• Le renversement du monde

    Hervé Juvin revient sur ce qui d'après lui fait une société.Faut-il alors inventer une nouvelle doctrine stratégique.


    Le renversement du monde
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    Thierry Messan : entretien juillet 2010


    Entretien avec Thierry Meyssan - partie 1/3
    Cargado por ERTV.


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  • Un ex-chef de la CIA : la guerre prochaine sera décisive et changera la région

    Selon l’ex-chef de la Cia, Jeffrey White, la prochaine guerre entre l’entité sioniste et le Hezbollah ne ressemblera en rien à la guerre de 2006, impliquera plusieurs pays, et sera un évènement peut-être décisif qui aboutira à un changement de la donne dans toute la région.

    White s’exprimait lors d’une séance d’études, durant laquelle il a expliqué les conclusions de son rapport élaboré pour le compte de l’Institut des études pour le Proche-Orient à Washington, proche du lobby sioniste, intitulé : « les possibilités de guerre avec le Hezbollah, et le positionnement de ses alliés contre Israël ».

    « Le théâtre des actions de guerre s’étendra sur 40 milles carrés, (l’équivalent de 64 milles Km2), englobant les territoires libanais, palestiniens et syriens, …, et au cours desquelles les deux antagonistes utiliseront les moyens les plus offensifs, en comparaison avec les affrontements précédents » avance cet expert militaire, assurant qu’elle impliquera tous les pays qui vont y participer, et ouvrira des fronts aériens, terrestres et maritimes. « Israël tentera de s’accaparer le plus de territoires, de bases et de régions stratégiques possibles », a-t-il envisagé.

    White s’attend de plus à une concentration des combats entre le nord de la Palestine occupée et le sud du Liban, en plus de « théâtres secondaires » ailleurs. « Le Hezbollah tentera de contrer avec férocité une attaque israélienne terrestre, alors que l’état hébreux essaiera de parvenir jusqu’au fleuve du Litani, voire encore plus en profondeur, là où sont concentrés les missiles », prévoit-il.

    Estimant que la guerre ne peut être tranchée que par une invasion israélienne terrestre, White s’attend à ce que l’armée israélienne malgré sa disposition à combattre dans les rues et les régions habitées, au lieu des espaces naturels, va essuyer des pertes considérables durant la prochaine guerre, et à ce que le Hezbollah tente d’absorber l’assaut israélien terrestre, sans pour autant reculer, « ce qui selon lui montre que la guerre au sud sera décisive ».

    Employant le terme « qu’Israël allait brûler les herbes du Liban au lieu de les arracher » White dit croire que l’entité sioniste allait détruire les infrastructures libanaises pour imputer au gouvernement libanais la responsabilité des actions du Hezbollah ». En contrepartie, il s’attend à ce que le Hezbollah lance quotidiennement des salves de 500 à 600 missiles, difficiles à contrer, vu qu’il a en sa possession des armes plus perfectionnés qu’en 2006 ». « Ce qui est certes beaucoup de feu sur Israël » déplore-t-il. Comme aboutissement White perçoit trois scénarios de cette guerre : « un fin décisive que seule Israël peut réaliser, en mettant fin au danger du Hezbollah armé, et en dictant ses propres conditions pour mettre fin à la guerre ». Quant aux deuxième et troisième scénarios, la fatigue des combattants et la solution imposée, il en découlerait selon White « une situation de chaos similaire à celle qui a suivi les guerres de 1973 et 2006, et durant laquelle les antagonistes se prépareraient à une autre prochaine guerre ».


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  • L’influence atlanto-sioniste en Allemagne et en Russie

    voir aussi : Le 3eme pilier

    Par commodité, nous réputerons ici que l’ensemble USA/Grande-Bretagne/Israël constitue une entité capable d’agir de façon coordonnée sur le plan géopolitique. Nous appellerons cette entité : l’Empire.

    Cet Empire est confronté à son déclin. Sa réaction est maintenant visible. Confronté à un défi géostratégique qu’il ne parvient pas à relever, celui de la Chine ; confronté encore à la volonté manifeste de la Russie de se poser en acteur géostratégique de premier plan, à nouveau ; confronté, enfin, au risque de voir l’Europe échapper à son assujettissement, l’Empire a choisi de combattre, pour l’instant, en usant de stratégies d’influence. L’attaque sur l’Iran, pour l’instant toujours, n’a pas eu lieu. La guerre ouverte n’est pas, à ce stade, l’option choisie par les dirigeants de l’Anglosphère (et de son annexe israélienne).

    Cela peut changer du jour au lendemain, bien sûr.

    Mais jusqu’ici, l’influence semble bel et bien la stratégie privilégiée. Elle prend la forme d’une entreprise de cooptation sélective des élites des puissances que l’Empire doit ou conserver en sujétion (l’Allemagne et la France, pour faire court), ou tenir en respect (la Russie).

    Le point sur la question.

    *

    En France, la promotion de Dominique Strauss-Kahn par les médias dominants est si grossière qu’elle risque de devenir franchement contre-productive. DSK (qui, rappelons-le, a explicitement avoué qu’il était entré en politique « pour défendre Israël ») est par exemple promu via des sondages de commande par Libération (quotidien désormais possédé par la famille Rothschild). Le plan apparaît cousu de fil blanc : il s’agit de remplacer un atlantiste « de droite » (Sarkozy) par un atlantiste « de gauche » (DSK). Plan si cousu de fil blanc, au demeurant, que la probabilité de le voir échouer semble désormais assez grande. La présidentielle 2012 s’avère risquée pour les atlantistes…

    Bref, on n’épiloguera pas.

    Intéressons-nous plutôt à l’Allemagne. Inutile de disserter longuement sur la situation française, elle est bien connue de nos lecteurs. Il n’en va pas de même de l’évolution outre-Rhin, qui pourtant, elle aussi, révèle une très nette accentuation de l’emprise atlantiste sur les élites.

    Quelques points de repère pour commencer.

    Angela Merkel a été propulsée à la chancellerie par les milieux atlantistes. Cela s’est fait en deux temps.

    Tout d’abord, à la fin des années 1990, avec l’affaire de la « caisse noire » de la CDU. Walther Leisler Kiep (WLK), trésorier de la CDU et accessoirement homme fort de la fondation Atlantik Brücke (en gros, l’équivalent allemand de notre French American Foundation) avait reçu une forte somme d’argent d’un marchand d’armes. Ce fut l’occasion d’entraîner Helmut Kohl, et surtout ses hommes liges, dans un vaste scandale, où fut mis à jour le système de financement occulte de la droite d’affaire allemande. Wolfgang Schaüble (WS), jusque là pressenti comme le successeur naturel de Kohl, en paya le prix – et c’est ainsi que Merkel se retrouva à la tête de la CDU. Il est probable que sous les remous provoqués à la surface par cette opération mains propres, une lutte d’influence féroce se joua à ce moment-là, au sein de la droite d’affaire allemande. On ignore, à ce stade, les détails de cette lutte, mais on sait en tout cas qu’avec Merkel, les milieux atlantistes sauvaient au moins l’essentiel : leur capacité d’influence décisive au sommet de l’appareil.

    En 2002, le leader de la campagne CDU/CSU était Edmund Stoiber, homme politique bavarois (le détail a son importance, la CSU bavaroise étant traditionnellement moins atlantiste que la CDU de l’Allemagne du nord). Il perdit de justesse les élections, après une campagne où les choix de la grande presse, pour une fois, ne fut pas particulièrement net en faveur de la droite d’affaires (un choix de la grande presse à peu près aussi clair, à vrai dire, que les positions alambiquées de Stoiber sur la guerre d’Irak…).

    La route était désormais dégagée pour Merkel, qui bénéficia, elle, en 2005, d’un soutien total de la part des médias – et remporta donc les élections. Ainsi alla la carrière de celle que les médias présentent comme « la femme la plus puissante d’Europe », et que les esprits mal intentionnés voient plutôt comme la soubrette du capital germano-américain.

    Cependant, comme toujours, rien n’est simple. La très forte culture du consensus qui caractérise les élites allemandes fait qu’il pratiquement impossible de rattacher un politicien quelconque à un « camp » stable et bien défini, au regard d’un problème donné. En fait, si l’on excepte les situations où ils s’organisent collectivement pour incuber deux lignes le temps que l’histoire décide à leur place laquelle était la bonne, les politiciens allemands ont pour habitude de prendre des positions molles et flexibles, et de gérer en interne leurs débats, portes closes. La population s’en accommode majoritairement, l’ambiguïté consensuelle étant, là-bas, un mode de fonctionnement collectif très prisé.

    Bref, on ne peut pas présenter Merkel comme une atlantiste inflexible, même si elle a, en 2003, pris position plutôt en faveur de la guerre d’Irak. Disons qu’elle est plus atlantiste que la moyenne des politiciens de son camp, eux-mêmes très atlantistes – mais cela peut changer, tout dépend des circonstances.

    Or, justement, depuis quelques temps, cela a tendance à changer. Depuis la crise de 2007, Merkel semble, d’une manière générale, agir comme un poids mort, qui retarde et affaiblit la remise en cause du lien transatlantique – mais qui ne fait plus grand-chose pour le promouvoir franchement. La nuance n’a pas échappé aux observateurs attentifs.

    Fondamentalement, Merkel est une opportuniste. Elle incarne au fond les qualités et les défauts des femmes en politique : elle sait remarquablement bien naviguer en fonction du vent – mais justement, quand il faut faire vent contraire, elle n’est pas à son aise. Et aujourd’hui, pour être atlantiste, au sein de la droite d’affaires allemande, il faut affronter un vent de face modéré, mais bien présent. Cette physicienne de formation, auteur d’un mémoire sur l’effet des hautes pressions dans la combinaison des molécules, est sans doute plus prompte à tenir un rôle de coordinatrice qu’à imposer ses vues brutalement. Dans le contexte actuel, il n’est donc pas certain qu’elle soit encore « l’homme » de la situation, pour ses sponsors atlantistes eux-mêmes confrontés à une situation très tendue, où le temps leur manque, et où chaque erreur peut se payer cash.

    En 2007, Merkel s’est rendue en Chine, et a pris position pour un renforcement des relations commerciales sino-allemandes. Elle y a, certes, souligné que la Chine devait « jouer le jeu » du commerce international, mais concrètement, il s’agissait bel et bien de poursuivre l’ancrage de l’économie allemande dans la sphère de croissance constituée par l’Asie émergente, avec laquelle le patronat d’Outre-Rhin a trouvé un modus vivendi original (intégration logistique, l’Allemagne se réservant les activités à forte intensité technologique et capitalistique).

    La suite l’a d’ailleurs très bien montré :

    Commentaire : alors qu’entre 2007 et 2010, le commerce extérieur allemand régressait fortement (comme l’ensemble du commerce international), les relations germano-chinoises sont restées pratiquement constantes. Bien entendu, s’agissant de l’année 2010, le chiffre est une projection.

    On remarquera qu’entre 2005 et 2010, les exportations allemandes vers les USA ont, quant à elles, baissé de 25 % environ (estimation).

    Toute atlantiste qu’elle soit, Merkel ne peut tout simplement rien contre une dynamique économique de fond – le recul des USA, la montée en puissance de la Chine. Pour l’instant, les USA ont réussi à limiter leur décrochage – le financement d’une fausse reprise, en trompe l’œil et par le déficit budgétaire, ayant temporairement maintenu à flots le marché US. Mais on voit bien que si cette « reprise » craque (ce qu’elle fera certainement), l’Allemagne pourrait assez vite se retrouver avec la Chine comme premier client et premier fournisseur – ce qui imposera sans doute de revoir fondamentalement l’orientation économique globale du pays, et donc sa géostratégie.

    Moins cruciales sur le strict plan économique, les relations germano-russes sont peut-être encore plus sensibles que les relations sino-allemandes en termes stratégiques. Et là encore, Merkel, tout en conservant un parfait atlantisme de façade, n’a finalement rien fait pour endiguer sérieusement le développement des relations commerciales bilatérales (peut-elle, d’ailleurs, faire quoi que ce soit ?).

    Evolution en millions d’euros du commerce germano-russe (document allemand)

    L’analyse de l’Ost Europa-Institut précise : « Le commerce extérieur germano-russe se développe indépendamment des changements politiques intérieurs ».

    Non seulement le commerce allemand en Russie n’a pas régressé sous Merkel (en fait, il a progressé plus vite que sous Schröder !), mais en outre, les investissements allemands en Russie, il est vrai initialement fort modestes, ont littéralement explosé :

    (Investissements directs allemands en Russie, en millions d’euros, même source – la progression est impressionnante, de sorte que, même si en 2007 les investissements allemands en Russie ne représentaient encore que 5 % des investissements allemands à l’étranger, la Russie commence à devenir un moteur de développement très significatif pour l’Allemagne).

