métropole, on peut tirer contre une école juive et tuer plusieurs enfants innocents à bout portant." El Mundo osait lui un parallèle prématuré avec l’affaire Dreyfus. Sur Internet, les principaux médias du pays ont suivi de près l’encerclement du présumé tueur en série, retranché dans un petit immeuble de la Côte Pavée, quartier pavillonaire résidentiel de l’Est toulousain. Le site du quotidien El País ne cessait de réactualiser son info à la Une avec la situation à Toulouse, tandis qu’El Mundo illustrait le récit continu de son envoyé spécial sur place par une cartographie et une image aérienne du quartier.

    Ce matin, l’ensemble de la presse écrite reprenait nom ou photo de Mohamed Merah, parfois les deux, en première information à la Une. "L’islamiste de Toulouse préparait d’autres crimes", annonce Lavanguardia. "Le jihaliste solitaire voulait mettre la France à genoux", informe El Mundo. "Le jihaliste de Toulouse est un Français entraîné en Afghanistan", souligne El Pais. "Le démon de Toulouse avait préparé son entrée à Al-Qaïda en Espagne", affirme La Razon (voir ci-dessus).

    Le tueur en série présumé aurait participé à des congrès jihadistes en 2008, puis salafistes en 2011, à chaque reprise en Catalogne

    D’après une information reprise par plusieurs médias espagnols en fin d’après-midi, le présumé tueur en série, Mohamed Merah, Toulousain de 23 ans d’origine algérienne, avait été contrôlé pour la première fois par la Guardia civile espagnole le 18 novembre 2007, à l’occasion d’un banal contrôle d’identité. Selon l’agence de presse Europa press, le contrôle aurait eu lieu à quelques kilomètres de la frontière, dans la zone des Pyrénées orientales, alors qu’il circulait dans une voiture avec trois autres personnes d’origine maghrébine. Un mois plus tard, le 19 décembre 2007, Mohamed Merah était arrêté et condamné à trois ans de prison en Afghanistan, comme l’a affirmé hier à l’agence Reuters le directeur de la prison de Kandahar, Ghulam Faruq.

    Le tueur au scooter présumé aurait également participé à des réunions jihadistes à Tarragone et Gérone (Catalogne), en 2008. D’après la radio Cadena Cope, des agents de l’Unidad Central Especial et du Centro Nacional de Coordinación Antiterrorista (CNCA) avaient repéré l’homme, l’an dernier, lors d’un congrès salafiste, toujours à Gérone. Ils avaient alors alerté les forces de l’ordre française sur sa dangerosité exacerbée, liée à sa radicalisation dans la dérive fanatique. Les autorités françaises auraient également informé préalablement leurs homologues espagnoles du déplacement de Morah en Espagne. Une réunion secrète aurait ensuite eu lieu, après le congrès salafiste, entre les forces de sécurité des deux pays, à la suite d’une demande espagnole. La Cadena Cope indique que c’est à partir de ce fait-là que les responsables français de la lutte contre le terrorisme ont été informés de la radicalisation inquiétante et du danger représenté par Morah, par la Guardia civil espagnole. Selon cette information, les clignotants auraient ainsi été au rouge dès 2011.

    Nicolas Sarkozy dans une position semblable à celle de José María Aznar en 2004 ?

    Un évènement tragique et terroriste durant une campagne électorale nationale, cela n’est pas sans rappeler les attentats du 11 mars 2004, à Atocha (Madrid). Pour plusieurs observateurs français, le spèctre de la récupération politique plane sur le drame de Toulouse. A la veille des législatives de 2004 en Espagne, José María Aznar avait imputé à l’ETA la responsabilité des attentats, à tort. Ce mensonge et cette posture maintenue dans le temps lui avaient couté une réelection qui lui tendait les bras, au détriment de José Luis Rodríguez Zapatero. En France,la suspension -officielle- de la campagne, annoncée lundi par Nicolas Sarkozy, est inédite. Jamais la situation n’avait eu lieu depuis l’instauration de l’élection du président au suffrage universel direct en 1965.

    Arnaud Leparmentier, journaliste pour le quotidien Le Monde, et chargé du suivi de l’Elysée, n’hésitait pas à comparer les situations de Sarkozy et Aznar, hier, sur son blog. "Selon un de ses proches, M. Sarkozy ne veut pas privilégier une piste qui, si elle s’avérait inexacte, donnerait un sentiment de manipulation au sein de l’opinion. C’est ce qu’avait expérimenté le gouvernement du conservateur Jose Maria Aznar : il avait attribué les attentats terroristes du 11 mars 2004 dans les chemins de fers espagnols à l’organisation séparatiste basque ETA alors qu’il s’agissait d’Al-Qaida. La manipulation avait fait perdre au parti de M. Aznar les élections et divisé le pays."

    Reste désormais à expliquer aux familles des victimes et à tous ceux qui ont suivi l’affaire, en France ou ailleurs, comment cet homme fiché, qui faisait l’objet d’un suivi par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), "depuis plusieurs années", selon les propos du ministre de l’Intérieur Claude Guéant, a-t-il pu passer à l’acte ? Et à plusieurs reprises ? Ou comment expliquer l’inexplicable.

    Madrid, le 21 mars 2012


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