• FUKUSHIMA (suite 40) Des décennies pour nettoyer la centrale de Fukushima

    FUKUSHIMA (suite 40) Des décennies pour nettoyer la centrale de Fukushima

    Samedi 9 juillet. C’est par la bouche du premier ministre japonais, Naoto Kan [Kan Naoto disent les Japonais, qui prononcent d’abord le nom de famille avant le prénom], que sort aujourd’hui la vérité, quatre mois (à deux jours près) après les débuts de la catastrophe. Il va falloir des décennies pour que la centrale de Fukushima-Daiichi soit nettoyée et mise hors service.  "Cela va prendre trois, cinq, dix ans voire plusieurs décennies pour gérer cet accident", a déclaré Kan à des responsables locaux de son parti, le Parti démocrate du Japon, à Tokyo (information rapportée par l’agence de presse Reuters avec les signatures de Kaori Kaneko, Kevin Krolicki, et Marine Pennetier pour le service français).

    Ce matin (heure de Paris), un autre dépêche de l’agence a déjà signalé une nouvelle (1) de grande importance – quoiqu’impossible à vérifier à distance : un système capable de refroidir de façon stable les réacteurs de la centrale, première étape avant l'"arrêt à froid" des trois réacteurs, a enfin été mis en service (2). On se souvient qu’à la mi-juin la première tentative d’établissement d’un « circuit », capable de retraiter les effluents contaminés avait échoué quelques heures seulement après sa mise en service (lire http://www.sciencesetavenir.fr/actualite/crise-nucleaire-au-japon/20110620.OBS5510/eau-radioactive-pourquoi-le-traitement-peine-a-demarrer-a-fukushima.html). La mission est en effet extrêmement difficile et à hauts risques. Surtout ne jamais accumuler trop de boues radioactives, ce qui pourrait non seulement être dangereux pour les travailleurs mais conduire parfois, si trop d’éléments radioactifs s’aggloméraient, à des « reprises de criticité ». Autrement dit, à des reprises de réactions en chaîne, envoyant des bouffées de neutrons dangereuses pour les humains et endommageant les appareillages ou machines alentour.

    Derrière ces annonces techniques, il ne faut pas manquer de voir l’intense bras de fer qui se mène depuis le 11 mars et les débuts de la crise à Fukushima entre les autorités politiques et en particulier le premier ministre Kan, et l’opérateur Tepco. En France, l’analyse la plus éclairante de cette lutte au sommet a été faite dans un livre sorti récemment : « Fukushima. L’Apocalypse et après ? » (Pascal Galodé Editeurs) de Christophe Sabouret, qui fut directeur du bureau de Tokyo de l’Ecole française d’Extrême Orient. Outre l’hostilité d’un certain monde politico-médiatique (3), Christophe Sabouret rappelle ainsi celle d’un « second camp » (citation extraite de la page 73) : c’est celui de « l’empire TEPCO véritable manne pour les élus politiques locaux dans un système politique très coûteux, les hauts fonctionnaires qui veulent « pantoufler », les régions qui reçoivent des aides substantielles pour se moderniser, les medias comme la télévision qui reçoivent des budgets publicitaires importants. Tout le monde y trouve son compte jusqu’au jour où… »

    Et de rappeler, au cas où les lecteurs français n’auraient pas pris la mesure de la puissance exercée au Japon par l’opérateur de la centrale de Fukushima Tokyo Electric Power (Tepco) qu’il « compte dans son comité directeur les patrons des plus grandes entreprises japonaises –Mizuho, Canon, Ajinomoto, Ana, Mitsui, Sumimoto et tant d’autres-, exploite un tiers des centrales nucléaires au Japon, est le quatrième producteur mondial d’électricité et le premier producteur privé mondial (…)».

    On ne saurait citer tout l’ouvrage - que toute personne consciente de l’ampleur inouïe de la catastrophe de Fukushima et du séisme politico-économico-industriel qu’elle engendre devrait lire. Mais rappelons qu’il signale que le PDG de Tepco est aussi « vice-président de la fédération du patronat japonais ».

    On peut donc, si l’on ose l’écrire, se réjouir un tout petit peu aujourd’hui : un homme politique de premier plan a le courage de dire enfin ce que tout spécialiste éclairé du nucléaire pouvait « sentir » dès les débuts de la crise. Il faudra des années voire des décennies pour gérer les conséquences de la catastrophe de Fukushima. Une annonce qui ne devrait pas manquer de faire réfléchir bien des responsables – politiques et industriels, techniciens et responsables de sûreté et sécurité - partout dans le monde, et notamment en France, pays qui dépend à presque 77% du nucléaire pour son électricité. 

     

    1)    Annoncé par le ministre japonais chargé de la crise nucléaire, Goshi Hosono.

    2)    Sur le site de TEPCO (http://www.tepco.co.jp/en/press/corp-com/release/11070910-e.html) sont données quelques explications sur les raccordements et transferts divers (notamment ce 9 juillet) qui ont été faits entre les zones où s’entassent les effluents (par exemple les bâtiments des turbines) et divers conteneurs (notamment le « megafloat », lire blog :  http://sciencepourvousetmoi.blogs.sciencesetavenir.fr/archive/2011/04/02/fukushima-suite-26-la-situation-reste-tres-grave.html

    3)    Citation de la p. 70 : « Il est clair que les medias comme le journal Yomiuri, le Sankei, mais également d’autres publication réputées « réformistes » et les partis politiques d’opposition, comme le PLD et le parti bouddhiste, Komeito, veulent le départ du Premier ministre kan Naoto qu’ils posent comme préalable à tout dialogue avec le PDJ au pouvoir ». 


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