    Ces trois dernières années, l’évolution s’est poursuivie si l’on ramène le commerce germano-russe à l’évolution globale du commerce extérieur allemand (marquée, comme partout sur la planète, par une très forte chute). Pour les dernières données disponibles sur le web (2008 et une partie de 2009), le poids de la Russie dans le commerce extérieur allemand continue de croître, à un rythme de l’ordre de +10% par an. La crise russe a sans doute endigué momentanément cette tendance, mais la dynamique d’ensemble n’est pas brisée.

    Nul doute dans ces conditions que dans les cercles atlantistes, la cote de popularité de Frau Merkel est aujourd’hui assez loin du zénith atteint en 2003. Si le développement des relations germano-russes s’accompagnait d’une « démocratisation » de la Russie (c’est-à-dire de son occidentalisation), la démarche aurait probablement l’appui des USA. Mais ce n’est pas ici de cela qu’il s’agit ; on dirait plutôt que l’Allemagne a de moins en moins d’intérêts communs avec l’Ouest, et de plus en plus avec l’Eurasie. Et cela, ça ne doit pas plaire à Washington.

    On relèvera donc avec intérêt que, depuis quelques temps, les milieux atlantistes semblent investir beaucoup sur un politicien totalement inconnu en France, mais doté en Allemagne d’une influence certaine : Friedrich Merz.

    Un personnage haut en couleur, dont le portrait mérite le détour, tant il est révélateur. C’est lui qui va nous servir de « fil rouge » pour analyser, à travers un exemple assez croustillant, les stratégies d’influence de l’Empire en Allemagne.

    Merz est avocat d’affaires. Sa notice Wikipédia nous apprend qu’il fut membre de l’association des étudiants catholiques, qu’il a été employé au début de sa carrière par l’industrie chimique, comme juriste, et qu’il fut tour à tour député européen et député au Bundestag (la CDU/CSU le positionna très bien au sein du comité des finances). Plutôt dans le sillage de Schaüble au début des années 2000, il survécut à la victoire de Merkel, et conserva l’essentiel de ses attributions au parlement. Il en profita pour enfourcher deux principaux chevaux de bataille : la libéralisation tous azimuts (réforme fiscale) et la critique du « passéisme » des musulmans immigrés en Allemagne. Bref, un politicien libéral néoconservateur bon teint.

    Mais il y a aussi ce que Wikipédia ne dit pas. Par exemple, que depuis 2004, tout en poursuivant une carrière politique, Merz a travaillé pour « Mayer, Brown, Rove & Maw », une firme américano-britanico-mondialisée, en charge, entre autres, de la défense juridique de la compagnie « Hudson Advisors ». C’est intéressant, parce que cette compagnie racheta la banque IKB, après sa faillite en 2007, dans des conditions plus que douteuses (achat pour 150 millions d’euros, en échange d’une garantie gouvernementale de 600 millions d’euros). L’affaire a fait grand bruit Outre-Rhin, où un collectif des investisseurs spoliés s’est même constitué.

    Plus croustillant encore, Merz, dont l’agenda semble indéfiniment extensible, a trouvé le temps, en 2005, de conseiller la banque Rothschild en Allemagne, au moment où un de ses fonds d’investissement, TCI (« the children investment ») attaquait la bourse allemande (pour dissuader le président de la Deutsche Börse de prendre le contrôle du London Stock Exchange). On remarquera ici, toujours pour le côté croustillant de l’affaire, que TCI fut officiellement constitué pour aider au développement des pays du tiers-monde via le microcrédit (comme si un hedge fund pouvait être une œuvre caritative !). Et que ce fonds spéculatif est en réalité connu pour pratiquer fréquemment de très agressives spéculations à la baisse, pratiquement assimilables à des manipulations de cours. TCI peut compter, pour appuyer sa démarche, sur la complicité des agences de notation, d’où sa forte profitabilité. Voilà pour les œuvres caritatives de monsieur Merz.

    Sans doute parce qu’après ces affaires successives, un véritable concert de casseroles se faisait entendre derrière lui dans les couloirs du Bundestag, Merz ne s’est pas présenté aux élections de 2009, se mettant en quelque sorte « en retrait » de la vie politique officielle. Cela ne l’a pas empêché de continuer à faire avancer les affaires de ses mandants.

    Merz, en quittant le Bundestag, devint président de la fondation Atlantik Brücke. Or, ces dernières semaines, on a assisté, au sommet de l’organigramme de cette fondation, à un curieux ballet. Friedrich Merz a été violemment attaqué par WLK (voir ci-dessus), au motif que Merz entraînait la fondation dans un conflit avec Merkel. Merz a en effet rédigé récemment un livre avec une figure du SPD (1), et ce serait la raison de l’ire de WLK – même si on subodore que ce n’est là qu’un prétexte, et qu’il s’agit ici de bien autre chose que d’un vulgaire bouquin.

    WLK est président d’honneur de la fondation Atlantik Brücke depuis sa condamnation suite à l’affaire de la caisse noire de la CDU (une sorte de récompense pour avoir porté le chapeau, probablement). Président d’honneur, mais doté d’une influence plus qu’honorifique, il est parvenu, dans un premier temps, à obtenir l’éviction de Merz.

    Mais dans un deuxième temps, celui-ci a regroupé ses soutiens, et finalement triomphé. Et cela n’est pas tout à fait anodin.

    Un journaliste d’investigation allemand, Jürgen Elsässer, a eu la curiosité de regarder qui, au sein de la fondation Atlantik Brücke, avait soutenu WLK ou Merz. Et il s’est aperçu de quelque chose d’assez révélateur (2) : en substance, ce sont les représentants de la partie allemande de l’axe germano-américain qui ont soutenu WLK (la grande industrie), tandis que les représentants de la partie sous dominance capitalistique américaine (par exemple le rédacteur en chef de Bild Zeitung) appuyèrent Merz, lequel bénéficia dans l’ensemble du soutien de la grande presse (3). A l’intérieur de la fondation Atlantik Brücke, il y a donc eu reprise en main par les agents d’influence américains, au détriment de leurs associés plus soucieux des intérêts proprement allemands.

    En somme, il se pourrait bien qu’avec l’affaire Merz, les milieux atlantistes aient envoyé un message à Merkel : n’oublie pas qui t’a fait roi. Une épée de Damoclès surmonte désormais la tête de Frau Merkel. A elle de ne pas se tromper à l’avenir. Le sacrifice de WLK et le sauvetage de Merz ressemblent bigrement à un avertissement adressé, par les milieux atlantistes, à des élites allemandes de moins en moins enclines à coupler leur économie à une Amérique qui leur a certes beaucoup rapporté par le passé, tant que les USA s’endettaient, mais qui risque maintenant de se transformer en fardeau, puisqu’ils sont ruinés.

    *

    Nous sommes moins bien renseignés sur la Russie que sur l’Allemagne. Il faut bien dire que le Kremlin n’est pas précisément réputé pour sa transparence…

    Décidément, la Russie restera toujours la Russie. Pour qui voit les choses de loin, aujourd’hui, il y a, à Moscou, un Grand Tsar (Poutine), un héritier ambitieux (Medvedev) et des boyards comploteurs (les oligarques). Le Tsar a le soutien du peuple, l’héritier est obligé de s’appuyer sur les boyards pour acquérir de l’influence, et les agents étrangers naviguent entre les factions rivales dans une ambiance de cour byzantine. Le Grand Souverain parviendra-t-il à déjouer les complots des boyards pour sauver la Sainte Russie ? – Telle est la question. Il ne manque plus qu’un moine mystique dans la pénombre, et on se croirait dans un roman historique !

    Bref, trêve de plaisanteries.

    Essayons, armés du peu d’informations dont nous disposons, de démêler l’écheveau de la vie politique russe (la vraie, celle qui se joue dans les coulisses). Nous verrons que la Russie reste la Russie, mais que les choses sont, tout de même, un peu plus compliquées que dans un film d’Eisenstein.

    Petit rappel du paysage russe, pour commencer.

    Dans les années 1990, après l’écroulement de l’URSS, quelques dizaines d’oligarques se sont littéralement partagé les dépouilles de l’économie russe. C’est probablement le plus grand pillage de tous les temps, en tout cas la plus formidable disparition de valeurs jamais vue en temps de paix. De véritables colosses industriels ou miniers ont été bradés par Eltsine à ses « amis », c’est-à-dire, en fait, ses financiers.

    En reprenant le pays, en 2000, Poutine fit preuve de pragmatisme. Conscient des rapports de force, il n’a pas attaqué frontalement les oligarques. Il s’est contenté de leur fixer les règles du jeu : ils eurent le droit de conserver leurs propriétés, même mal acquises, à une condition, les mettre au service de la grandeur et de la puissance de la Russie. L’officialisation de cette position s’est faite en deux temps : d’abord, dès son entrée en fonction, Poutine signa un décret qui exemptait Eltsine et son entourage de toute enquête sur leurs malversations (sans doute était-ce le prix à payer pour entrer en fonction) ; ensuite, ayant rassuré, il punit. Il disposait pour cela d’une force d’appoint décisive : le soutien des réseaux ex-KGB, bien décidés à restaurer la « verticale du pouvoir » (en d’autres termes : en finir avec l’anarchie destructrice des années Eltsine).

    Mikhaïl Khodorkovski est alors le président du géant pétrolier Ioukos, qu’il a acquis pour une somme dérisoire par rapport à sa valeur réelle (à peu près 1,25 % d’après des estimations sérieuses). Il envisage de revendre l’entreprise à un groupe occidental. Poutine s’y oppose, mais Khodorkovski persiste – il vient de transmettre ses parts au financier britannique Jacob Rothschild. Cette fois, l’oligarque a passé une ligne rouge : il est arrêté et condamné à huit ans de prison. Le message est simple : tant que vous obéissez à Poutine, on ne vous demande pas de compte sur la période Eltsine. Mais si vous désobéissez, vous aurez l’insigne honneur de participer avec enthousiasme à la colonisation de la Sibérie (Khodorkovski est, aux dernières nouvelles, à l’isolement dans une colonie pénitentiaire située sur un gisement d’uranium à ciel ouvert – Elie Wiesel a d’ailleurs lancé une campagne pour essayer de le sortir de là – on lui souhaite bonne chance).

    La plupart des oligarques se sont accommodés de la méthode Poutine. D’abord parce qu’ils n’avaient pas envie de finir à l’isolement sur un gisement d’uranium, ensuite parce qu’au fond, ils savent bien que la « verticale du pouvoir » est indispensable en Russie.

    Parmi les oligarques qui se rallièrent à Poutine (Roman Abramovitch, Pavel Fedoulev, Vladimir Potanine…), le plus important était sans doute Anatoli Tchoubaïs. Retenons ce nom, ce sera notre « fil rouge » pour décoder l’influence atlantiste en Russie.

    Les milieux d’affaires occidentaux ont toléré mise en place du système Poutine parce qu’ils n’avaient tout simplement pas le choix. Ils ont bien tenté de financer des partis libéraux, avec Gary Kasparov en figure de proue, mais le libéralisme est, en Russie, assimilé à l’ère Eltsine, de sorte qu’il culmine à 5 % des votes. En réalité, il est complètement impossible de réaliser, en Russie, une « révolution colorée » à la Soros (comme celle qui fut tentée et, provisoirement, réussie en Ukraine), parce qu’à part Moscou et Saint-Pétersbourg (et encore), le pays est totalement imperméable au projet libéral anglo-saxon. Comme il n’est pas non plus envisageable d’attaquer militairement la Russie, dès lors que le Kremlin est unifié et déterminé, les acteurs sous influence occidentale ne peuvent jouer qu’un rôle subalterne.

    Mais les données du problème changent dès lors que le Kremlin n’est plus unifié. La rupture apparente du tandem Poutine-Medvedev offre donc, depuis quelques mois, de nouvelles possibilités d’action aux « occidentaux ».

    L’homme à suivre en premier lieu est, sans doute, notre « fil rouge » : Anatoli Tchoubaïs. Surnommé « le père de tous les oligarques », c’est de toute manière un personnage-clef. C’est lui qui organisa, en grande partie, la privatisation-pillage des années 90. C’est encore lui, aujourd’hui, dont l’influence grandit au sein du cercle Medvedev – du moins dans la mesure où nous sommes informés correctement des évolutions au sein d’une direction moscovite fort peu transparente.

    Tchoubaïs fait partie des milieux économiques qui souhaitent orienter la Russie vers les technologies de pointe, en particulier l’informatique civile et les nanotechnologies, pour diversifier une économie trop dépendantes des exportations de matières premières – ce en quoi il n’a pas forcément tort. Il est surprenant qu’un pays à la pointe de la recherche militaire (développement des systèmes laser anti-détection sur les avions de chasse, sous-marins nucléaires ultra-furtifs de quatrième génération, chasseur T-50 de cinquième génération, comparable au F-22 américain) ne soit capable d’exporter que des matières premières… et des armes.

