• Propagande

    Propagande : il suffit de bien regarder l'affiche pour déjà se faire une idée du contenu du film...

     

    Deux films viennent de se succéder à l’affiche des salles françaises qui racontent la seconde guerre mondiale sous un jour inédit. Avec Liberté, Tony Gatlif raconte la persécution dont le peuple rom à été la victime pendant cet épisode sombre de l’histoire. La démarche était autant sincère que nécessaire tant les roms sont des victimes presque snobées par les historiens. Roselyne Bosch raconte elle un fait historique qui appartient à la mémoire collective de la France, qui est raconté dans les manuels d’Histoire à l’école. La Rafle du Vélodrome d’Hiver, si de nombreux témoignages ont été collectés, elle était jusqu’ici invisible, dans le sens où aucune image d’archive n’existe ou n’a été montrée. La sincérité de la démarche de la réalisatrice ne fait pas le moindre doute non plus, sauf que les bons sentiments l’emportent et détournent tous les enjeux présupposés par l’existence de ce film.

    L’ex-journaliste livre un scénario très largement documenté, s’est appuyé sur les récits de quelques survivants de cette rafle. Si cet effort est heureux et louable, le fait qu’il ne soit qu’au bénéfice d’une dramatisation excessive et impudique, confine au gâchis. Roselyne Bosch, n’est pas historienne, sans doute pas très proche des faits qu’elle raconte, mais seulement intéressée. C’est là une chose que de s’intéresser à un évènement historique sensible, c’en est une autre de chercher à en comprendre les ressorts, à prendre un recul qui est attendu plus de 60 ans après les faits. Au lieu de ça, Roselyne Bosch caricature l’Histoire avec des personnages qui sont tous des stéréotypes, que ce soit dans sa manière de représenter les personnages historiques (Hitler, Pétain etc.), ou dans sa façon de caractériser des héros et anti-héros typiques, voir schématiques (la famille juive idéale, fière et courageuse, la nationaliste antisémite, le juif communiste etc., la liste est longue).

    Roselyne Bosch organise un véritable chantage à l’émotion. Les situations, les rapports entre les personnages, sont mièvres et racoleurs. Roselyne Bosch s’est certes documenté, mais son film n’a qu’une ambition émotionnelle. Il s’agit pour elle d’agiter la corde sensible pour émouvoir. Le film est conçu pour faire pleurer dans les chaumières, et certainement pas dans un objectif de témoignage. Qu’apprend t’on en regardant La Rafle ? Que la France étaient jolie avant la Guerre ? Que les Allemands étaient méchants ? Que des français étaient complaisants et d’autres courageux ? Que les juifs étaient gentils et fiers ? Que des personnes humbles et ordinaires avaient de la compassion pour les opprimés ?

    Et quel est l’intérêt par ailleurs ? Roselyne Bosch cherche t’elle à comprendre ce qui a conduit les uns et les autres à se comporter comme ils l’ont fait ? Non, elle préfère verser dans le drame moraliste et manichéen, où il est facile de se prendre de compassion pour les gentils persécutés. Avec La Rafle, Roselyne Bosch raconte l’histoire sans prendre de risque, en l’édulcorant comme il faut pour que rien ne soit compliqué et soit sujet à discussion et réflexion. Elle livre clé en main un film où tout est cadré, où les bons sont bons, les méchants très méchants, et où il n’y a pas de place pour les questions, l’introspection et l’intelligence.
    Certes la reconstitution est spectaculaire, d’autant qu’elle est inédite, mais il y a aussi une gêne à considérer La Rafle comme un spectacle. Il y a de la gêne à faire preuve de démagogie, de complaisance, de simplifier l’Histoire, au profit de larmes que l’on nous force à tirer. Le film est détestable pour toutes ces raisons.

    La Rafle est un film pour se donner bonne conscience, dont l’intérêt pédagogique est inférieur aux leçons d’Histoire selon Alain Decaux. Rien ne légitime l’idée que ce film soit défendable car il serait nécessaire. Il serait une oeuvre importante s’il était réfléchit et honnête alors qu’il s’agit surtout d’un film calibré. La faute incombe vraiment à Roselyne Bosch, car c’est elle qui se montre coupable de tous ces excès et incompétente dans sa représentation de l’Histoire. La réalisatrice est incapable de mesure et de justesse, quand d’autres, de Spielberg à Benigni dont les démarches ont pu être discutées aussi, ont eux trouvé un équilibre dans leurs révérences à l’Histoire.

    Quelques semaines avant La Rafle, Tony Gatlif sortait donc sur les écrans Liberté, et lui aussi a trouvé un équilibre dans son hommage. Son film exploite pourtant quelques ficelles semblables, s’appuie lui aussi sur un casting prestigieux qui donne du poids à chaque personnage. Mais dans Liberté, Tony Gatlif n’insiste jamais lourdement sur chacune de ses intentions, montre des personnages plus complexes qu’ils ne laissent paraître. Son film est beau, plein de vie, digne et bien plus nécessaire que cette Rafle bien pensante et pitoyable.

    Benoît Thevenin

    PS : Il y a quand même quelque chose de bien dans La Rafle, ou plutôt quelqu’un, un visage nouveau qu’il sera intéressant de revoir. Raphaëlle Agogué fait très bonne impression et arrive à voler la vedette aux vedettes…


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