• Énergie américaine

    Publié par le 5 septembre 2012 dans Articles - 5 commentaires

    Énergie américaine

    Des propriétaires de champs d’exploration, des investisseurs en mines ou en énergie, le disaient depuis un moment. Il n’est plus permis d’en douter ; les États-Unis font le choix de l’indépendance énergétique. Mitt Romney l’affirme comme un enjeu de sa présidence ; il lèvera l’essentiel des contraintes qui freinent la recherche et l’exploration des ressources de gaz et de pétrole, qu’ils soient conventionnels ou non conventionnels, de manière à ce que les États-Unis deviennent exportateurs nets de gaz et de pétrole en 2020. Un article du Wall Street Journal, le 15 août 2012, signé de l’ancien sous-secrétaire à l’énergie de George W Bush, aujourd’hui professeur au MIT, John Deutch, confirme l’analyse diffusée sur Realpolitik en juin dernier ; « les massives ressources de l’Amérique du Nord vont faire glisser le pouvoir de marché des mains de l’OPEC et de la Russie vers les pays consommateurs ». Et démocrates comme républicains de l’annoncer à l’unisson : l’image d’États-Unis dépendants du reste du monde pour faire rouler leurs voitures et marcher leurs climatiseurs est une image du passé. Les chiffres confirment qu’il se passe bien quelque chose dans ce domaine. Les prix du gaz ont été divisés par plus de deux en trois ans et le prix du m3 est descendu à 2,50 $ (contre 10 $ en Europe, 15 $ en Asie !). Les États-Unis importent d’ores et déjà moins de 50% de leur énergie (moins de 10% du Moyen-Orient), et la moitié de leur consommation de gaz devrait être couverte par le fameux « gaz de schiste » vers 2020.

    L’enjeu stratégique est manifeste, l’enjeu politique tout autant. Et, dans ce domaine, les intentions comptent sans doute autant que la réalité, car celle-ci pourrait bien s’avérer plus complexe. D’abord parce que le terme « indépendance » est trompeur. Nul n’est indépendant à l’égard des cours du marché mondial, notamment parce que, comme la Revue « National Interest » l’analysait l’été dernier, le marché du pétrole et du gaz est comme une piscine que les producteurs remplissent d’un côté, pendant que les consommateurs la vident de l’autre ; même les pays qui produisent de l’énergie en abondance ne sont pas indemnes des variations du prix du pétrole – y compris parce qu’une baisse forte du pétrole et du gaz non conventionnels met hors jeu la plupart des nouvelles sources. Ensuite, parce que les coûts du pétrole et du gaz non conventionnels sont autres que financiers. Après une période de sécheresse exceptionnelle, la concurrence pour l’eau qui a opposé dans plusieurs États américains agriculteurs et exploitants de gaz de schiste, et aboutit parfois à l’abandon de cultures au profit de la fracturation hydraulique (cultures dont il faut rappeler qu’elles sont de plus en plus détournées de l’alimentation humaine pour servir à la production de carburants) a provoqué un débat ; la régulation par les prix est-elle toujours la meilleure, ou la seule ? Certains États semblaient tentés de répondre en sanctuarisant les droits des agriculteurs ! Enfin, et peut-être surtout, parce que les affirmations rassurantes sur l’impact environnemental des nouveaux forages sont simplement fausses. À suivre Mitt Romney, ce sont des centaines de milliers de forages qui seront effectués dans tout le pays, de New York à l’Alaska et à l’Arctique. Les impacts sur la qualité de l’eau et de l’air sont d’autant plus redoutés que les sociétés exploitantes sont pour le moins peu coopératives à l’égard des agences de protection de l’environnement, et que les mesures chiffrées, bases d’une régulation efficiente, sont inexistantes, ou manipulées. La radicalisation de certains mouvements de défense de l’environnement, très commentée par ceux qui veulent inventer un « terrorisme vert », n’est qu’une conséquence de l’agression des industries minières et de forage actuellement en cours.

    L’ensemble conduit à une seule conclusion : quelles que soient les ressources réellement exploitables, quelque chose change dans les orientations de la politique internationale des États-Unis. La volonté d’indépendance énergétique peut être une autre manière d’oublier le Proche et Moyen-Orient, ou bien de recourir à un protectionnisme sans complexe face aux dérives de la mondialisation. La vocation exportatrice de gaz célébrée sur tous les tons rappelle que les États-Unis entendent bien être présents sur tous les champs de la puissance. Et le message est simple : ceux qui annonçaient le déclin des États-Unis doivent attendre un peu, la puissance se réoriente, mais elle demeure !

    Hervé Juvin


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