• Que du bonheur pour Ahmadinejad !

    Que du bonheur pour Ahmadinejad !

    ... ou comment la situation internationale et les soulèvements dans les pays musulmans profitent à la république islamique d'Iran. 


    Mahmoud est content et il veut en faire profiter tout le monde. Il y a quelques jours, il annonçait tout sourire la vente aux enchères de sa vieille Peugeot 504 de 1973 pour financer un projet de construction de 525000 logements sociaux en Iran. C'est cette même Peugeot dans laquelle il avait fait sa campagne présidentielle (comme quoi, on peut s'appeler Ahmadinejad et aimer les voitures françaises).

    Un peu déçu que la mise en route de la centrale nucléaire de Bouchehr soit encore une fois reportée à cause de problèmes techniques, il a quand même pu s'amuser en envoyant deux beaux navires de guerre iraniens dans les eaux méditerranéennes ce mois-ci, une "simple visite de routine"... de quoi faire trembler tout le petit monde occidental et Israël, pris au dépourvu.

    Vu de chez Ahmadinejad, il y a de quoi se réjouir en effet.

    Que l'on adhère ou pas à la thèse de Khameneï selon laquelle le monde arabe connaît un soulèvement islamique comparable à la révolution islamique d'Iran de 1979, il faut reconnaître que tout semble profiter à la République Islamique ces temps-ci.

    D'abord, l'échec des deux guerres des Etats-Unis au Moyen-Orient,de plus en plus visible, avec la création, à l'ouest, d'une République Islamique d'Irak noyautée par les services secrets iraniens et dont le parlement est majoritairement issu du parti islamique chiite au sein de l'Alliance irakienne unifiée, favorable à l'Iran, et à l'est, l'Afghanistan de Karzaï qui ne cache même plus ses affinités avec son voisin iranien, avec qui le peuple Afghan partage une langue commune mais également une dépendance économique à moyen comme à long terme.

    Au sud, Bahrein se soulève et le parti chiite Al-Haq a eu l'honneur d'accueillir le retour d'un de ses leaders, Hassan Mouchaimaa. Idem à Dubaï avec la libération du Cheikh al-Aamer.

    Le changement de politique à Bahreïn a une autre incidence, celle des relations tripartistes entre Riyad, Téhéran et Rabat, le Maroc ayant cessé ses relations diplomatiques avec l'Iran en 2009 suite à un accord avec Riyad (voir les révélations de Wikileaks) qui voyait d'un mauvais œil le fait que l'Iran le considère comme la 14e province iranienne (la population de Bahrein, anciennement sous domination Perse, est, en effet, composée à plus de 70% d'Iraninophones chiites).

    Chez les voisins sunnites, en Egypte , le parti islamiste Al-Wasat Al-Jadid semble reprendre du poil de la bête, tandis qu'en Turquie, l'AKP est majoritaire au parlement. De quoi faire frémir Israel, coincé entre ces deux pays, et de plus en plus isolé dans la région, surtout depuis la crise des navires turcs dont tout le monde se souvient. L'Egypte, qui a tout de suite montré la couleur, en laissant passer les navires iraniens par le canal de Suez qu'elle contrôle, une manière forte d'exprimer le changement de cap de ce pays au niveau géostratégique.

    Pas le temps de se riposter pour les Américains puisque les grondements à Oman et Abu-Dhabi (où se trouvent bon nombre de bases américaines … mais aussi la base française de M. Sarkozy) font douter l'état-major US et le pentagone sur la situation globale dans le monde musulman et quant à l'attitude à adopter.

    Plus loin, au Maghreb, la nouvelle du retour du parti Ennahda, parti islamiste tunisien, fait frémir l'Europe, tandis que Khadafi semble connaître ses dernières heures... et craint un retour au pouvoir des islamistes.

    Même la république islamique du Yémen passe de sa dictature sunnite à un 'dialogue' avec le parti Wefaq chiite (42% de la population au Yémen).

