• "Marée Noire" en Louisiane, déjà 10 Exxon Valdez

    "Marée Noire" en Louisiane, déjà 10 Exxon Valdez

    * Dimanche 20 juin 2010, 22h, 60 jours que du pétrole se répand au fond du golfe du Mexique. Son étendue équivaudrait actuellement à la superficie de la Belgique.

    * Mercredi 15 juin 2010, BP accepte d’allonger 20 milliards de dollars (16,3 milliards d’euros) pour indemniser les victimes du golfe du Mexique. En 2006, le chiffre d’affaire de BP est estimé à 300 milliards de dollars.

    * Lundi 7 juin 2010, la chancelière Angela Merkel a annoncé des coupes dans les prestations sociales, de nouvelles taxes et des suppressions de postes dans la fonction publique afin d’économiser jusqu’à 80 milliards d’euros d’ici à 2014.

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    80 milliards à aller chercher du côté de l’indémodable et servile force de travail, 16 milliards pour l’indemniser. Et l’océan ? Les coraux ? Les poissons ? Les oiseaux ? Les crevettes ? Les tortues ? Les dauphins ? Les planctons ? Les crabes ? Les otaries ?... Ce ne sont pas des liasses de billet vert qui vont nourrir les pauvres gens du bayou déjà terrassés par Katrina. Ce ne sont pas non plus des liasses de billets verts qui vont réensemencer les océans. Pas plus qu’elles ne vont booster les supers bactéries dévoreuses de pétrole ou nettoyer les côtes ou assainir les eaux.

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    C’est plutôt exactement le contraire puisque BP persiste à utiliser un produit hautement toxique (alors qu’il en existerait une douzaines d’autres moins toxiques) pour faire couler le pétrole (au fond ça se voit moins). Il est vrai que ce sont d’autres géants financiers (Goldman Sachs, Blackstone Group, Apollo Management) qui sont propriétaires de Nalco, le fabriquant du produit (le Corexit) utilisé par BP. Au royaume des requins, il n’y a pas de petits profits.

    Pour ceux qui resteraient un peu trop focalisés sur l’état des marchés, la politique Belge ou les prouesses footballistiques de nos équipes favorites, il est utile de préciser que cet « anodin événement » au large des côtes du Mexique est une grande première :

    1. C’est la première fois que du pétrole se déverse directement au fond de l’eau. Il ne s’agit donc pas véritablement d’une marée noire mais d’une « sous-marée » noire.

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    2. C’est la première fois que cela se produit de manière continue. La fuite a débuté le 21 avril 2010 par l’explosion de la plateforme pétrolière « Deep Water Horizon » (DWH) au large des côtes du Mexique et risque de se poursuivre encore pour longtemps. BP dit pouvoir stopper la fuite pour la fin de l’été.

    3. C’est la première fois qu’autant de pétrole se répand dans les eaux de notre planète. Planète qui n’aura bientôt plus de bleu que le nom.

    Peut-on se faire une idée du rythme et du volume de pétrole déjà présent dans les eaux ? Difficile puisque BP semble plus soucieux de « colmater » les fuites d’informations, que les fuites de pétrole. BP aurait acheté à Google plusieurs mots-clés tels que « oil spill » (marée noire), « volunteer » (volontaire), « claims » (revendication). BP paye également les gardes côtes pour surveiller et empêcher les investigations et prises de vues. Secret défense !

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    D’après les fuites d’informations que BP veut bien nous laisser, voici quelques chiffres :

    Entre 2 ; 7,5 et 15 millions, la fourchette est large.

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    • Reportée aux nombres de jours depuis la catastrophe (60 jours), cela donne respectivement 120 ; 450 et 900 millions de litres dans l’océan depuis le 21 avril 2010.
    • Reportée en tonnes de brut (0,85 de masse volumique), cela donne respectivement 102.000 ; 383.000 et 765.000 tonnes de brut.
    • Reportée en nombre d’EXXON VALDEZ (40.000 tonnes de brut) cela donne respectivement 2,5 ; 9,6 et 19 EXXON VALDEZ (répertorié comme la plus importante marée noire de l’histoire).
    • Reportée aux nombre de jours de fuite jusqu’au colmatage annoncé de la brèche (disons le 21 août pour simplifier), il suffit de multiplier par 2 (60 jours => 120jours) les différents chiffres, soit 5 ; 19 et 38 équivalent EXXON VALDEZ dans le fond de l’océan atlantique.

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    Pour que les chiffres ne soient pas trop confus, on peut retenir que l’estimation haute correspond à l’équivalent d’un EXXON VALDEZ tous les 3 jours et l’estimation moyenne, un EXXON VALDEZ tous 6 jours ! Soit 250 camions semi-remorques (26 tonnes) par jour, 10 camions par heure !!! Rappelons que l’équivalent EXXON VALDEZ s’échappe en continu à 1.500 mètres de profondeur, pas en surface d’un seul coup !

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    Comme souligné dans l’article Deepwater Horizon – Le geyser de pétrole se poursuit : « Des chercheurs de l’Institut national de la science et la technologie sous-marine disent avoir détecté plusieurs nappes de pétrole tentaculaire se déployant sous la surface à des profondeurs de 1.200 mètres.(…) des scientifiques ont découvert qu’il existait de vastes colonnes de pétrole à la dérive sous la surface, dont une mesurant plus de 16km de long, 4km de large et 100 mètres d’épaisseur.(…) ces corridors sous-marins de pétrole s’étendant sur des kilomètres pourraient empoisonner et suffoquer le vie marine à travers la chaîne alimentaire, entrainant des dommages pour les décennies à venir. »

    Pour fixer un autre ordre de grandeur, il faut savoir par exemple que les dégazages et délestages sauvages (en toute impunité) dans la seule méditerranée ont été estimés à 1,5 millions de tonnes de brut en surface par an. Reporté aux 4 mois potentiel (du 21 avril au 21 août) de la fuite « Deep Water Horizon » cela donne 0,375 tonnes de brut. 0,375 tonnes à mettre en parallèle avec 204.000 tonnes, l’estimation la plus basse de DWH pour 4 mois. On peut donc considérer (et ce toujours selon l’estimation la plus basse !) que le pétrole déversé dans l’océan par DWH du 21 avril au 21 août correspondra à 544.000 fois ce qui se fait de manière illégale dans la mer méditerranée.