    Or, on a pu constater, ces dernières semaines, que Medvedev semblait s’approprier le projet « high tech » de Tchoubaïs. En mai 2010, dans un discours au comité pour la modernisation de l’économie russe, il a pris position en faveur du développement accéléré des technologies de l’information et de la communication. On remarquera ici, au passage, que ce choix impliquerait le développement d’une plus forte intégration entre l’économie russe et le leader dans ce domaine, leader qui reste (au moins pour ce qui relève du software) les Etats-Unis – et impliquerait, en contrepoids, un moindre investissement dans le projet industriel classique qui sous-tend évidemment le commerce germano-russe.

    En filigrane, on doit peut-être ici discerner un axe Tchoubaïs-Medvedev, le premier « vendant » au second l’intégration de la Russie dans l’économie occidentale, sur un pied d’égalité, le second s’empressant de croire à la promesse (pourtant bien nébuleuse) du premier, afin de se doter d’un soutien de poids, dans la perspective d’un face-à-face avec Poutine aux élections prochaines. La communication très « occidentalisante » adoptée par Medvedev ces derniers temps (rencontre avec Bono, le leader de U2, etc.) laisse penser que c’est le cas.

    Si cette analyse est correcte, alors il semble bien que Tchoubaïs ait décidé de miser sur Medvedev en vue d’accroître le pouvoir des oligarques – une intrigue de palais, au sein des tout petits milieux pétersbourgeois qui trustent les postes de responsabilité à Moscou, depuis dix ans (Tchoubaïs, Poutine et Medvedev sont tous trois issus de la « suite » d’Anatoli Sobtchak, ex-maire de Saint-Pétersbourg). Mais peut-être est-ce, aussi, un peu plus qu’une intrigue de palais… Dans quelle mesure Tchoubaïs agit-il ici sur ordre des occidentaux ? Bien malin qui pourrait répondre à cette question. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que son influence joue en faveur d’un retour de l’Occident en Russie.

    Poutine, l’homme de l’alliance chinoise, contre Medvedev, l’homme de l’OTAN ? Sans aller jusque là, force est de constater que les lignes de communication respectives des deux hommes, à ce stade, laissent penser qu’un véritable affrontement se prépare. D’un côté, Medvedev, l’ex-fan de hard rock, partisan de l’inscription de la Russie dans l’univers occidental (virtualisme, nouvelles technologies). En face, Poutine, l’homme de la Russie profonde, partisan d’une politique de puissance et champion de la lutte anti-corruption (récent discours très dur, sur ce sujet, pour dénoncer les dérives de la bureaucratie au niveau local – purges en perspective ?).

    Poutine est fort de son bilan (la gestion de la crise financière de 2008 a été remarquable, la dévaluation du rouble a permis une relance rapide). Medvedev, lui, entend communiquer sur un retour du rêve occidental.

    Medvedev propose implicitement à la Russie de capitaliser sur son statut de puissance retrouvé (symbole fort : pour la première fois, en 2009, les ventes d’armes russes ont dépassé celles des USA en Amérique Latine). Dans la logique Medvedev, il s’agit, à présent que le siège semble brisé (axe économique germano-russe en construction, Ukraine à nouveau sous contrôle, présence marquée en Asie Centrale, abandon du projet antimissiles US en Europe de l’est) d’encaisser les dividendes : principalement, obtenir le soutien de l’Occident pour une intégration accélérée dans l’OMC (4), et de manière plus générale une place honorable dans l’ordre économique international. Le président russe peut compter, pour déployer cette communication, sur le soutien d’une partie des médias. Et il dispose, il ne faut pas s’y tromper, d’arguments réels : pour diversifier son économie, la Russie a besoin d’importer du savoir-faire occidental, comme la Chine l’a fait ces dernières décennies – et cela, c’est un fait.

    Poutine, de son côté, a déjà fait donner ses propres réseaux (l’appareil d’Etat, principalement) pour contrebattre la ligne de communication Medvedev. En filigrane, derrière ces discours pro-Poutine, on devine une mise en garde : le « rêve occidental » n’est qu’un leurre. Le siège n’est pas définitivement brisé, il est trop tôt pour encaisser les dividendes. L’influence anglo-saxonne continue, partout où elle le peut, de contrecarrer le retour de la Russie (en Asie centrale, en Europe de l’est, mais aussi, désormais, en Amérique Latine). Les livraisons d’armements OTAN à la Géorgie se poursuivent. Comment attendre quoi que ce soit de l’Occident, dans ces conditions ?

    Ce qui rend ce heurt apparent très difficile à analyser, c’est qu’il est impossible, en Russie, de séparer les prises de position des deux hommes du consensus latent des élites qui les soutiennent. Or, ces élites sont caractérisées par une opacité extrême, et une stabilité sous-jacente qu’on n’imagine pas en Occident. Détail révélateur, c’est la même plume qui rédige aujourd’hui les discours de Medvedev, rédigeait hier ceux de Poutine, et avant-hier ceux de Eltsine. En fait, il faut bien garder en tête, ici, que nous pouvons avoir l’impression d’un clivage Poutine / Medvedev, et que cependant, dans la réalité, dans la coulisse, il y a consensus pour négocier un accord avant la prochaine élection présidentielle. Tout ce qu’on peut dire à ce stade de solide et sérieux, c’est que la marge de manoeuvre de Medvedev, jusque là presque nulle, semble croître, et que des influences pro-US très fortes se manifestent désormais au niveau des classes dirigeantes russes.

    Medvedev n’est pas l’homme qui fera basculer la Russie dans l’atlantisme, c’est plus compliqué que cela. Il faut toujours se souvenir que Poutine voulait initialement se lier avec les USA, et que c’est Washington, au départ, qui a refusé sa proposition de partenariat, il y a dix ans. En Russie, rien n’est simple, tout est possible.

    *

    Derrière l’affaire Merz en Allemagne et le cas Tchoubaïs en Russie, une isomorphie : un Empire en train de perdre la maîtrise de la mondialisation qu’il impulse, et qui, pour retarder et si possible annuler les conséquences de son déclin dans l’économie réelle, pour contrôler les élites rivales et maîtriser leurs choix, mise sur la cooptation sélective au sein de ces élites.

    Plutôt que la « révolution colorée » méthode Soros, et (pour l’instant) aux antipodes de la brutalité néoconservatrice, on retrouve là le schéma d’influence proposé par Z. Brzezinski, l’éminence grise de Barak Obama.

    Quelques citations de son ouvrage principal, « Le Grand Echiquier » (5) :

    « Par définition, les empires sont des entités politiques instables, parce que les unités subordonnées préfèrent, presque toujours, acquérir une plus grande autonomie. Et presque toujours, les contre-élites gérant ces unités s’emploient à accroître leur autonomie. » (citation que Z.B. tire de l’universitaire Donald Puchala.)

    « Pour l’Amérique, l’enjeu géopolitique principal est l’Eurasie. Depuis cinq siècles, les puissances et les peuples de ce continent ont dominé les relations internationales. Aujourd’hui, c’est une puissance extérieure [l’Amérique] qui prévaut en Eurasie. Et sa primauté globale dépend étroitement de sa capacité à conserver cette position. »

    « Tous les rivaux politiques et/ou économiques des Etats-Unis sont situés en Eurasie. Leur puissance cumulée dépasse de loin celle de l’Amérique. Heureusement pour cette dernière, le continent est trop vaste pour réaliser son unité politique. »

    « Si l’espace central de l’Eurasie [la Russie] peut être attiré dans l’orbite de l’ouest [l’Europe], où les Etats-Unis sont prépondérants, […] et si l’Est [Chine-Japon] ne réalise pas son unité de sorte que l’Amérique se trouve expulsée de ses bases insulaires, cette dernière conservera une position prépondérante. »

    « L’arme nucléaire a réduit, dans des proportions fantastiques, l’usage de la guerre comme prolongement de la politique. […] Ainsi les manœuvres, la diplomatie, la formation de coalitions, la cooptation et l’utilisation de tous les avantages politiques sont désormais les clefs du succès dans l’exercice du pouvoir géostratégique. »

    « Dans la terminologie abrupte des empires du passé, les trois grands impératifs géostratégiques se résumeraient ainsi : éviter les collusions entre vassaux et les tenir dans l’état de dépendance que justifie leur sécurité ; cultiver la docilité des sujets protégés ; empêcher les barbares de former des alliances offensives. »

    « La France et l’Allemagne sont assez puissantes pour avoir une influence régionale au-delà de leur voisinage immédiat. […] De plus en plus, l’Allemagne prend conscience des atouts qu’elle a en propre. […] Du fait de sa situation géographique, l’Allemagne n’exclut pas la possibilité d’accords bilatéraux avec la Russie. »

    « La Russie a de hautes ambitions géopolitiques qu’elle exprime de plus en plus ouvertement. Dès qu’elle aura recouvré ses forces, l’ensemble de ses voisins, à l’est et à l’ouest, devront compter avec son influence. »

    « Un scénario présenterait un grand danger potentiel : la naissance d’une grande coalition entre la Chine, la Russie et peut-être l’Iran. »

    « On peut s’inquiéter d’un échec du processus [d’unification européenne] et de ses conséquences […] pour la place de l’Amérique sur le continent. […] La Russie et l’Allemagne pourraient tirer parti de cette nouvelle situation et se lancer dans des initiatives visant à satisfaire leurs propres aspirations géopolitiques. »

    Ce paragraphe, très important dans le contexte actuel, signifie que Brzezinski souhaite dans une certaine mesure le développement des liens germano-russes, mais seulement si l’Allemagne est, via l’Union Européenne codirigée avec une France capable de maintenir une forme de parité, ancrée dans un monde atlantique lui-même sous leadership américain. Brzezinski parle, pour décrire l’Europe qu’il souhaite, de « tête de pont de la démocratie » (en clair : de l’Amérique). Et donc, une situation, où la France serait trop faible pour maintenir cette parité, modifierait fondamentalement l’attitude des USA à l’égard de la question germano-russe – surtout si, dans le même temps, l’Amérique est si affaiblie qu’elle n’a plus les moyens de faire clairement percevoir son leadership global.

    Nous avons confirmation de cette lecture plus loin : « A long terme, la France est un partenaire indispensable pour arrimer définitivement l’Allemagne à l’Europe. […] Voilà pourquoi, encore, l’Amérique ne saurait choisir entre la France et l’Allemagne. »

    En clair : aussi longtemps que l’Europe s’unifie sous la tutelle américaine, l’Allemagne doit être poussée à étendre sa zone d’influence vers l’est. Mais si ce nouveau Drang nach Osten devait déboucher sur la définition d’un axe Berlin-Moscou émancipé de la tutelle US, alors il faudrait que les USA donnent les moyens à la France de rééquilibrer l’Europe. Ce point est, évidemment, pour nous, Français, d’une grande importance. Nous allons peut-être avoir, enfin, la possibilité de desserrer l’étau de l’alliance germano-américaine.

    *

    De tout ceci, en attendant, on peut tirer une conclusion simple s’agissant de l’Empire : nous assistons probablement, derrière l’affaire Merz et le cas Tchouïbas, au déploiement d’une vaste stratégie US, dont la finalité est d’empêcher que la « tête de pont de la démocratie » se mue, en éclatant, en tête de pont de l’économie eurasiatique.

    Profondément affaiblie par la crise économique, l’Amérique perd la maîtrise de la mondialisation. Si, comme on peut le penser, sa « reprise » en trompe-l’œil, financée par le déficit budgétaire, implose dans les deux ans qui viennent, la balance pourrait commencer à peser de plus en plus nettement en faveur de la Chine, y compris au sein des classes dirigeantes européennes – et allemandes en premier lieu. Une situation qui pourrait entraîner, à long terme, la constitution d’une économie eurasiatique dynamique et partiellement intégrée, dont l’Amérique, déclassée, ne serait plus qu’une périphérie.

    Le troisième impératif de Brzezinski, « empêcher les barbares de former des alliances offensives », ne serait alors plus garanti, puisque le premier, « éviter les collusions entre vassaux », aurait volé en éclat. Il y a treize ans, dans « Le Grand Echiquier », Brzezinski écrivait, en substance, que pour conduire à terme le projet mondialiste dans de bonnes conditions, il fallait que l’hégémonie US soit maintenue encore pendant une génération – il est de plus en plus évident que cette condition sera peu aisée à remplir. Le fond du problème est évident, il suffit de relire « Le Grand Echiquier » pour le comprendre : la montée en puissance de la Chine va beaucoup plus vite que ce qui avait été anticipé par Brzezinski.

    Peu capables de s’opposer à cette dynamique économique de fond, les milieux atlantistes ont, de toute évidence, choisi pour l’instant de jouer sur les armes d’influence recommandées par Brzezinski : « les manœuvres, la diplomatie, la cooptation ».

