• Libye. «Kadhafi ne partira que les pieds devant»

    Libye. «Kadhafi ne partira que les pieds devant»

    Journaliste franco-libanais, Antoine Sfeir dirige «Les Cahiers de l'Orient». Spécialiste du Proche et du Moyen-Orient, il analyse la situation actuelle en Libye.

     

    Les frappes aériennes ciblées contre les troupes du colonel Kadhafi vont-elles suffire à le chasser du pouvoir? Ne faudrait-il pas envisager une offensive terrestre de la coalition?
    L'action à terre n'est pas prévue par la résolution du Conseil de sécurité de l'Onu. Bien au contraire, il a été précisément inscrit dans cette résolution - à la demande des Arabes - qu'il n'y aurait pas d'opération à terre. Mais la question reste ouverte. Est-ce que les frappes aériennes suffiront à le chasser? Si cela se fait dans les 48 ou les 72heures, l'opération se soldera par un succès. En revanche, si cela devait prendre plus de temps, on risquerait l'enlisement et, surtout, c'est ce qui fait peur, que Kadhafi finisse par s'en sortir avec sa terrible capacité de nuisance dont il a fait montre dans le passé avec ses actions terroristes. C'est une menace réelle et sérieuse.

    Sur quels soutiens Kadhafi peut-il encore compter?
    Il a encore des partisans, y compris dans les parties du pays occupées par les insurgés. Et puis, ce monsieur a beaucoup d'obligés. Il n'y a pas un seul chef d'État africain qui n'est pas son obligé. Il les a aidés, notamment les présidents de l'Afrique subsaharienne. Il a donc encore des ressources. Cela dit, il est certain que son pouvoir est sérieusement perturbé par les frappes de la coalition. Et ses capacités de communication sont sérieusement mises à mal. On ne peut pourtant pas dire qu'il soit à terre.

    Comment expliquez-vous les ambiguïtés de la Ligue arabe?
    La Ligue arabe n'est pas ambiguë. Elle a été très claire au contraire. Pour elle, il était hors de question de toucher aux populations civiles. C'est à ce prix qu'elle a donné son accord pour ces opérations. Ensuite, il y a eu les bombardements sur Tripoli et sur la ville de Syrte. Cela a énormément gêné la Ligue arabe qui a reconnu que seule la France respectait à la lettre la résolution de l'Onu en bombardant seulement les chars et les troupes qui menacent la population civile des insurgés. Néanmoins, il y a aussi le fait que la Ligue arabe doit tenir compte de son opinion publique. Elle ne peut pas, par exemple, ne pas tenir compte des manifestations tunisiennes contre les bombardements occidentaux. Elle doit aussi tenir compte du fait que pas une seule capitale arabe n'échappe aujourd'hui à ces velléités de manifestations. Et on peut se demander si cette opération militaire ne va pas braquer et radicaliser certains régimes arabes.

    Face à Kadhafi, un Conseil national de transition a été mis en place. Quelle est sa crédibilité?
    Pour le moment, il ne représente que la partie est du pays. Mais répondre de manière tranchée à cette question est impossible, sauf à être prophète. Il est certain qu'une grande partie du territoire et de la population est encore sous la coupe de Kadhafi et échappe donc à ce Conseil national de transition. La question est de savoir si on va réussir, avec les frappes actuelles, à diviser le clan Kadhafi et obtenir que tel ou tel de ses appuis l'abandonne. Pour l'heure, il est trop tôt pour se prononcer.

    Quels sont les scénarios de sortie de crise? Va-t-on vers la fuite de Kadhafi ou vers la partition de la Libye?
    Kadhafi ne quittera la Libye que les pieds devant. Pour ceux qui le connaissent un peu, cela ne fait aucun doute. On ne peut exclure le scénario catastrophe, à savoir la plongée dans une guerre civile. L'autre scénario, moins catastrophique, mais néanmoins dangereux sur le plan géostratégique, serait la partition du pays. Reste une troisième possibilité, si l'on est très optimiste. Ce serait qu'il puisse y avoir une sorte de médiation. Mais qui peut jouer le rôle de médiateur? Certainement pas les pays arabes et certainement pas les pays occidentaux. Kadhafi rejetterait les uns et les autres. Reste à trouver un homme miracle, comme par exemple le secrétaire général de l'Onu ou un ancien ministre des Affaires étrangères, comme Bernard Kouchner, qui pourrait réaliser le vrai miracle qui ferait que Kadhafi arrête ses troupes et que les gens de Benghazi puissent aller et venir librement.

    • Propos recueillis par Philippe Reinhard
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