• MERDE ALORS !!!

    MERDE ALORS !!!

    Peut-on tuer pour protéger sa famille ?

    3889985151_eaa9ecc58b Il est des faits divers qui interpellent. C’est le cas de ce père de famille sous le coup d’une information judiciaire pour homicide volontaire, après avoir tué l’agresseur de sa famille.

    Les faits seraient les suivants: un cambrioleur armé d’un pistolet aurait agressé un famille, couchant notamment la mère et son fils par terre pour les asperger d’essence devant le père. Ce dernier aurait, pendant que le cambrioleur frappait sa femme, désarmé et étranglé mortellement l’agresseur.

    L’information judiciaire ouverte devra déterminer si le père était en état de légitime défense, et se voir ainsi exonéré de sa responsabilité pénale.

    A la question de savoir s’il y a légitime défense, l’article 122-6 du code pénal nous apporte une première réponse:

    «Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l'acte:

    1° Pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité;

    2° Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence.»

    Les faits de cette affaire rentreraient donc dans les prévisions de l’article 122-6, et le père de famille serait donc présumé avoir agi en état de légitime défense. Probablement. Il demeure que cette présomption de légitime défense ne fait pas l’objet de beaucoup de jurisprudence et que son régime est extrêmement imprécis... Le bénéfice de cette présomption ne saurait ainsi suffire et il convient de se référer à la définition de la légitime défense pour essayer de déterminer si ce père de famille peut en bénéficier.

    L’article 122-5 du code pénal prévoit que «N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte. (...)».

    Ici, si l’acte du père de famille vise à protéger sa femme et son enfant, il rentre dans les prévisions du code, qui considère que l’atteinte peut viser autrui.

    Deux points fondamentaux restent alors à déterminer pour apprécier la responsabilité de cet homme  l’acte de défense a-t-il eu lieu dans le même temps que l’attaque et était-il proportionné à celle-ci?

    Tout d’abord, le code exige que l'agression et la riposte se situent «dans le même temps» ; autrement dit, l'acte de défense doit permettre d’interrompre l'exécution de l'infraction mais il ne doit pas s’agir d’une forme de vengeance. Ainsi, la jurisprudence considère qu’il ne doit pas s’être écoulé un temps trop long entre l’agression et la riposte. C’est pour cela que la chronologie des faits est fondamentale dans ce type d’affaires. Il demeure toutefois que la riposte peut-être légitime si l’auteur pense que l’agression peut se renouveler. En l’espèce, il ne semble pas inimaginable de penser que le père ait été animé par cette crainte, s'il voyait son fils couché au sol et aspergé d’essence...

    L’autre condition de la légitime défense est que la riposte soit proportionnée à l’agression.

    Les tribunaux considèrent notamment que la riposte n’est pas nécessaire quand l’auteur avait la possibilité de prévenir les autorités, plutôt que d’atteindre l’auteur de l’attaque.

    Les tribunaux apprécient en outre la mesure de la riposte en fonction de l’intérêt protégé: par exemple, on ne saurait porter atteinte à la vie pour se défendre d’une atteinte à son honneur! En revanche, l’homicide peut être admis comme moyen de défense lorsque la vie de quelqu’un est en jeu...

    La encore, pour que ce père de famille puisse être reconnu en légitime défense, il devra être établi que la vie de sa famille était menacée et qu’il n’avait pas d’autre moyen de neutraliser l’agresseur.

    Enfin, l’on peut s’interroger sur la qualification d’homicide volontaire (communément appelée meurtre) retenue par le parquet pour ouvrir l’information judiciaire. Cette qualification implique que le père ait eu l’intention de tuer sa victime. Mais, rien ne dit que cette qualification résiste à l’épreuve de l’enquête: en effet, s’il est démontré que le père n’avait pas l’intention de tuer le cambrioleur et qu’il ne l’a étranglé que pour le neutraliser, une autre qualification pénale serait envisageable: celle de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

    Le choix de cette qualification de coups et blessures aurait pour conséquence de faire passer la peine encourue de 30 à 15 ans de réclusion.

    Mais quel que soit la qualification retenue, il s’agit d’un crime, passible de la  Cour d’assises. La compétence de cette juridiction particulière sera en l'espèce peut-être bénéfique à l'auteur; en effet, le jury populaire sera sans doute plus sensible aux faits particuliers de cette affaire et plus enclin à accorder le bénéfice de la légitime défense... La Cour d’assises n’étant pas tenue de motiver ses arrêts, elle jouit d’une plus grande liberté d’appréciation des critères de la légitime défense qu’un tribunal correctionnel dont les juges professionnels, même s’ils ne sont pas dépourvus de toute sensibilité, se doivent d’être particulièrement stricts dans l’application de la loi pénale sous peine d’être censurés en appel ou en cassation.


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :