• Poutine, un Américain à Sébastopol… à quand un ayatollah en Harley ?

    Poutine, un Américain à Sébastopol… à quand un ayatollah en Harley ?

    Quand la troisième guerre mondiale a-t-elle commencé ? Cette question, on se la pose vu que la seconde s’est achevée une première fois à Yalta et une seconde fois lorsque le bloc de l’Est se décomposa en quelques années suite à une fissure sur un mur, un soir de décembre 1989 à Berlin. Si maintenant nous sommes tous américains ou presque, ce n’est pas suite aux attentats de 2001 mais parce que nous apprécions les symboles de la culture américaine. Les Russes écoutent les Stones, apprécient la techno et Disney, alors que leur premier ministre se la joue en Harley dans les rues de Sébastopol. Cette image estivale constitue un prétexte pour méditer sur l’état du monde et sur cette troisième guerre planétaire qui a commencé sans qu’elle ait été déclenchée. <o:p></o:p><o:p>
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    L’Histoire de notre Modernité, celle centrée sur l’Europe, livre une série de périodes entrecoupées de guerres, ou alors, dirait un esprit facétieux, une série de conflits interrompus par des périodes de paix et de stabilisation. Un autre esprit facétieux surenchérit en suggérant que les périodes de paix sont propices au développement économique et donc, permettent aux belligérants de réactualiser leur dispositif militaire en jouant sur les progrès techniques, le tout en prévision du prochain conflit. Le second conflit mondial a vu se dessiner un processus accéléré et intégré faisant que la bataille sur le terrain se jouait aussi dans les usines d’armement. L’Allemagne, l’Union soviétique et les Etats-Unis furent lancés dans une frénésie productive sans précédent. Les obus américains sont tombés par centaines de milliers, anéantissant des grandes villes comme Dresde. Rien de comparable avec la bataille de Valmy, un banal champ de bataille, deux armées et puis, l’une en surnombre qui tombe par on ne sait quel mystère mais qui manifestement était moins puissante. La guerre du 20ème siècle s’est achevée en 1945. C’est ce que disent les manuels. En fait, elle s’est poursuivie sous forme de guerre froide jusqu’en 1990. Avec entre-temps quelques conflits spécifiques. Guerres d’indépendance en Algérie et Indochine, conflit en Corée, Vietnam évidemment puis Afghanistan. Mais dans l’ensemble, la période a été plutôt contrôlée du fait de la rivalité entre les deux blocs. <o:p></o:p><o:p>
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    La fin de la guerre froide a été marquée par une recomposition des nations, d’abord dans l’ancien empire soviétique puis en dans l’ancienne Yougoslavie. Les ensembles constitués de manière artificielle suite à la guerre de 39 ont éclaté en libérant d’anciennes souverainetés. La Russie, aux prises avec des problèmes internes, a peu à peu atténué son emprise rivale sur la planète et comme l’expliquent les historiens de notre période récente, cette nouvelle situation a laissé place à une bataille livrée non plus par des Etats mais par des chefs de guerre, des potentats locaux, des seigneurs du terrain, des groupuscules terroristes, avec souvent la corruptions des dirigeants et la participation de clans plus ou moins mafieux, trafiquants d’armes et pourvoyeurs de fonds avec des commerces illicites. La planète n’est pas si globalisée qu’on ne le pense. Des zones sont stabilisées et sécurisées si l’Etat est puissant et que ses dirigeants sont rigoureux. C’est le cas des Amériques, de l’Europe, de l’Asie extrême. <o:p></o:p><o:p>
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    Ce lundi 26 juillet, Frédéric Encel a livré sur les ondes de France Inter un état des lieux de l’insécurité. La région des grands lacs est spécialement touchées par des rivalités tribales, ethniques, économiques, avec au centre la très convoitée république du Congo. Les hostilités ont commencé par le génocide au Rwanda en 1994. Depuis, des millions de morts. Un peu plus au nord, la situation n’est guère meilleure, avec une Somalie qui n’existe quasiment plus en tant qu’Etat. Le Soudan est le siège de rivalités ethniques dont le bilan reste incertain. Passons à l’ouest, avec le Niger, la Mauritanie et ce désert, terrain de prédilection pour les activistes de la nébuleuse Al Qaïda. Au Nigeria, on observe des tensions entres communautés religieuses. Mais ces années 1990 ont vu aussi se déployer des conflits meurtriers dans les Balkans. Bien que stabilisée, la situation reste tendue avec le cas du Kosovo qui n’est pas réglé. Evoquer l’instabilité du Proche-Orient est un lieu commun. La guerre du Kippour est la dernière à s’inscrire dans le schéma de 39. Les récents conflits menés par Israël appartiennent à la troisième guerre planétaire, comme du reste l’intervention de l’Otan en Afghanistan. Alors qu’un peu plus au nord, des rivalités entre ethnies ont fait quelques cents à mille morts au Kirghizistan. Un mot également sur le Caucase abritant des tensions vieilles comme cette contrée sauvage aux innombrables langages. <o:p></o:p><o:p>
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    La troisième guerre mondiale n’a pas les contours classiques des anciens grands conflits. Ce serait plutôt une nébuleuse de guérillas locales, menées avec des connivences d’intérêts somme toute classique, l’ensemble se superposant à une « guerre contre le terrorisme ». Etant entendu que cette guerre n’est pas conventionnelle et ressemble plus à une opération de police menée à l’échelle planétaire avec aux avant-postes les Etats-Unis et leur immense puissance militaire à laquelle s’ajoute l’efficacité des services de renseignement pléthoriques. Ce qui est un euphémisme puisque la multiplication des agences de renseignement et des personnels voués à l’écoute rend le mastodonte peu efficace eu égard aux moyens engagés en hommes, avec des coûts chiffrés en dizaine de milliards de dollars. Quand cette guerre a-t-elle commencé ? En 1990 après la chute du mur, en 1994, après le génocide rwandais, en 2001 après les attentats du WTC, ou alors en 2010 ? L’année en cours est marquée par une recomposition géopolitique mettant en position centrale une Turquie affichant ses prétentions, persuadée que la roue a tournée et que l’aventure européenne est terminée, à cause notamment de la France, alors que l’attaque de la flottille humanitaire a entamé pour un moment les bonnes relations avec Israël. En 2010, Michel Germaneau a été assassiné par des fanatiques islamistes. La France n’a pas hésité à frapper un camp de terroristes, calquant sa stratégie sur celle des Etats-Unis et promettant des représailles. 2010, c’est également la publication de documents sensibles sur le rôle des services secrets pakistanais. D’un autre côté, la tension monte dans la relation entre l’Iran et les pays de l’Otan. Alors que la Corée du Nord est dans le collimateur des Etats-Unis qui, préparant quelques improbables manœuvres, risquent de « froisser » la Chine. <o:p></o:p><o:p>
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    Il n’est pas facile d’interpréter ces faits. Il se peut bien qu’une fois achevé, la guerre froide entre les deux blocs ait fait place à une seconde guerre froide après 1991, date du conflit classique entre l’Irak et la coalition. La situation est complexe et si guerre froide il y a, elle est parsemée de petites guérillas et d’opérations de police internationale. Et dans ce combat, les Etats-Unis, l’Europe, la Russie, la Chine, le Japon et les pays d’Asie affichent un consensus sans faille majeure. Il faut en effet rappeler les petites disputes récentes entre la Russie et une Géorgie mise sous la coupe d’Américanistes. Par contre, du côté de l’Ukraine, c’est à nouveau l’amitié russe qui revient et comme le dit l’adage revisité, chassez le culturel, il revient au galop. La visite de Vladimir Poutine à Sébastopol incarne tout un symbole. C’est en effet à quelques dizaines de kilomètres que furent signés les accords de Yalta jugés par les historiens comme un acte fondateur des Nations unies et non pas comme un partage du monde comme le dit la vulgate. La guerre froide débuta en fait en 1948, après trois ans de politique hégémoniques menée par Staline, véritable instaurateur de l’empire soviétique, également désigné comme bloc de l’Est. A Sébastopol, la flotte russe (bientôt enrichie de deux navires construits en France) a été fêtée par les Ukrainiens alors que Poutine, chevauchant une Harley Davidson, s’est offert une virée en compagnie de 7000 bikers. Cette image est riche de symbole si l’on se souvient qu’au bon vieux temps du régime soviétique, tout ce qui incarnait la culture américaine était proscrit. Les vinyles des Stones s’échangeaient sous le manteau, à l’instar des romans libertins dans l’Ancien Régime. Alors que les vigiles du régime surveillaient les spectateurs des rares concerts rock autorisaient. Il fallait rester assis, ne pas danser. <o:p></o:p><o:p>
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    En 2010, la résistance face aux valeurs américaines et plus généralement, à la culture occidentale, se dessine dans les pays de culture islamique. Ce sera là un des enjeux du siècle. Qui sait si un jour, on ne verra pas un ayatollah pilotant une Harley à Téhéran. Pour l’instant, la situation est bloquée, depuis l’arrivée au pouvoir d’Ahmadinejad. Le rock a de nouveau été interdit mais la scène underground semble résister. Bref, le rigorisme soviétique a été remplacé par un rigorisme islamique, sans pour autant qu’il y ait une unité géopolitique comme du temps de Staline. Le monde islamique est hétéroclite et éclaté. Une mini guerre froide se joue avec l’Iran mais tout ceci relève d’une comédie et ce monde finira bien par épouser la culture mondiale, comme la Chine où là-bas, métal, punk et rock prennent un essor formidable. <o:p></o:p><o:p>
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    par Bernard Dugué (son site) mercredi 28 juillet 2010


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