• FUKUSHIMA (suite 31) Radioactivité : attention à la discrimination

    FUKUSHIMA (suite 31) Radioactivité : attention à la discrimination

    Enfant dans la zone de confinement de Fukushima.jpgsource

    Photo d’un enfant de la zone dite de « confinement » autour de la centrale de Fukushima, prise à l’occasion d’un reportage que Marie Linton et Guillaume Bression (photographe) réalisent actuellement pour Sciences et Avenir. Leur premier article est paru aujourd’hui sur le site du journal (1).



    Mardi 13 avril. C’est une phrase choc/choquante d’un article du grand journal japonais Mainichi (2), paru le 29 mars et que l’AFP (3) a reprise aujourd’hui : « Une fillette de huit ans originaire de Minamisoma, localité située à une vingtaine de kilomètres du site atomique, a été refusée par un hôpital de la ville de Fukushima car elle n'avait pas de certificat de non-radioactivité ». Les évacués de la zone proche de la centrale de Fukushima vont-ils connaître une double, voire quadruple peine ? Après avoir perdu des proches (après le séisme et le tsunami), avoir dû quitter leur maison après évacuation, ne pas pouvoir y revenir pour cause de radioactivité, vont-ils être rejetés alors qu’ils doivent recevoir des soins ?

    Il y a quelques jours, nous nous interrogions dans ce blog (4) sur le risque de stigmatisation sociale des irradiés ou contaminés. Nous rappelions comment les « hibakushas », ceux qui avaient survécu aux bombes de Hiroshima et de Nagasaki, avaient souvent été discriminés parce que ces personnes irradiées… faisaient peur. C’est exactement le titre de la dépêche de l’AFP : « Les réfugiés de la centrale nucléaire de Fukushima font peur. »

     

    Hors toute réflexion « morale » sur ce réflexe de peur, qui souvent isole un peu plus certaines victimes, nous aimerions revenir ici sur certaines explications simples sur l’irradiation ou la contamination.

     

    Qu’est-ce qui est dangereux, en effet, et peut faire peur à des personnes non directement exposées à un rayonnement (5), à un dépôt de particules radioactives ou à un flux de gaz (éléments volatils) radioactifs, comme l'ont été les personnes habitant non loin de la centrale de Fukushima (et qui ont dû être évacuées), a fortiori les travailleurs de la centrale ?

    C’est l’apport de particules radioactives. Et non les personnes irradiées ou contaminées elles-mêmes – si ces dernières ont été décontaminées !

    Un irradié est une personne qui a subi un rayonnement. Selon la dose, le type de rayonnement, les effets sont plus ou moins graves. Ils peuvent être assimilés à des brûlures (de la peau, notamment), voire provoquer des nécroses des tissus, s’attaquer aux cellules sanguines… Les rayonnements peuvent casser les brins d’ADN à l’intérieur des cellules et provoquer des aberrations chromosomiques qui, ensuite, éventuellement, se traduiront par des cancers etc. Il peut y avoir aussi des mutations de ses cellules sexuelles qui peuvent entraîner des anomalies dans la descendance… Est-ce cela qui ferait, par anticipation, peur aux autres ? L’irradié, lui, a surtout à craindre des personnes environnantes car son système immunitaire peut être très altéré et il peut devenir vulnérable aux maladies que… les autres pourraient alors lui transmettre.

    Pour les personnes contaminées, c’est encore une autre histoire. Ces personnes peuvent avoir inhalé un élément volatil radioactif ou ingéré une eau (des aliments) chargée(s) en radioactivité. Leurs poumons, leur estomac etc. ont alors absorbé cet élément et c’est à l’intérieur du corps que l’élément radioactif fera son chemin –éventuellement se fixera à certains endroits préférentiels selon la nature de cet élément (os, foie etc.). Ces personnes ne présentent pas de danger pour les autres. C’est leurs propres tissus qui sont exposés au rayonnement dégagé par les éléments radioactifs entrés dans leurs corps.

     

    En clair, les seules personnes qui peuvent véritablement (se mettre) et en mettre d’autres en danger sont celles qui transportent des éléments radioactifs sur elles. Par exemple, une personne recouverte de particules radioactives, même très fines, dont elle ne se serait pas débarrassée. C’est là qu’il faudrait procéder à ce qu’on appelle une « décontamination », autrement dit élimination de ces particules, que l’on récupère pour les confiner et éliminer le danger qu’elles font courir. Dans les centrales  nucléaires, par exemple, les travailleurs intervenant dans des zones possiblement contaminées par des poussières radioactives doivent se débarrasser des vêtements, casques, gants, surchaussures etc. qui ont pu recevoir ces poussières. Ils doivent aussi se laver attentivement toutes les parties du corps (visage, notamment, mais aussi les mains leur ayant servi à ôter les vêtements contaminés) où auraient pu se déposer des particules…

    Pour les évacués de Fukushima, la question est de savoir quelles précautions exactes leur sont (ont été) recommandées. Le sol (et toutes les surfaces exposées), dans les zones les plus atteintes, doit présenter des accumulations (notamment de césium 137) à ne pas transporter (sous la semelle des chaussures, sur des sacs posés à terre etc.).

     

    Pour en revenir à « la fillette de huit ans qui n’avait pas de certificat de non-radioactivité », on peut imaginer que ses parents n’ont pas pu apporter la preuve qu’un contrôle (puis une éventuelle décontamination) avait été effectué… D’où le refus d’examen pour ce qui semblait d’ailleurs être, selon l’article de Mainichi, une inflammation de la peau, caractéristique d’une irradiation.

    Cela a manifestement mis très en colère un des responsables du centre hospitalier universitaire de Hiroshima (département des urgences et situations critiques) selon qui « il est impossible qu’un niveau de radiations excédant la limite supérieure établie par le gouvernement soit détectée chez qui que ce soit, hors ceux ayant accompli des travaux spéciaux dans les centrales nucléaires. Il est scandaleux que les évacués ne puissent recevoir les soins médicaux nécessaires. »

     

    Preuve qu’il est besoin… d’information –chose immatérielle ! - autant que de soins médicaux bien réels pour tenter d’éviter incompréhension et discrimination. En particulier lorsqu’il s’agit de ce danger « invisible » qu’est la radioactivité.

     

     
    1)   http://www.sciencesetavenir.fr/actualite/nature-environne...
    2)   http://mdn.mainichi.jp/mdnnews/news/20110329p2a00m0na0100...

    3)   « Les réfugiés de la centrale nucléaire de Fukushima font peur » par Kimiko de Freytas-Tamura (AFP).

    4)  http://sciencepourvousetmoi.blogs.sciencesetavenir.fr/arc...-19-impardonnable.html

    5)   Le rayonnement gamma : il est dû à des photons très énergétiques -  plus énergétiques et donc bien plus dangereux que ceux des rayons X qui permettent de faire les radiographies bien connues. Il faut un écran de plomb pour s’en protéger. Rayonnement neutronique : ces particules très pénétrantes peuvent déposer leur énergie dans le corps et provoquer de graves dommages (on se souvient de la proposition de « bombe à neutrons » qui devait tuer les populations mais épargner les bâtiments…) Rayonnement alpha (deux protons, deux neutrons) : une simple feuille de papier l’arrête. Rayonnement bêta (électrons) : un tissu du genre blouse peut l’arrêter.


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