    Sur ce dernier point, il écrit, dans « Le Grand Echiquier » : « Deux étapes fondamentales sont donc nécessaires. Premièrement, identifier les Etats géopolitiquement dynamiques qui ont le potentiel de créer un basculement important en terme de distribution internationale du pouvoir, et décrypter les objectifs poursuivis par leurs élites politiques, et les conséquences éventuelles. Deuxièmement, mettre en oeuvre des politiques US pour les compenser, coopter, et/ou contrôler. »

    Compenser : Medvedev contre Poutine, la fondation Atlantik Brücke contre une partie du haut patronat allemand. Coopter : Merz. Contrôler : Tchouïbas.

    Si la démarche échoue, il ne restera plus à l’Empire qu’à choisir entre la défaite et la guerre.

    *

    NOTES :

    ( 1 ) « Ce qu’il faut faire maintenant : l’Allemagne 2.0 », coécrit avec un ancien politicien SPD, « de gauche », Wolfgang Clement. L’étiquette « gauche » ne doit pas ici abuser le lecteur. Ce monsieur Clement, maintenant retiré de la vie politique, siège à de nombreux conseils de surveillance – sans doute une récompense pour avoir conduit une bonne partie des réformes social-libérales de l’ère Schröder.

    ( 2 ) Source

    « Est-ce que les cercles anglo-américains préparent une rocade du pouvoir en Allemagne ? », Jürgen Elsässer Blog

    ( 3 ) Par exemple, la Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ, l’équivalent allemand du Figaro) a publié, en mai 2010, un article présentant les critiques de WLK comme « peut-être » infondées, et « peut-être » motivées par de vulgaires considérations financières.

    « Bataille boueuse »

    Cet article a été écrit par un monsieur Majid Sattar, d’origine irakienne, qui a fait ses études aux USA.

    ( 4 ) Il est utile, pour comprendre le positionnement de Medvedev, de se souvenir que lorsqu’il discute avec les Américains de l’Iran, par exemple, c’est entre deux séances de travail sur l’admission de la Russie à l’OMC.

    ( 5 ) Le texte de Brzezinski est entouré de circonlocutions et formules obligées visant à nous présenter son projet comme l’expression d’une hégémonie américaine « bienveillante », destinée à conduire le monde vers la paix universelle et la démocratie. J’épargnerai au lecteur de subir ici ces formules hypocrites, pour mettre plutôt en exergue les passages qui traduisent, selon toute probabilité, la pensée profonde de l’auteur : défendre un Empire inégalitaire et prédateur, pour les meilleurs intérêts de ses classes dirigeantes corrompues.

    ( 6 ) Ce texte a été rédigé avec l’aide bénévole de l’ami Fritz et d’oncle Vania, que l’auteur tient à remercier tout en respectant leur anonymat.


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  • Géopolitique de l'Afghanistan_2eme partie

    Aymeric Chauprade

    Realpolitik.tv

     
     
     
     
     
     

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  • Du gaz et du pétrole en Méditerranée orientale !

     source MEDIAPART

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    L'annonce fut assez discrête. Dans un rapport publié en avril 2010, l'US Geological Survey ou USGS (le service géologique américain) annonce la présence très probable d'un important gisement exploitable de gaz et de pétrole dans le bassin du Levant, en Méditerranée orientale.

    La carte ci-dessous (source USGS) montre le champ du gisement:

    http://www.sciencedaily.com/images/2010/04/100408132812-large.jpg

     

    Les points colorés identifient les gisements déjà explorés.

     

    L'USGS estime le gisement total à 17 milliards de barils de pétrole de 122 tcf (trillion cubic feet) de gaz (1 cubic foot ~ 28 litres ou 0,028 mètres cube). C'est assez considérable. Pour fixer les idées, la production annuelle et mondiale de gaz est de l'ordre de 100 tcf. En fait c'est probablement un des plus gros gisement de gaz découvert.

     

    La zone est explorée depuis quelques années. Ainsi, la société novégienne Petroleum Geo-Services (PGS) a effectué plusieurs explorations pour le compte du Liban :

    http://www.pgs.com/upload/253135/lebanon_0609.gif

    Le quadrillage représente la campagne d'exploration 2D et les zones bleues les sondages 3D. Pour avoir plus de détail, il suffit d'aller consulter leur base de données. En jaune, les zones explorées par Noble Energy (USA) ou exploitées (étoiles rouges).

     

    Ce n'est pas le seul gisement offshore trouvé en méditerranée (il y en a un au large du delta du Nil par exemple).

     

    Ces exploitations offshore présentent en effet un risque écologique important comme l'accident de BP dans le golfe du Mexique vient de nous le rappeler. Mais la mer Méditerranée, petite et pratiquement fermée est déjà lourdement touchée sur le plan écologique. Elle n'aura certainement pas la même capacité de résistance aux pollutions que l'immense océan mondial.

     

    Il saute aux yeux, lorsque l'on regarde la carte que les pays concernés, ou du moins voisins, sont Israël, le Liban et Chypre avec éventuellement la Syrie et la Turquie.

     

    L'histoire récente de cette région n'est qu'une succession de conflits et d'agressions (Israël et le Liban sont encore officiellement en guerre). Chypre à été partiellement envahie par la Turquie et est toujours coupée en deux. La Syrie a tendance à se comporter au Liban comme si elle était chez elle, ....

     

    Or le pétrole est quelque chose qui suscite des appétits tels que l'on hésite pas à fouler aux pieds de nombreux principes pour se l'approprier.

     

    L'histoire s'est déjà mise en marche. La société américaine, Noble Energy, très implantée en Israël depuis 1998 et qui y explore et exploite des gisements de gaz offshore depuis 2006 (ils sont en jaune sur la carte précédente) s'est fait écho de la découverte de l'USGS (elle en a même amplifié l'estimation).

     

    En fait elle le savait depuis plus d'un an mais n'en avait fait qu'une annonce très discrète, une sorte de compromis entre les négociations de licences d'exploitation et la nécessiter de lever des fonds (donc dire du positif à ses actionnaires). Il en est de même d'autres compagnies qui se sont positionnées dès 2009, comme le canadien Bontan Corporation.

     

    Cela a fini par réveiller la fourmilière du moyen orient en suscitant craintes et menaces chez les voisins d'Israël face au risque de se faire spolier de leur part du magot. En effet, ni le gaz, ni le pétrole ne connaissent les frontières. Si l'on pompe d'un coté, le gisement du voisin en retard va se vider.

     

    Le président du parlement libanais, Nahbi Berri a ainsi déclaré que "le Liban devait immédiatement prendre des mesures pour défendre ses droits non seulement financiers, mais également économiques, politiques et souverains". Le parlement libanais vient d'ailleurs de voter, ce 18 Août, une loi autorisant l'exploitation offshore du gaz et du pétrole.

     

    En face, chez Israël, c'est la réponse habituelle: On montre ses muscles: Le ministre israélien des Infrastructures nationales, Uzi Landau, a ainsi déclaré : "Israël n'hésitera pas à user de la force, non pas pour défendre ses droits, mais pour défendre le droit maritime international". Quand on repense à l'attaque meurtrière dans les eaux internationales de la flottille en route vers Gaza cela laisse rêveur.

     

    C'est qu'en fait, il n'y a aucun accord dans cette région sur des frontières maritimes ou des "zones économiques exclusives". On au delà des 12 miles nautiques des eaux territoriales (22 km) internationalement définies, c'est le "far west". De plus, Israël, fidèle à ses habitudes n'a pas ratifié la convention de Montego Bay qui devrait permettre de résoudre ce genre de litiges.

     

    Nous avons donc là tous les ingrédients pour une exploitation sereine et sécurisée d'un nouveau gisement de gaz et de pétrole, n'est ce pas!

    article lié : Israël attaquera t-il le Liban pour lui voler son gaz ?


    3 commentaires
  • Israël attaquera t-il le Liban pour lui voler son gaz ?

    Ce n’est plus un secret : de très importants gisements de gaz et de pétrole sont situés en Méditerranée au large de Chypre, du Liban, de Gaza… et d’Israël. Compte tenu des appétits et des méthodes du régime de Tel-Aviv, le partage des richesses semble impossible. Pour le géopoliticien mexicain Alfredo Jalife-Rahme, la question est de savoir si Israël se contentera de voler les réserves de ses voisins en les siphonnant grâce à des technologies sophistiquées, ou s’il s’emparera de leurs gisements par la force.

    Plusieurs analystes expérimentés ont compris que derrière la guerre d’Israël contre Gaza —gouverné par le groupe islamique sunnite Hamas— se trouve un enjeu caché : les pléthoriques gisements de gaz des côtes palestiniennes en Méditerranée.

    Bien que doté d’un maximum de 400 bombes nucléaires et de la meilleure aviation de tout le Proche-Orient —à présent on ne peut plus affirmer qu’il possède la meilleure armée de la région après ses récents revers aussi bien au Sud du Liban contre la guérilla islamique chiite qu’à Gaza face au Hamas— Israël affiche deux points faibles incontestables : 1. l’eau, raison pour laquelle il ne se résout pas à restituer à la Syrie les territoires occupés du plateau du Golan, bordant le lac de Tibériade (Galilée) et 2. le pétrole, il importe plus de 300 000 barils par jour (pour la plupart, en provenance d’Égypte), tandis que sa production de gaz destinée à la consommation nationale est extrêmement réduite.

    Je viens de rentrer d’un voyage d’un mois en Grèce, au Liban et en Turquie, où j’ai mesuré l’importance stratégique du gaz, aussi bien pour Gaza que pour le Liban, enfoui sous les eaux communes à Israël et à l’île de Chypre (elle même divisée en partie grecque et turque).

    Naharnet (28 juin 2010), un site libanais pro-occidental, dit très justement que les réserves de gaz reparties entre les eaux du Liban et d’Israël peuvent représenter une énorme manne financière, mais qu’elles peuvent également susciter une nouvelle guerre d’Israël contre son faible voisin du nord.

    La situation est dramatique car les deux Etats, aussi bien le Liban qu’Israël, sont énormément tributaires des importations d’hydrocarbures.

    Quant au Liban, son cas est le plus grave car il est éprouvé par le piteux état de son système de production électrique, qui n’a pu être ni réparé, ni modernisé après 15 ans de guerre civile.

    Que cela plaise ou non, face à la cupidité israélienne, ce n’est rien de moins que la guérilla chiite du Hezbollah qui s’est chargée de la défense du gaz libanais. Jusqu’à présent, mis à part le Hezbollah [1], personne d’autre dans la vaste mosaïque libanaise n’a manifesté ouvertement sa position sur ce sujet, qui est loin d’être un sujet de moindre importance et qui peut dégager de grands bénéfices politiques et financiers ou, à défaut, dégénérer en une guerre d’Israël contre le Liban (et non le contraire).

    Non sans se référer à des précédents et à des justifications historiques, le Hezbollah accuse Israël de programmer le “vol” du gaz naturel des eaux territoriales libanaises. Les chiites du Sud du pays en ont acquis une grande expérience lors du pillage par Israël des eaux du fleuve Litani.

    De son côté, Israël rétorque que les champs pétrolifères et gaziers qu’il exploite ne s’étendent pas jusqu’aux eaux libanaises.

    Le problème réside en ce que les limites territoriales —et par extension, les limites maritimes— n’ont toujours pas été fixées, du fait que les deux pays sont techniquement encore en guerre.

    Israël a déjà commencé —grâce à un développement technologique plus avancé et à la complicité des compagnies pétrolières et gazières anglo-saxonnes— à développer les deux champs de Tamar et Dalit, dont les abondantes réserves ont fait s’envoler la Bourse de Tel-Aviv, exactement le même jour où le duo Netanyahu-Lieberman était frappé de répudiation mondiale à cause de sa piraterie meurtrière en eaux internationales contre un navire turc d’aide humanitaire destiné à Gaza (la plus grande prison à ciel ouvert du monde).

    Les réserves découvertes dans les champs de Tamar et de Dalit sont colossales : 160 milliards de mètres cubes avec lesquels on peut satisfaire les besoins des Israéliens pendant deux décennies.

    La compagnie pétrolière et gazière texane Noble Energy, qui fait partie du consortium chargé des explorations des gisements gaziers de la partie soi-disant israélienne de la Méditerranée, a estimé que grâce à la découverte d’un troisième champ —dont le nom, d’intéressante portée sémantique, est Léviathan (de 450 milliards de mètres cubes, presque trois fois ce qui contiennent les gisements de Tamar et Dalit)— Israël pourrait devenir un riche exportateur vers l’Europe et l’Asie.

    Pour le moment, Nabih Berri, président du Parlement libanais, et de surcroît, allié du Hezbollah, a condamné le fait qu’Israël soit en train de se transformer en “émirat pétrolier” grâce à du gaz qui ne lui appartient pas, en déniant le fait que ces champs s’étendent jusqu’aux eaux territoriales du Liban. Le Liban reproduira-t-il face à Israël les expériences tragiques que le Mexique vit aujourd’hui face aux États-Unis pour ce qui est des gisements “transfrontaliers” dont il est dépouillé par les compagnies pétrolières et gazières texanes grâce à la technologie cleptomane du siphonnage ?