    Contents, le Liban et son hesbollah pro-iranien, la Syrie chiite de Assad et l'Iran qui ont élaboré puis mis en place avec la Turquie l' « alliance des 4 mers », une union frontalière moyen-orientale qui lie les 4 pays depuis deux ans. Que de nouveaux aspirants pour leur union... même Sarkozy, Bush et leur plan de « grand moyen-orient » ne seraient pas allés si loin.

    Alors, la fin d'une ère ou le début de la mise en place de ce que l'ayatollah Khomeyni appelait « l'union de la Oumma islamique » ?

    Nul ne saurait dire, tant les cartes ont été redistribuées brutalement. Il faudra sans doute plusieurs mois, voire plusieurs années pour rendre compte du rôle de chacun, comprendre l'influence ou l'échec des services secrets des Etats-Unis et de l'Europe dans ce processus de transformation. On peut se demander en effet si, devant la débâcle de la politique anti-terroriste américaine et la montée en puissance iranienne, l'administration Obama, fatiguée de cette lutte incessante, n'aurait pas appuyé ou en tous cas fermé les yeux sur l'expansion du modèle de république théocratique à l'iranienne, à condition que celui-ci puisse intervenir à un moment de maturité intellectuelle des populations des pays concernés ou avec l'assurance de relations pacifiées ... simple supposition, mais il est intéressant d'observer que les révolutions arabes ont lieu justement dans la même période où les relations diplomatiques USA-Iran ont repris et où les USA se distancient de l'Arabie Saoudite, jugée trop instable et peu digne de confiance. Si c'est le cas, il faudra saluer Obama.

    Ou alors... le vent vient de l'Est. On observe en effet depuis trente ans le soutien infaillible de la Russie pour le voisin iranien (la Russie qui outrepassa l'embargo énergétique sur l'Iran dès sa mise en place en juillet 2010 et dont les échanges se sont intensifiés avec Téhéran depuis le printemps arabe), auquel s'ajoute celui de la Chine depuis quelques années, et qui vient encore de s'affirmer en ce début d'année avec l'investissement Chinois de 2.5 milliards d'euros dans les infrastructures pétrolières irano-irakiennes.

    Quoi qu'il en soit, même si un jour le gouvernement iranien venait à changer, il est désormais établi qu'historiquement le modèle iranien est viable après 30 ans d'establishment, et que même les opposants au régime (en tête desquels des mouvements très propagandistes comme les « Moujaheddines du Peuple » communistes à qui l'ont doit la plupart des histoires de pendaisons/lapidations de ces dernières années) garderont une composante islamique dans leur politique pour ne pas répéter l'erreur de laïcisation forcée d'un état musulman comme l'avait fait le Chah par exemple.

    Quant aux Européens, déboussolés, ils font marche arrière sur les sanctions et demandent à la France et son ami Israël de freiner leurs ardeurs anti-iraniennes. L'AIEA continue de clamer que les 2000 inspections en Iran ne sont pas suffisantes pour affirmer que l'Iran n'a pas de programme nucléaire militaire, tout en avouant que les rencontres de Vienne ont peu de chances d'aboutir sur de nouvelles sanctions tant tout le monde est pressé de renouer avec le vieil ami iranien, seul pays musulman parfaitement stable et à même de servir d'interlocuteur privilégié à l'avenir avec la plupart des nouveaux gouvernements émergeants.

    Alors, dans ce contexte, on comprend pourquoi Ahmadinejad, après 30 ans de laborieux services auprès de la RI, s'est dit qu'il pouvait « quand même » s'offrir une nouvelle bagnole...la vraie question, c'est de savoir quelle marque et quel modèle il va choisir cette fois. Quant on change tous les 30 ans, mieux vaut ne pas se louper.

    par Jean TAFAZZOLI (son site) vendredi 11 mars 2011


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