• L’exécution de Galliano ou le triomphe de Stéphane Hessel

    L’exécution de Galliano ou le triomphe de Stéphane Hessel

    Le créateur Dior dans la ligne de mire des inquisiteurs : on n’a plus le droit de dire n’importe quoi quand on est bourré, le soir à une terrasse de café. Un Perrier tranche, s’il vous plaît.

    Jean Edern Hallier brocardait déjà il y a quelques années dans son Idiot International une certaine forme de « prêt à penser » naissant alors qui allait nous emmener tout droit vers une société formatée, sans autre opinion que celle partagée par le plus grand nombre mou, le plus grand dénominateur (du lieu) commun. Il avait vu juste, bien fou qu’il était, et avait de ce fait anticipé aussi l’avènement d’Internet, le plus puissant des médias, qui nous promettait la lune en matière de liberté d’expression et qui nous donne finalement que de grosses jumelles pour l’apercevoir, au loin, la lune. Hallier partait dans tous les sens, c’était là une de ses plus attachantes qualités. Aujourd’hui, et sans tomber dans le « c’était mieux avant » on définit surtout un sens (du lieu) commun, une direction obligatoire, un sens unique que chacun doit emprunter sous peine de contravention. Ou de poursuites judiciaires ce qui revient au même. La police des associations veille, associations en tout genre, de toute puissance, de tout ordre religieux. Des associations structurées, riches pour certaines, qui dictent l’ordre moral tel qu’il doit être. Et qui avec Internet et tout ce qu’on y trouve a enfin déniché l’outil indispensable à toutes ses croisades. Hallier est mort vive Stéphane Hessel : l’époque entre au couvent.

    On trouve de tout sur le net : du vrai, du faux, de l’intox du scoop, de l’Histoire et des histoires, du cul et des romances, de l’arnaque et de l’art. De tout. Une vidéo d’un couturier bourré qui dit n’importe quoi à la terrasse d’un café, une autre vidéo (datée de 1963, mise en ligne sur le site du Nouvel Obs) d’une soi disant nièce du couturier de la maison pour laquelle travaille le couturier bourré, vidéo dans laquelle on voit la soi disant nièce louer Hitler, la race aryenne et porter à son cou un pendentif à croix gammée. Si Nathalie Portman voit ça, elle va avaler ses ballerines.

    Tout se filme, aujourd’hui, dirait-on. Et les piches qui ont filmé avec leur smartphone les délires de Galliano savaient très bien ce qu’elles faisaient. Si quelqu’un vous insulte, plusieurs fois, ou vous lui mettez votre poing sur la gueule, ou vous vous cassez. Aujourd’hui non, on filme. Surtout si ce quelqu’un est connu. On filme et on diffuse. Manière lâche de se venger en détruisant la réputation d’une personne. Manière de faire le buzz, évidemment. Les smartphone semblent avoir été inventé pour ça, d’ailleurs. Faire le buzz. Ca fait cher le buzz, quand même. Ca fait cher l’envolée médiatique qui s’éteint comme elle est venue, et qui ne débouchera sur aucune condamnation, si ça se trouve, juste le licenciement d’un personnage qui rebondira ailleurs, de toute façon. Galliano n’est pas à plaindre, il aura un gros chèque et puis basta. Galliano n’est pas le problème. Le problème c’est les poux qu’on lui cherche. Comme les poux que le Parisien cherche aussi à Lagerfeld, accusé de « mysoginie », parce qu’il aurait rétorqué à une de ses confrères qui prétendait faire des robes pour des femmes intelligentes qu’elle n’habillerait pas grand monde. J’entends encore sur France Inter la radio des curés, le journaliste balancer cette info dans sa revue de presse comme s’il annonçait l’exécution d’un des otages français retenus depuis 400 et quelques jours. Les journalistes n’ont vraiment aujourd’hui rien d’autre à foutre qu’à relayer des non nouvelles pareilles. C’est tout ce qu’ils trouvent pour s’indigner, eux qui ont fait de Stéphane Hessel leur maître à penser ? C’est ça la société du « Indignez vous » ? On est mal barrés. Parce que s’il faut maintenant que la Justice s’occupe de tous les écarts de langage des people plus ou moins bourrés, plus ou moins drogués de notre beau pays, il va falloir embaucher beaucoup de juges dans les années qui viennent.

    Ressaisissons nous ! Ressaisissez vous, internautes de tous bords ! Ca devient n’importe quoi ! Ne vous laissez pas manipuler ainsi par la brigade des bonnes mœurs ! Nathalie Portman s’offusque des propos de Galliano ? Qu’elle quitte alors son pays ou au nom de la liberté totale d’expression il est permis de tenir en public des propos homophobes, racistes, antisémites, négationnistes et autres ! On nous prend pour des cons ! On nous dit que lire, que dire, que penser, qui célébrer, qui détester. Un acteur de droite n’avouera jamais qu’il est de droite, et s’il le fait il deviendra un mauvais acteur, un journaliste de France Inter n’a pas le droit de lire le Figaro et doit considérer Ben comme un humoriste (c’est qui Ben ?) ou Pascale Clark comme une « figure » de la radio (c’est qui Pascale Clark ?). Eric Zemmour est un salaud non parce qu’il a été condamné mais parce qu’il a encore son job de trublion chez Ruquier, bien emmerdé sur le coup. Non, vraiment, ressaisissons nous ! Il est bien plus désolant de lire Marc Lévy que d’adorer Louis Ferdinand Céline. Stéphane Hessel est un vieillard pas méchant qui n’a rien à dire. Ressaisissons nous ! On est en train de gober des vessies ! On finira à la lanterne ! Tout cela m’inquiète…Mais qui s’en soucie ? « Dans la résistance, on dénonçait pas les juifs, mais fallait vivre avec ! » disait Pierre Desproges dans son célèbre sketch « tout dans la vie est une question de choix ». Il risquerait aujourd’hui la peine capitale, ou pire : aller s’excuser au Grand Journal. 

    par LM samedi 5 mars 2011


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