    Les fonctionnaires de l’Infrastructure nationale d’Israël affirment —tel que l’affirme également, comme on aurait pu s’y attendre, la compagnie texane Noble Energy ainsi que la compagnie norvégienne Petroleum Geo-Services— que les trois champs découverts se trouvent en “zone économique” israélienne. Quelle précision de la géographie divine !

    Al Manar (4 juin 2010), le média du Hezbollah fustige “Israël [qui] est sur le point de légaliser le vol du gaz libanais” par un amendement législatif. Il cite la télévision israélienne rapportant que le gouvernement du duo Netanyahu-Lieberman “considère la découverte des champs de gaz naturel dans la Méditerranée comme une découverte israélienne sur laquelle personne (super sic !) n’a de droit”.

    Nom d’un diable ! Qu’en est-il alors du droit international transfrontalier lorsque la technique du siphonnage de ce qui appartient à autrui est utilisée par les transnationales anglo-saxonnes dotées d’une meilleure technologie que celle des pays affectés, pour ne pas dire spoliés ?

    Pire encore, selon la chaîne de télévision déjà citée, “le comité exécutif du gouvernement et la Knesset (Parlement) préparent une loi qui écarterait le droit des Libanais”. Au besoin, l’armée israélienne sera là pour appliquer de manière unilatérale la nouvelle loi de spoliation.

    En dehors du légendaire saccage israélien des territoires occupés, sous tous ses aspects, avec ou sans “cartes géographiques” ou lois pour le justifier, la classe politique libanaise, à cause de ses querelles internes stériles sur l’identité de l’heureux exploitant et producteur de pétrole et de gaz, a laissé filer une précieuse décennie : un vide temporel et territorial qui a été exploité par Israël.

    Au mois d’octobre dernier, la compagnie norvégienne Petroleum Geo-Services avait communiqué sur la forte probabilité qu’il existe de grands gisements aussi bien au Liban qu’à Chypre. À propos de ce dernier cas, il semblerait que les gisements seraient repartis entre les deux pays voisins. Que d’artifices souverains nous présente la géographie !

    Pour le Liban, n’importe quel type de découverte pétrolière et gazière constituerait une bénédiction qui permettrait de réduire la formidable dette atteignant 52 milliards de dollars, l’une des plus importantes du monde proportionnellement (147 %) à son produit intérieur brut (PIB) de 33 milliards de dollars.

    Cependant, il ne faut pas surestimer la dette libanaise, sans doute énorme, car elle est amortie par des dépôts bancaires colossaux allant jusqu’à 110 milliards, ce qui facilite sa gestion.

    Quoi qu’il en soit, les nouvelles découvertes de pétrole et de gaz au Liban —souveraines ou partagées avec Israël ou avec Chypre— atteigneraient le chiffre mirifique d’un milliard de milliard de dollars.

    Osama Habib, du quotidien libanais en anglais The Daily Star (28 juin 2010), a affirmé que “la richesse du pétrole et du gaz du Liban représente une bénédiction mitigée qui génère en même temps de l’enthousiasme et de l’angoisse” (de par ses conséquences géopolitiques). Elle a révélé au grand jour la lutte primaire des politiciens libanais pour l’obtention de la meilleure part du gâteau dans la gestion des hydrocarbures.

    Selon les experts, la production ne sera effective qu’après 15 ans d’exploration des eaux libanaises, mais le risque majeur vient de l’appétit insatiable d’Israël, qui serait capable, une énième fois, d’entreprendre une nouvelle guerre afin de s’approprier du gaz de Gaza et des hydrocarbures du Liban et de Chypre.

    Alfredo Jalife-Rahme Écrivain, spécialiste en affaires internationales. Auteur de plusieurs ouvrages sur les symptômes indésirables de la mondialisation. Il publie chaque semaine deux articles dans le quotidien mexicain La Jornada et une chronique dans l’hebdomadaire Contralínea.

    artcle lié : Du gaz et du pétrole en Méditerranée orientale !


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  • Hors limites

    Après la diffusion de documents par le jeune soldat -dont depuis on a appris qu’il se trouvait incarcéré dans une prison militaire au Koweit quand il a envoyé les dits documents- un certain nombre de questions demeurent, d’abord comment a-t-il pu faire ? Ensuite pourquoi, et enfin quelles conséquences. Sans pouvoir prétendre aujourd’hui à répondre à toutes ces interrogation, un certain nombre d’informations parvenues dans la seule journée du 30 juillet permettent d’éclairer le fait et surtout lui donner sa véritable dimension, celle d’une fuite en avant dans le mensonge pour aller toujours plus loin dans la folie, le pillage, la destruction… Tout en parant ceux qui accomplissent ces crimes des vertus démocratiques. Le jeune soldat est-il un traitre ou un héros et s’il n’était qu’un symptôme de ce que représente la guerre, celles d’aujourd’hui et celle de demain si nous n’y prenons garde...

     

    Le jeune soldat a-t-il agi seul ? La guerre hors limite :

    Le fait que ce soit le soldat Bradley Manning, de l’armée des Etats-Unis qui ait diffusé les documents a été découvert par le pirate informatique (hacker), Lamo. Le jeune soldat était déjà d’ailleurs incarcéré dans une prison militaire et Lamo qui l’a détecté pense de ce fait il a eu une aide technique… , Lamo, a été lui-même en prison en 2004 pour s’être introduit dans les systèmes informatiques du The New York Times, Microsoft et Lexis-Nexis avec l’intention, selon lui, de tester les défenses de ces entreprises. Cette note informative qui est parue aux Etats-unis et en Amérique latine témoigne du fait que nous sommes entrés dans un nouvel âge de la guerre, lequel ? 

    Dans mon blog, j’avais présenté un livre de deux stratèges chinois, La Guerre hors limites, Qiao Liang & Wang Xiangsui, Payot, Rivages, 2003. Ce livre est un remarquable ouvrage de stratégie rédigé par deux colonels de l’armée chinoise. Les auteurs nourrissent leur analyse d’une réflexion solide sur la Première guerre du Golfe, elle-même nourrie d’une excellente connaissance des auteurs classiques et contemporains de l’art stratégique.Le cœur de leur réflexion est simple : jusqu’à notre époque, les progrès dans l’art de la guerre reposaient toujours pour l’essentiel sur des progrès technologiques, et chaque guerre pouvait être qualifiée par sa technologie la plus récente (guerres d’artillerie, guerres aériennes, etc.). Avec toujours plus un déplacement du champ de bataille vers les population civile, initié par Hitler et qui a marqué toute la deuxième guerre mondiale et rapidement adopté par les Etats-Unis, Hiroshima, les nappes de bombes à partir des B 52. La Première guerre du Golfe, à cet égard, marque l’acmé de ce mouvement avec une mobilisation de l’électronique, de l’information, du traitement de l’information et de la domination aérienne sans précédent.

    Mais, pensent les auteurs, ce mouvement est aujourd’hui achevé. Les technologies de la communication, l’imbrication des sociétés mondialisées sont telles que : de très nombreux facteurs peuvent désormais être utilisés comme arme de guerre ;
     la combinaison des « armes » existantes ouvre de telles possibilités que tous les progrès à venir reposeront sur cet art de la combinaison.

    Extrait :

    « A l’époque de la synthèse des techniques et de la mondialisation (…) la relation entre armes et guerre a été réordonnée, tandis que l’apparition d’armes de nouvelles conception et surtout de nouvelles conceptions d’armes ont progressivement brouillé le visage de la guerre. Une seule attaque de « hacker » compte-t-elle pour un acte hostile ? L’emploi d’instruments financiers pour détruire l’économie d’un pays peut-elle être considérée comme une bataille ? La diffusion par CNN du cadavre d’un soldat américain exposé dans les rue de Mogadiscio a-t-elle ébranlé la détermination des Américains de se comporter comme le gendarme du monde, et modifié du même coup la situation stratégique mondiale ? »

    Traduction, la guerre moderne mêle à la fois occupation aérienne et territoriale, information, culture, médias, manipulation psychologique, action économique, menace écologique… dans des combinaisons imprévues et sans cesse variable.

    Les auteurs développent avec rigueur et conséquences ce postulat et présentent, de manière très convaincante ce qu’ils estiment être désormais la méthode essentielle du nouvelle Art de la guerre : « la combinaison hors limites ».

    Cette guerre a déjà commencé, et les hackers en font partie intégrante, parce que quand il a été écrit internet était à un stade balbutiant mais désormais on doit y intégrer cet extraordinaire mais parfois repoussant amas de rumeurs, d’informations mais aussi de désinformation.

    La guerre totalement asymétrique devient de simple police

    j’ajouterai que l’extraordinaire est lié au nouvel ennemi que se sont fabriqués les puissances occidentales en suivant les Etats-Unis et de ce point de vue ce qui se passe en Afghanistan et en Irak est exemplaire. Déjà préfiguré par la déroute des armées Etatsuniennes en Somalie juste après la guerre du Golfe de 1991. Une armée d’une lourdeur inouïe conçue pour l’affrontement avec une autre grande puissance, une armée mercenaire avec une logistique démesurée se trouve confrontée à des rebelles et à une population qui ne peut plus supporter une telle occupation. Cette armée doit affronter un adversaire si asymétrique que sa mission en devient de simple police et elle ne sait faire régner que le chaos. Elle a de surcroît un étrange cahiers de charges : il ne doit y avoir aucun mort dans l’armée d’invasion.

    Il faut encore ajouter le fait que l’armée devenue de métier, formée d’engagés et avec de plus en plus de mercenaires, n’est plus l’instrument du patriotisme mais le symptôme de sa crise, avec un maximum de jeunes chômeurs, voire de latinos cherchant un moyen de s’intégrer rapidement à la nationalité des Etats-Unis mais aussi d’autres pays occidentaux alors que comme en Arizona les frontières se ferment et l’immigration est de plus en plus délinquante. L’armée avec son complexe industrialo militaire générateurs d’immenses profits à un bout de la chaîne, puisque les guerres se chiffrent en milliard de dollars, la privatisation croissante de ses fonctions et une population recrutée sur la base de la crise est envoyée se battre contre des peuples de misérables dont elle ignore tout et finit par provoquer un sursaut patriotique de la part de l’adversaire.

    C’est dans ce contexte qu’il faut apprécier une nouvelle intervenue également hier 30 juillet:2010 : ce jour-là, des dizaines d’habitants de Kaboul se sont insurgés et ont blessé trois policiers et ont mis le feu à deux véhicules de l’OTAN lors d’une manifestation populaire, après qu’un véhicule de l’Alliance Atlantique ait été impliqué ce vendredi dans un accident de circulation qui a coûté la vie à au moins quatre civils, avant de prendre la fuite. L’accident à eu lieu à trois heures de l’après-midi (heure locale)dans la zone résidentielle de Bebe Mahro -proche de l’aéroport de Kaboul- quand un car de tourisme avec six occupants à bord a explosé après un choc avec un véhicule de l’OTAN qui faisait partie d’un convoi, qui tentait de rentrer dans la rue principale. Les forces afghanes ont immédiatement fermé la zone mais un grand nombre d’habitants ont commencé à se regrouper sur les lieux de l’accident pour voir ce qui se passait, selon une information de l’agence afghane Pajhwok.

    Quand ils ont su que le véhicule de l’OTAN était à l’origine du sinistre et avait pris la fuite, les habitants de la capitale ont commencé à jeter des pierres sur les véhicules alliés qui circulaient aux alentours et ont mis le feu à certains d’entre eux. Trois policiers ont été blessés par les jets de pierre.Finalement la police afghane a pu disperser la foule qui hurlait sa colère contre les troupes étrangères et le président afghan, Hamid Karzai.Lincident a donné lieu à une enquête par la police afghane et la Force Internationale d’Assistance pour la sécurité en Afghanistan (ISAF), il y a eu dans le véhicule civil quatre morts et deux blessés.

    Cet incident est caractéristique de l’exaspération des populations, il ne s’agit plus seulement des zones rebelles mais bien du centre de la capitale, de sa zone résidentielle que l’on prétend pacifiée. Cette situation est à mettre en relation avec la manière dont les soldats nord-américains en Irak sont placés dans des zones lointaines pour les protéger de la population.

    Quelle menace contre la sécurité nationale ? 