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    Pour terminer, un petit entretien réalisé par Armelle Vincent (journaliste de la côte ouest des Etats-Unis) avec Rick Steiner (spécialiste des catastrophes maritimes). L’entretien est tiré de l’article Marée noire : « Le Tchernobyl de l’industrie pétrolière » du site alternatif Rue 89.

    Armelle Vincent : quelle est l’ampleur réelle de cette marée noire ?

    Rick Steiner : c’est une catastrophe sans précédent, un événement historique, beaucoup plus grave que ce que ne laissent entendre le gouvernement et BP. C’est la première explosion d’une plate-forme pétrolière en mer et la première fois aussi qu’une fuite de pétrole brut se produit à 1.500 mètres de profondeur.

    Les conséquences de cette tragédie sont totalement différentes de celles provoquées par l’accident d’un pétrolier, car dans ce cas, le pétrole reste à la surface, où vous pouvez le suivre.

    L’impact le plus important de cette marée noire se fera sentir au fond du golfe, dans ce que nous appelons l’écosystème pélagique. Nous semblons uniquement concernés par les marées noires qui envahissent les plages et le rivage, alors qu’au large, il y a des centaines d’espèces d’oiseaux, de dauphins, de baleines, de poissons, etc en danger.

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    Justement, quels sont ces dangers ?

    On a observé un banc de 70 ou 80 dauphins se déplaçant en rangs serrés au large de l’Ile du Gosier. C’est un signe de stress et d’effroi. On les a aussi entendus tousser. Ils ont dû ingérer ou aspirer du pétrole. On a également vu une grande quantité de plancton mort.

    Sur Breton Island, il y a des milliers d’oiseaux. Ils sont en pleine saison de nidification. La moitié des oisillons sont déjà sortis de leurs coquilles. Ils vont être contaminés. En Alaska, 30 espèces ont été compromises. Les harengs du Pacifique ont été complètement décimés. 21 ans plus tard, les pêcheurs et la faune aquatique continuent de payer les conséquences d’Exxon Valdez.

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    A votre avis, les mesures prises par BP sont-elles efficaces ?

    Malheureusement non. Il n’y a absolument aucun moyen de collecter le pétrole une fois qu’il est dans l’eau. Dans toute l’histoire des marées noires, on n’y est jamais parvenu. Les centaines de kilomètres de barrages flottants déployés ne peuvent être efficaces que si le brut flotte à la surface, et encore… Or, dans le cas présent, il est surtout dans le fond.

    BP a annoncé qu’elle avait récupéré sept millions de litres d’une mixture eau/pétrole. Je parie que 90% de cette mixture était de l’eau. L’ironie est que les bateaux qui installent les barrages injectent plus de pétrole dans l’eau qu’ils n’en collectent. C’est absurde. Pendant ce temps, 800 000 litres de brut jaillissent chaque jour de la fuite pour se répandre dans le golfe.

    Quel est l’impact écologique du dispersant utilisé par BP ?

    La méthode a été utilisée en Alaska, sans succès. BP a injecté environ 1,6 million de litres (1 800 m3) de dispersant. C’est inquiétant. Le brut est toxique. Le dispersant est toxique et la combinaison des deux est encore plus toxique.

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    Le dispersant est un produit chimique composé d’un ingrédient actif appelé Corexist, que les biologistes marins ont rebaptisé « Hidesit » (le cache), et d’un autre appelé 2-Butoxyethanol. Sur l’étiquette de ce produit, on est avisé de consulter immédiatement un médecin en cas de contact avec la peau. Tirez-en vos propres conclusions.

    Les compagnies pétrolières utilisent les dispersants parce qu’ils permettent de « couler » le pétrole loin des regards. Toute la faune aquatique va être exposée à leur toxicité. De plus, pour que le pétrole se disperse, il faut des vents de 10 à 25 nœuds. Moins de vent, c’est inefficace ; plus de vent, le dispersant devient inutile.

    Quel est donc votre pronostic ?

    Il est difficile de faire des prédictions. Tout dépendra des vents, de la température de l’air et de l’eau, du type de brut et de la densité de bactéries. Plus l’eau est chaude, plus il y a de bactéries. Elles contribuent à nettoyer les hydrocarbures toxiques de la marée noire.

    Cette catastrophe est le Tchernobyl de l’industrie pétrolière. J’espère qu’elle nous apprendra au moins une leçon : il faut arrêter l’exploitation pétrolière en mer. Nous en connaissons maintenant les risques. Il faut à tous prix éviter le forage dans l’océan Arctique. Il serait absolument impossible de contrôler une explosion et une fuite de brut dans la banquise.

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    Si les quelques images sélectionnées ici ne vous ont pas suffit, il y en a une centaine d’autres sous ce lien : http://www.nydailynews.com/news/national/galleries/louisiana_oil_spill/louisiana_oil_spill.html

    Ah oui, juste encore une petite chose :

    « Que celui qui n’a jamais utilisé de plastique, consommé du non local, non saisonnier ou industriel, pris l’avion, le bateau, ou fait un plein d’essence, jette la première pierre »

    par ploutopia (son site) mardi 22 juin 2010


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