• La chimère européenne

    La chimère européenne

    LEMONDE | 13.05.11 | 17h22

     

    L'Europe traverse décidément une mauvaise passe. Il faut certes se méfier des amalgames, mais cela ne doit pas empêcher de faire les additions. Sur les sujets les plus divers - et qui, c'est vrai, ne prêtent pas forcément à comparaison -, l'Union européenne (UE) aligne une série d'échecs ou de semi-échecs inquiétants.

     

    Commençons par les plus récents, ceux de la semaine, qui sont très symboliques. Destinée à nous rassurer sur l'avenir de la libre circulation au sein de l'Europe, une réunion extraordinaire des ministres de l'intérieur, jeudi 12 mai à Bruxelles, n'a abouti à rien. Il s'agissait de débattre de l'espace Schengen, qui abolit les frontières entre ses vingt-deux signataires européens.

    Sous la pression d'une vague d'immigration née des turbulences du "printemps arabe", certains pays veulent pouvoir rétablir ponctuellement des contrôles frontaliers.

    Sans demander avis à personne, le Danemark vient d'agir en ce sens - ce qui est parfaitement contraire au traité. La vérité, c'est que les accrocs à la libre circulation se multiplient.

    En soi, le signal est déjà inquiétant. Mais, plus profondément, il manifeste avec éclat l'absence d'une véritable politique européenne de l'immigration. C'est aussi dramatique qu'irresponsable. L'Europe vieillit, l'époque est caractérisée par de forts mouvements migratoires : cela appelle d'urgence une grande politique de l'immigration.

    La même journée de jeudi à Bruxelles s'est soldée par un deuxième échec. Il s'agissait, cette fois, de se mettre d'accord sur l'ampleur des tests de résistance auxquels les 143 réacteurs nucléaires civils existant sur le territoire de l'UE doivent être soumis.

    La décision de procéder à ces tests a été prise au lendemain de la tragédie de Fukushima. Bonne initiative. Seulement voilà, selon leur attachement plus ou moins prononcé au nucléaire, les Etats ne sont pas d'accord sur un point clé : le niveau de sévérité des tests en question...

    Cela souligne déjà la regrettable absence de normes de sécurité communes applicables aux centrales fonctionnant au sein de l'Union. Plus profondément, l'affaire nous renvoie à l'inexistence radicale, pathétique, de politique énergétique européenne.

    Angela Merkel avait d'ailleurs ouvert la semaine en rappelant que l'Allemagne ne voulait pas d'une telle politique. S'adressant, le 10 mai, à la presse étrangère, la chancelière martelait sa conviction : l'énergie est l'affaire des Etats, pas de l'UE.

    Ce triste propos venait couronner l'affligeante prestation de l'Union face aux révoltes arabes. Pas de vision d'ensemble de nos relations avec nos voisins du sud de la Méditerranée ; pas de ligne commune face à la Libye ; pas d'accord pour inclure le président Bachar Al-Assad dans les personnalités syriennes visées par des sanctions européennes.

    Les puissances émergentes s'organisent, et le "déclin" américain est tout relatif. Dans ce monde-là, il faudrait un bloc européen. On n'en prend pas le chemin.


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