    Cet état de fait qui ne cesse de se reproduire nous incite à dire notre accord avec ce que déclarait le 29 juillet »la vérité fait peur : le reporter DAVE LINDORFF

    « La réponse initiale de la Maison blanche à la sortie de 92,000 pages de rapports sans complaisance sur le terrain par les États-Unis force en Afghanistan pendant la période de 2004-2009 – qu’il s’agissait là d’ une menace à la sécurité nationale et aux vies des troupes américaines – était aussi prévisible que grotesque. Ces documents n’ont révélé rien de nouveau pour les ennemis de l’Amérique en Afghanistan ou le Pakistan. Les combattants Talibans savaient parfaitement que leurs missiles guidés par infrarouge avaient avec battu avec succès des hélicoptères américains. Ils n’ont révélé rien de nouveau pour le service secret du Pakistan, l’ISI. Les Pakistanais savaient qu’ils aidaient le Taliban avec leurs renseignements, la planification stratégique et des armes dans leur combat contre des forces américaines et le régime actuel de marionnettes à Kaboul. Ils n’ont rien révélé non plus à la population civile très patiente en Afghanistan non plus.Les Afghans savent que des forces américaines les ont visés aux points de contrôle, bombardant effrontément leurs maisons et villages dans des tentatives de frapper des supposés leaders Talibans ou Al Qaeda et dissimulant ces atrocités quand des hommes innocents, des femmes et des enfants sont les victimes.

    Non, l’idée que la sortie de ces documents est une menace est un mensonge aussi énorme que celui des deux la dernière administration de Président George W. Bush et l’administration actuelle de Barack Obama ont lancé, les EU sont engagés dans « une bonne guerre, en essayant de battre »des terroristes »et établir un gouvernement démocratique en Afghanistan.C’est ce qui fait que la sortie des documents de WikiLeaks comme la sortie de ceux deDaniel Ellsberg et de Tony Russo du Pentagone jadis. Ce n’est pas tellement qu’il y ait des nouvelles informations explosives dans ces documents, quoiqu’il y en ait certains. C’est le fait qu’ils exposent au public américain la profondeur et l’étendue de la réalité du gouvernement et du Pentagone dans les guerres en question" counterpunch 29 juillet, traduit par danielle bleitrach
     

    La révélation est pour nous peuples occidentaux qui acceptons que l’on mène de telles guerres en notre nom.

    Le dernier symptôme de la profondeur de la crise : le suicide

     Alors que le challenge est de zéro morts chez les soldats des puissances occidentales que l’on considère comme de la porcelaine fragile, un mal plus profond les ronge. Le taux de suicide chez les soldats dans l’armée des Etats-Unis dépasse pour la première celui des civils depuis la guerre du Viet-Nam, dit le New York Times du 30 juillet.

    Un nouveau rapport du Pentagone met en évidence le chiffre record de 160 suicides pour les effectifs en service dans l’année qui intervient entre le 1 octobre 2008 et le 30 septembre 2009.
     
    Le document met en cause la responsabilité du haut commandement pour ignorer les problèmes croissants de maladie mentale, de drogues et délits entre les soldats.

    Selon le texte, un tiers des troupes prend au moins un médicament sur ordonnance et 14% ingère un quelconque type d’analgésique fort... selon le rapport, à peu près 20 de chaque 100 mille soldats se sont donnés la mort comparé le premier de 19 par chaque 100 mille citoyens à l’intérieur de la population civile.

    Le suicide n’est pas un phénomène individuel expliquait Durkheim, il illustre en quelque sorte l’état réel des rapports sociaux et il mettait en évidence, le suicide anomique, celui où l’individu perd contact avec les autres comme d’ailleurs avec le sens de ses actes.

    Cependant, le président Barack Obama a sanctionné ce jeudi une loi de financement de guerre qui octroie 37 milliards de dollars plus aux guerres de l’Afghanistan et de l’Irak. Il l’a fait avec le soutien massif des républicains et une faille de plus en plus manifeste dans la population qui l’a élu.

    En France, si l’on excepte la position courageuse de Paul Quiles dans une tribune du monde, pour nos médias et nos hommes politiques nous ne serions pas concernés, le Monde Du 29 juillet accomplit même l’exploit d’attribuer la totalité de la catastrophe afghane au président Bush qui n’a pas assez envoyé de troupes, heureusement Obama le fait selon ce quotidien. L’erreur poursuit le « grand » quotidien du soir a été que Bush centre tout sur l’Irak. 

     Oui et avec les résultats que l’on voit qui ne valent pas mieux que ceux de l’Afghanistan.

    Mais pour le Monde très représentatif du consensus droite gauche non seulement sur la guerre mais sur l’absence d’alternative à la société actuelle il s’agit de sauver le soldat Obama pour nous permettre de nous lancer tous dans l’assaut contre l’Iran. La fuite en avant du docteur Fol amour...

    Danielle Bleitrach

     

    par danielle bleitrach (son site) lundi 2 août 2010


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  • La crise du peak oil a débuté (ou genèse de la 3eme guerre mondiale)

    La crise actuelle marque le début de l’effondrement de la civilisation industrielle dont le modèle de développement repose sur la valorisation des énergies fossiles : d’abord le charbon puis le pétrole et enfin de le gaz. Celle-ci a permis de soutenir une croissance économique et démographique jusqu’alors jamais vue, donnant l’illusion que la croissance infinie dans un monde fini était possible.

    Pourtant, en reposant sur une énergie non renouvelable mais sur un stock d’énergie, la fin de cette civilisation était annoncée… dès son épuisement, pire bien avant cela l’énergie ne pourra être extraite qu’à un rythme toujours décroissant. Le pic d’extraction des énergies fossiles marque donc le début d’un déclin inexorable.

    Pétrole, Le peak oil a déjà eu lieu

    Depuis 2005 la production, ou plutôt d’extraction, de pétrole à atteint un plateau. Dès lors les prix du pétrole n’ont cessé de croître signifiant l’imminence de la fin de la partie. Cela fut chose faite en 2008 avec un dernier soubresaut de la production.

    Le peak oil a eu pour conséquence de faire exploser le système désormais fondé sur le postulat d’une croissance infinie. Une théorie, toute simple, est avancée pour expliquer la crise des subprimes : l’explosion du prix des carburants a rendu la situation insupportable pour les ménages américains vivant bien souvent à plus de 20 km de leur lieu de travail. Le rêve américain, de vivre dans les maisons individuelles de banlieues à mi chemin de la ville et de la campagne, était une illusion dépendant totalement sur un pétrole bon marché.

    L’Agence Américaine de l’Energie a depuis, à demi mot, validé ce fait en annonçant un déclin de la production pétrolière à partir de 2011. D’ici 2015 la pénurie de pétrole s’élèverait à 10 Mbj !


     

    Impact, des crises dans tous les sens

    Pour le continent Européen, le problème est le même sauf que la dette n’est pas privée mais publique. Cette dette montre en premier lieu le déséquilibre structurel du monde occidental qui consomme plus qu’il ne produit. Le déclin de la production pétrolière rend insoutenable ce mode de fonctionnement et si les sociétés refusent de s’adapter à cette nouvelle réalité, le système (ou la nature) dont l’évolution globale est totalement dépendante du monde physique impose les changements.

    En un mot, tout ce qui a été rendu possible par une énergie bon marchée et disponible en abondance est remis en cause : la société de consommation (matérialisme et individualisme), l’état providence et tous les acquis sociaux qui en découle. Dans le monde réel et plus particulièrement dans la société française cela se traduit par le retour du chômage de masse, la réforme des retraites, la réduction des déficits publics, etc. Les troubles sociaux sont inévitables. Pire, les troubles sociaux peuvent se transformer en révolutions qui pourraient se traduire par une purge de l’élite du pays considéré comme ayant trahi le peuple à la manière de la révolution française où de la révolution bolchevique.

    Plus inquiétant, le niveau de consommation d’énergie et de la population mondiale sont totalement corrélés et de nombreux chercheurs concluent que la population mondiale va commencer à décliner avec la baisse de l’apport global d’énergie (gaz, charbon et pétrole) prévue entre 2020 et 2040.


    Une partie de la population pourrait également être prise pour bouc émissaire des malheurs du peuple. Les dérives que l’on observe en France sur l’amalgame entre musulman et intégrisme sont inquiétantes. En effet, on observe une évolution de plus en plus radicale. Tout d’abord, la question du voile à l’école, puis celle du Niqab dans la rue… et bientôt celle du voile dans la rue, celle du musulman en France. D’ailleurs cette nouvelle étape est en cours de franchissement avec l’affaire du musulman polygame, fraudeur et islamiste dont on veut retirer la nationalité française. De même, dans les banlieues où l’amalgame entre jeune issue de l’immigration et racaille voir même barbare est vite fait. La tentation génocidaire est un élément à ne pas sous estimer. Elle a déjà été utilisée dans le cas du Rwanda où la pression démographique était tellement forte que le prétexte des différences ethniques, en grande partie développées pendant la colonisation, a été utilisé allègrement.

    Une autre manière de retarder le problème de pression démographique sur la population intérieure pourrait être de s’accaparer les ressources des autres pays au lieu de les partager. « Le mode de vie américain n’est pas négociable » de G W Bush et la guerre d’Irak montre clairement que les Etats-Unis ont choisi cette voie. Pourtant, cette guerre ne suffit pas pour assouvir notre boulimie d’énergie et la cible toute désignée est désormais l’Iran. Nous constatons donc depuis plusieurs mois une recrudescence de la propagande pour nous faire avaler le fait qu’un conflit est la seule solution pour arrêter les fous qui veulent « rayer Israël de la carte ». Pourtant cette citation créé de toute pièce (il y a une erreur de traduction) dénature la pensé du régime Iranien qui considère Israël comme un état raciste, à l’instar de l’apartheid en Afrique du Sud dans le temps. Egalement, les allégations de fraude à l’élection présidentielle en Iran sont suspectes puisque plusieurs sondages donnait gagnant ahmadinejad. De la à avoir un doute sur la réalité de la menace nucléaire iranienne, le pas est vite franchi.

    Si la folie l’emporte et qu’une guerre était déclenchée contre l’Iran, il ne fait aucun doute que celle-ci dégénéra en conflit mondial. Outre le fait que cette guerre provoquerai une rupture de l’approvisionnement (quelque 16 millions de barils de brut quittent chaque jour la région du Golfe Persique via le détroit d’Ormuz, soit près de 20% de la production mondiale de brut) le contrôle de l’Iran par les Etats-Unis est impensable : Ils contrôleraient ainsi la majeure partie d’une production pétrolière mondiale déclinante ce que la Chine, très dépendante de l’approvisionnement Iranien, ne peut se permettre. Le conflit mondial aurait alors la même cause que la guerre entre le Japon et les Etats-Unis ainsi qu’entre l’Allemagne et la Russie… la nécessiter de garantir l’approvisionnement en pétrole de la machine économique.

    par clemysouris samedi 7 août 2010


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  • Au delà des sanctions, la réalité de la géopolitique de l'énergie

     
     
    Il clair que les sanctions internationales et peut-être plus encore les sanctions unilatérales prises par les Etats-Unis et l'Union européenne porteront un coup de frein à l'expansion du secteur des hydrocarbures iraniens ; nerf névralgique de l'économie du pays.
     
    Cependant, les développements survenus au cours de ce mois de juillet démontrent que malgré le contexte international actuel autour de la question nucléaire, le secteur énergétique iranien séduit encore les puissances étrangères.
     
    Ainsi, ce 26 juillet, l'Iran a inauguré un nouveau gazoduc long de 902 km, reliant Assalouyeh, dans le sud-ouest du pays, à Iranshahr, dans la province du Baloutchistan (sud-est). Ce gazoduc constitue en fait la première partie du projet IPI (Iran-Pakistan-Inde) auquel les Etats-Unis sont férocement opposés en raison du poids géopolitique que sa réalisation procurerait à Téhéran. Ce projet, connu également sous le vocable de "gazoduc pour la paix", devrait permettre d'évacuer le gaz en provenance du gisement de South Pars en direction de l'Asie du sud. Washington a à plusieurs reprises fait pression sur Islamabad et New Delhi pour que ceux-ci abandonnent le projet. Les américains avaient réussi à en éloigner l'Inde pendant un cours laps de temps, notamment grâce à la signature d'un pacte de coopération bilatérale signé en 2008 dans le domaine du nucléaire civil - pacte qui alimentera d'ailleurs les diatribes iraniennes accusant Washington de mener une politique de deux poids deux mesures dans le domaine du nucléaire, l'Inde n'étant pas signataire du TNP à l'inverse de l'Iran.
     
    Or, au cours de ces derniers mois, l'Inde a pourtant à nouveau fait part de son intérêt pour le projet. Le vote de nouvelles sanctions, tant par le CSNU que par le Congrès, a par ailleurs suscités des craintes chez les officiels indiens, lesquels se sont dits préoccupés pour le futur de leur approvisionnement énergétique et pour leur liberté d'investissement dans ce secteur (certaines des nouvelles sanctions présentant un caractère d'extraterritorialité, caractère déjà présent depuis l'adoption de la loi d'Amato en 1996). En raison de l'instabilité persistante en Afghanistan, le projet IPI semble donc à nouveau prendre le dessus sur le projet TAPI (Turkménistan, Afghanistan, Pakistan, Inde) dans les esprits des dirigeants indiens. L'Inde a par ailleurs évoqué la possibilité d'associer le Turkménistan au projet IPI en réalisant un tracé longeant la frontière orientale du territoire iranien et rejoignant le nouveau gazoduc tout juste inauguré. En outre, même si beaucoup s'interrogent à New Delhi sur la pertinence de mettre l'approvisionnement énergétique du pays dans les mains de son plus vieil ennemi (le Pakistan), l'intérêt marqué pour l'Iran n'en a pas disparu puisque la possibilité existe de créer un terminal de GNL dans le port iranien de Chabahar, lequel permettrait d'évacuer le gaz iranien vers le sous-continent indien sans passer par le territoire pakistanais. Enfin, les parties iraniennes et indiennes auraient également évoqué la possibilité de mettre en chantier un gazoduc sous-marin reliant les deux pays au travers de la mer d'Oman.
     
    Le ministre iranien des affaires étrangères a pour sa part évoqué une possible participation de la Russie et de la Chine au projet IPI. Pékin pourrait en effet profiter des infrastructures existantes pour les compléter par un tracé reliant le sud du Pakistan à la province du Xinjiang. La Chine avait déjà imaginé un projet similaire (resté pour l'heure sans suite), dans le secteur pétrolier toutefois : à partir du port pakistanais de Gwadar (port dans lequel elle a considérablement inveti ces dernières années et dans lequel elle dispose de facilités), élément le plus à l'est de son dispositif de collier de perle (ceinture de plusieurs ports entre le Moyen-Orient et Shangaï au sein desquels Pékin dispose de points d'ancrages afin de sécuriser ses importations pétrolières depuis le détroit d'Ormuz jusqu'en mer de Chine, en passant par le détroit de Malacca), Pékin envisageait de construire un terminal pétrolier et un oléoduc jusqu'au Xinjinag, ce qui lui aurait procuré plusieurs avantages :
     
    1. Un gain considérable en distance à parcourir.
    2. Un évitement du détroit de Malacca, zone géopolitique sensible qu'elle ne peut entièrement dominer dans la configuration actuelle du système international.
    3. Un ancrage de son influence au Pakistan, rival de l'Inde, elle-même rivale de la Chine (les ennemis de mes ennemis sont mes amis ...)
    Pour l'heure, même si les éventualités d'un participation russe et chinoise au projet IPI se cantonnent à de simples déclarations unilatérales en provenance de Téhéran, elles n'en témoignent pas moins de l'ambition que l'Iran entend jouer à l'avenir dans le secteur énergétique au sein de l'Eurasie.
     
    Autre fait marquant de ce mois de juillet, la signature entre l'Iran et la Turquie d'un accord prévoyant la construction d'un nouveau gazoduc de 660 km entre les deux pays, ce dernier devant également être approvisionné à partir du gisement de South Pars.
     
    Si ces projets témoignent bien de l'intérêt toujours existant que suscite le secteur énergétique iranien et plus encore, la position d'espace intermédiare du pays entre le Moyen-Orient et l'Asie Centrale, il reste que Téhéran va devoir trouver les crédits nécessaire à l'augmentation de sa production ce qui, sans l'assistance des occidentaux et malgré les discours optimistes des dirigeants de Téhéran, risque de s'avérer relativement complexe. Néanmoins, la signature de ces accords fait les choux gras du régime dans la mesure où ils lui permettent d'arguer que son "isolement international" est essentiellement le fait des occidentaux.

    http://www.chroniques-persanes.com


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  • La rupture des relations Venezuela-Colombie dans le contexte geostratégique mondial

    Après que le président hugo Chavez ait décidé de rompre ses relations avec le gouvernement Colombien à cause de la provocation de ce dernier accusant le Venezuela d’être le refuge des guerilleros des FARC ,"Le gouvernement du Venezuela sollicite de manière urgente ce jeudi le ministère des relations extérieures de l’Equateur pour une réunion du Conseil des ministres des affaires étrangères de l’Union des Nations Sud-américaines (UNASUR) pour dénoncer l’agression dont le Venezuela est l’objet depuis Bogota. " Il s’agit d’un communiqué du Ministre des relations extérieures vénézuélien qui a indiqué s’être mis directement en relation avec le président de l’Equateur, Rafael Correa, pour sa qualité de président "pro tempore" de l’UNASUR.Comment expliquer cette tension entre Venezuela et Colombie dans le contexte géostratégique mondial ?

    Deux poudrières installées par les Etats-Unis : l’Iran et la Corée du nord
    Fidel castro a souligné dans ces récentes interventions l’existence de deux lieux hautement périlleux et à partir desquels pouvait se déclencher un conflit nucléaire, il parlait de l’IRAN où s’était rassemblé une armada composé de 10 navires étasuniens avec porte-avions et d’un navire israélien, bien décidé à inspecter les navires iraniens à partir du 8 août quand le temps prévu par la négociation des sanctions le permettrait. L’autre lieu, est la Corée du Nord. Et effectivement l’actualité, qu’il s’agisse de la rencontre entre Hillary Clinton, Robert Gates et leurs homologues sud-coréen pour établir de nouvelles sanctions contre la Corée du nord, comme de l’arrivée en Corée du Sud d’une autre armada étasunienne autour du porte-avion géant Georges Washington, confirme l’analyse de Fidel Castro. Il est frappant de constater que dans les deux cas nous avons le même scénario, les Etats-Unis ont un allié privilégié dans un cas Israël, dans l’autre la Corée du Sud mais aussi le Japon. Il faut noter que les Etats-Unis se sont employés à élargir leurs alliances en désignant un ennemi commode et vraisemblablement en multipliant les provocations jusqu’à organiser le naufrage de la corvette sud-coréenne ou à utiliser la rivalité chiite sunnite ou en exaspérant les craintes des satrapes arabes contre les peuples mobilisés autour de la Palestine. Dans les deux cas d’autres puissances nucléaires sont concernées, en l’occurrence, la Russie, le Pakistan et la Chine.

    Il est à noter que visiblement les dirigeants chinois font la même analyse, non seulement ils dénoncent les risques que font courir ces manoeuvres bellicistes. Ils sont doublement visés, si la déflagration a lieu dans le détroit d’Ormuz, c’est une grande partie de leur ressources énergétiques dont ils seront privés. Et c’est en ce sens qu’il faut comprendre la décision dont nous avons fait état en reprenant l’information du quotidien du peuple, à savoir la constitution d’énormes réserves pétrolières pour une centaine de jours.

    Il faut également noter d’une manière cursive que toute la stratégie nord-américaine est d’utiliser son énorme puissance militaire, ses sept armées, pour tenir à la fois des alliés qui auraient tendance à s’émanciper comme le japon ou la Turquie et pour contrôler les ressources minérales et énergétiques d’une planète où elles s’épuisent.

    les Etats-Unis détiennent trois leviers de puissance impériale : la puissance économique avec en particulier le dollar et le contrôle des mécanismes financiers. C’est peu dire que cette suprématie est menacée, s’il n’existe pas encore de monnaie concurrente partout se dessine la mise en place d’échanges régionaux en particulier sud-sud en monnaies locales fortes. Le fait que la Chine ait créé sa propre agence de notation est encore un signe comme le fait que le yuan soit désormais une monnaie d’échange régionale ou le rouble, en Amérique latine il existe des prémices avec le sucre.

    Le second levier est le système de propagande qu’ils contrôlent ,90 % des nouvelles dans le monde émanent des Etats-Unis et de l’Europe. cela permet de transformer le monde en scène irréelle où l’on met en évidence et où on cache ce que l’on veut, diabolisant ceux que l’on veut détruire.

    Le troisième levier est la formidable puissance militaire, à eux seuls les Etats-Unis possèdent plus d’armes que tous les autres pays réunis, et si l’on ajoute des alliés comme la Grande Bretagne et la France qui détiennent le deuxième et troisième place c’est un formidable arsenal. Oui mais celui-ci est incapable de faire face à la révolte des peuples, les insurrections populaires les tiennent en échec. En outre ces formidables armées ont un besoin énorme d’énergie, de pétrole en particulier.

    Pourquoi le Venezuela ?

    Comme l’a souligné Fidel Castro, l’Amérique latine ne présente pas d’intérêt stratégique mondial seulement pour les Etats-Unis, mais cet intérêt est important puisqu’il s’agit des ressources indispensables pour mener leur guerre totale sur le reste du monde.Et c’est en ce sens que le Venezuela est particulièrement visé.

    La Colombie et le Costa Rica sont les deux lieux essentiels à l’agression qui menace le Venezuela, un des pays ayant les plus fortes réserves en pétrole et autres richesses minérales. En effet à quelques encablures du Venezuela, le Costa Rica, un pays qui officiellement n’a pas d’armée est devenu une base avec là encore une formidable armada étasunienne en train de s’installer. Je signale pour mémoire que le Panama qui contrôle le passage vers le pacifique est en train de connaître des événements sanglants, une révolte populaire et une répression féroce.

    Mais c’est la Colombie où les Etats-Unis règnent en maître avec leur base. le casus belli est recherché pour déclencher l’agression.Le 30 octobre 2009, Bogota a signé un accord avec les Etats-Unis dans un acte encore tenu privé dans lequel il a offert sept bases militaires en territoire colombien "renouvelables" durant dix ans, qui sont censés combattre le narco trafic dans la région.La base aérienne de palanquero dans le centre de la Colombie permettra d’installer l’armée américaine qui y jouira de toutes facilités et d’une immunité totale y compris pour mener des actions au Venezuela.

    Il faudrait encore souligner ce que représente le trafic de drogue pour les Etats-Unis. Comme le soulignait récemment Ali Rodriguez le ministre vénézuélien de l’énergie, pour qu’il y ait drogue, il faut un marché et le marché de la demande se situe bien aux Etats-unis et en Europe. Partout où va l’armée américaine, la drogue se développe, c’est le cas avec la base de Manta au Kirghistan qui est devenu le centre préoccupant de tous les trafics et de ce qui est désormais le pire des fléaux pour la Russie, pour l’Iran mais aussi contre lequel lutte la Chine. Il n’y a pas de hasard, les marionnettes installées par les Etats-Unis sont toujours liés au trafic de drogue, c’est vrai en Asie centrale ça l’est autant en Colombie et en Amérique latine.

    Partout une oligarchie compradore, c’est-à-dire qui livre le pays aux Etats-Unis pour conserver son pouvoir sur un peuple réduit en esclavage dans les campagnes, a la même vocation au trafic et entretient une armée de mercenaires très liée à ce trafic et totalement imbriquée dans l’armée régulière elle-même soumise au Etats-Unis. Uribe, le président encore pour quelques semaines en place en Colombie est bien connu pour ses liens étroits avec ce milieu, c’est un provocateur qui n’a pas craint de violer l’espace de l’Equateur (le futur président Santos étant le maître d’oeuvre de l’opération).

    Donc c’est dans un tel contexte qui est à la fois celui de l’urgence pour les Etats-Unis si l’opération totale qu’ils préparent et que dénonce Fidel Castro est déjà programmée , comme il le dit, sur les ordinateurs du pentagone, et dans celui plus particulier de l’Amérique latine où tous les coups sont dirigés vers le Venezuela qu’il faut apprécier les tensions.

    Il est à noter que le Venezuela comme à sa manière la Chine ont choisi de réclamer une réponse régionale à cette tentative préoccupante d’allumer partout le feu nucléaire et la guerre totale.

    je n’ai pas parlé de l’Europe, nous sommes aux premières loges, nous sommes totalement liés à cette stratégie pleine de périls,ne serait-ce que parce que nous sommes complètement intégré aux Etats-Unis par le biais de l’OTAN et que l’Europe n’a plus de politique étrangère différente de celle des Etats-Unis, même si la Russie tente de la solliciter pour qu’elle se différencie. La Russie elle-même qui est menacée par les installations de missiles en Pologne autant que par l’agitation entretenue par les occidentaux dans le Caucase et par les effets de l’intervention en Afghanistan tente elle aussi de dégager une stratégie mais elle est elle-même prise dans ses propres contradictions face à une population qui se rebelle et dans laquelle les communistes qui poussent à une politique indépendante se renforcent.

    Danielle Bleitrach

    par danielle bleitrach vendredi 23 juillet 2010


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  • Géopolitique de l’Afghanistan, par Aymeric Chauprade

    par Taïké Eilée (son site) samedi 17 juillet 2010 -

    Le géopoliticien Aymeric Chauprade nous livre un exposé magistral sur la situation afghane. Il sera divisé en quatre volets. Voici le premier, consacré à l’héritage géopolitique de l’Afghanistan. Publié le 13 juillet sur realpolitik.tv.
     
    De la création de l’Etat afghan en 1747 au bourbier actuel, Chauprade retrace l’histoire d’un territoire à l’unité jamais réalisée, dominé par l’ethnie pachtoune, et qui n’a cessé d’attiser la convoitise des grandes puissances.
     
    Au XIXe siècle, il est le théâtre de l’affrontement entre l’empire russe et l’empire britannique. En 1919, l’Afghanistan acquiert son indépendance. A partir de 1945, le pays devient un enjeu stratégique majeur en raison de sa frontière avec l’URSS. Durant la Guerre froide, l’Afghanistan est soumis à la pression des deux piliers régionaux du système américain, l’Iran et le Pakistan, ainsi qu’à celle de l’Union soviétique, toujours plus influente.
     
    En décembre 1979, l’URSS lance une armée de 500.000 hommes en Afghanistan, provoquée par l’action de Zbigniew Brzeziński ; le stratège américain avait, un an plus tôt, lancé l’opération "Cyclone", une opération de la CIA qui avait pour but de déstabiliser l’URSS en propageant dans ses républiques soviétiques musulmanes des militants islamistes radicaux.
     
    Les Etats-Unis avaient à l’époque conçu une politique de double endiguement de l’URSS et de l’Iran chiite islamique par le soutien d’un islam sunnite fondamentaliste, en s’appuyant sur deux pays clés : l’Arabie saoudite, pour le monde arabe, le Pakistan, pour l’Asie centrale.
     
    Avec l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan en 1981, la relation entre les Etats-Unis et le Pakistan s’intensifie. Avec l’aide de la CIA, l’ISI, les services secrets pakistanais, deviennent très puissants. L’ISI devient, dans les zones tribales, le sous-traitant des opérations conçues par la CIA. Et l’héroïne devient le principal moyen de financement de la guérilla afghane pilotée par l’ISI.
     
    En 1989, l’armée soviétique évacue l’Afghanistan et le régime communiste se maintient jusqu’en 1992. L’histoire recommence alors, avec la formation d’une coalition anti pachtoune, regroupant d’autres ethnies afghanes, et qui prennent un temps la direction politique du pays.
     
    En 1994, les taliban font leur entrée sur la scène afghane. Ils sont appuyés par la mafia des transports routiers, l’ISI, et les grands groupes pétroliers : l’américain Unocal et le saoudien Delta Oil, qui veulent désenclaver le pétrole et le gaz turkmènes par l’Afghanistan puis le Pakistan.
     
    Sous le mandat de Bill Clinton, la compagnie Unocal, associée à des intérêts saoudiens, projette de construire un gazoduc qui transportera le gaz turkmène à travers l’Afghanistan, puis le Pakistan, jusqu’à l’océan indien. Mais les seigneurs de guerre, issus de différentes ethnies, et qui contrôlent chacun une portion de territoire, font du chantage. Ils exigent une taxe sur le transit, sinon le gaz ne passera pas.
     
    Unocal décide alors, avec l’appui de la CIA et de l’ISI, de soutenir une solution politique qui dépasse les clivages communautaires, celle des fondamentalistes les plus radicaux. Les taliban arrivent ainsi au pouvoir en 1997. Mais après un an de coopération, en décembre 1998, Unocal et les taliban ne s’entendent plus et le projet de gazoduc s’arrête. L’alliance entre Oussama Ben Laden et le Mollah Omar semble devenue incontrôlable, et les Chinois entrent aussi dans le jeu afghan.
     
    Mais en 2001, tout redevient possible pour les Américains. Le 9 septembre, le seul chef de guerre incontrôlable pour l’Occident, Massoud, meurt assassiné. Le 11 septembre, les Tours Jumelles s’effondrent à New York et les Américains peuvent alors défaire ce qu’ils avaient fait : les taliban et leur allié Ben Laden. L’opération "Liberté immuable" lancée le 7 octobre permet de créer une coalition autour des Etats-Unis. En cinq semaines, les taliban sont balayés.
     
    Le 11 août 2003, l’OTAN prend le commandement de la Force Internationale d’Assistance et de Sécurité qui comprend 37 pays contributeurs. Depuis cette date, l’OTAN n’a jamais véritablement réussi à maîtriser la situation du pays. La question qui se pose est : pourquoi ?
     
    On attend avec impatience les trois prochains volets de cet exposé d’Aymeric Chauprade, qui permettront de répondre à cette question...

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  • Des navires US et des sous-marins  israéliens dans le Golfe Persique

    par Manlio Dinucci pour Il Manifesto

    Le passage d’une armada états-uno-israélienne par le Canal de Suez ne doit pas s’interpréter tant comme un signal contre l’Iran que comme une menace directe contre le Pakistan. Il intervient certes, après le vote de sanctions contre l’Iran au Conseil de sécurité, mais répond avant tout à l’accord gazier signé entre Téhéran et Islamabad.

    Israël déploie des sous-marins armés de missiles nucléaires au large des côtes iraniennes : c’est ce que titrait le 22 juin le journal israélien Haaretz, en rapportant une enquête du britannique Sunday Times. Selon ce qu’a déclaré un officier israélien, un des quatre sous-marins Dolphin, fournis par l’Allemagne, se trouve déjà dans le Golfe et, avec ses missiles de croisière à tête nucléaire (portée 1 500 kms), il peut atteindre n’importe quel objectif en Iran. A la fin de la semaine dernière, une imposante escadre navale, composée de plus de 12 bateaux de guerre états-uniens et d’au moins une unité lance-missiles israélienne, avait traversé le Canal de Suez, en se dirigeant elle aussi vers le Golfe Persique : ceci afin d’augmenter la pression militaire contre l’Iran. La raison n’est pas seulement celle, déclarée ici, d’empêcher Téhéran de pouvoir un jour se doter d’armes nucléaires.

    Il y en a une autre plus pressante : aux débuts de la semaine dernière, Téhéran a signé avec Islamabad l’accord d’une valeur de 7 milliards de dollars, qui lance la construction d’un gazoduc allant de l’Iran au Pakistan. Un projet qui remonte à 17 ans, jusqu’ici bloqué par les Etats-Unis. Malgré cela, l’Iran a déjà réalisé 900 des 1 500 kms de gazoduc, du gisement de South Pars jusqu’à la frontière avec le Pakistan, qui en construira 700 autres. C’est un couloir énergétique qui, à partir de 2014, ferait arriver chaque jour au Pakistan depuis l’Iran, 22 millions de mètres cube de gaz. Le projet initial prévoyait qu’une branche du gazoduc arrivât en Inde ; mais New Delhi s’est retirée du projet par crainte que le Pakistan ne puisse bloquer l’approvisionnement.

    La Chine est par contre disponible pour l’importation du gaz iranien : la China Petroleum Corporation a signé avec l’Iran un accord de 5 milliards de dollars pour le développement du gisement de South Pars, en prenant la place du français Total à qui Téhéran n’a pas renouvelé son contrat (tandis que l’italien Eni – Ente nazionale idrocarburi, NdT- continue à opérer dans les gisements de South Pars et de Darquain). Pour l’Iran c’est donc un projet d’importance stratégique : le pays possède les plus grandes réserves de gaz naturel après celles de la Russie, et elles sont en grande partie encore à exploiter ; à travers le couloir énergétique vers l’est, l’Iran peut défier les sanctions voulues par les Etats-Unis. Il a cependant un point faible : son plus gros gisement, celui de South Pars, est offshore, situé dans le Golfe Persique. Il est donc exposé à un blocus naval, comme celui que les Etats-Unis peuvent exercer en s’appuyant sur les sanctions décidées au Conseil de sécurité de l’ONU.

    A Washington, le torchon brûle du fait que le Pakistan, son allié, a signé l’accord avec l’Iran quelques jours à peine après les sanctions décidées par le Conseil de sécurité. D’où le mouvement militaire, en accord avec les alliés européens, et en particulier avec la France. La porte-avions Truman, qui commande le groupe naval en direction du Golfe Persique, a d’abord fait escale à Marseille, en effectuant une manœuvre en Méditerranée entre le 4 et le 7 juin : avec ses 80 avions d’attaque, une manœuvre d’interopérabilité avec l’aviation embarquée à bord du porte-avions français Charles De Gaulle. Et tandis qu’il était en route vers Suez, le Truman a reçu le 14 juin la visite du ministre de la Défense allemand, accompagné du chef d’état major de la marine.

    Le moment le plus exaltant a eu lieu le 13 juin quand, dans la chapelle du porte-avions Truman, un prêtre catholique français et un rabbin juif ont officié ensemble une cérémonie religieuse permettant « aux deux nations alliées de s’unir au niveau spirituel ».

    Traduction : Marie-Ange Patrizio

    Source : Réseau Voltaire


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  • Le nouveau « Grand Jeu » en Asie Centrale

    par François Danjou

    L’ancienne Asie Centrale Soviétique, dont quatre pays sont devenus en 2001 membres de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), sous le patronage de Moscou et de Pékin, est une zone riche en hydrocarbures et en ressources minières. Elle reste politiquement instable, alors que s’y disputent les influences de la Chine, de la Russie et des Etats-Unis.


    Pour la Chine comme pour la Russie, l’Asie Centrale est non seulement un réservoir de ressources, mais également un glacis stratégique, progressivement devenu le cœur d’un nouveau système d’alliance, sur lequel Pékin et Moscou se sont à l’occasion appuyés pour dénoncer l’entrisme politique et militaire des Etats-Unis et de l’OTAN dans la région, après la chute du mur de Berlin.

    Mais les récents événements au Kirghizstan jettent une lumière crue sur la complexité des situations et la somme des intentions cachées. Alors que, pour des raisons diverses, parfois opposées, Moscou, Pékin et Washington se seraient bien accommodés de la stabilité garantie par un régime radicalement anti-démocratique, l’irruption brutale des revendications populaires, rappelle aux sponsors de l’Asie Centrale les risques d’une déstabilisation en cascade de la région, sur fond de menace intégriste.

    Freiner l’entrisme des Etats-Unis et de l’OTAN

    En 1996 le « Groupe de Shanghai », devenu l’OCS en 2001, n’était qu’un modeste forum de négociations pour la résolution des différends frontaliers. Sous l’influence chinoise et russe, l’Organisation a peu à peu affirmé de plus vastes ambitions, d’abord économiques, puis stratégiques.

    Aujourd’hui, les 6 états membres de l’Organisation, qui accueille également le Pakistan, l’Inde, l’Iran, et la Mongolie avec un statut d’observateurs, organisent des manœuvres militaires communes pour combattre les trois fléaux identifiés par la rhétorique sécuritaire chinoise que sont « le terrorisme, l’extrémisme et le séparatisme ». De fait, la région, qui elle-même abrite des mouvements religieux radicaux, jouxte des zones troublées et instables du Caucase aux marches de la Russie et du Xinjiang chinois, théâtre d’affrontements ethniques récurrents entres Han et populations turcophones, en majorité musulmanes.

    En 2005, l’OCS, inquiète de l’épidémie de « regime change » aux marches de l’ancienne URSS, avait adopté une position commune, dénonçant les bases américaines de la région et exigé que Washington fixe un calendrier de retrait. La manœuvre avait en partie réussi, puisqu’en 2005 Moscou et Pékin avaient persuadé le président Ouzbek Karimov d’exiger des Américains, avec qui il était en froid après la répression d’Andijan le 13 mai 2005, qu’ils ferment la base de Karchi Khanabad. Mais en réalité, au-delà des connivences officielles, la compétition politique et économique était déjà rude entre les deux parrains de l’OCS.

    A la rivalité sino-russe s’ajoute la « rébellion » du Turkménistan, qui n’a jamais accepté de rejoindre l’OCS et s’est, à l’occasion, fâché avec Moscou, déroulant, en revanche, « le tapis rouge » à Petrochina. En même temps, la volte face du Kirghizstan, perçue à Moscou comme une trahison, confirmait les frictions au sein de l’Organisation. En juin 2009, le président kirghize, Kourmanbek Bakiyev, aujourd’hui en fuite, avait en effet cédé aux sirènes financières américaines et résisté aux pressions de Moscou et Pékin qui espéraient également l’évacuation de la base de Manas au Kirghizstan.

    Le « Grand Jeu » chinois

    Fidèle à ses stratégies habituelles, basées sur des prêts bancaires préférentiels et sur la construction d’infrastructures (routes, chemins de fer, barrages, centrales électriques) en échange des droits d’exploitation des ressources minières et énergétiques, la Chine a vite affirmé son influence économique. L’activité chinoise en Asie Centrale, liée à ses approvisionnements en énergie et en ressources se matérialise d’abord par un réseau de gazoducs et d’oléoducs directement reliés à la Chine et construits en coopération avec Petrochina.

    la géopolitique des tubes d'Asie Centrale : le « Grand jeu » autour du pétrole et du gaz

    source de la carte : Le Monde Diplomatique (Philippe Rekacewicz — juin 2007)

    C’est le Kazakhstan qui a inauguré le réseau par un oléoduc construit en 2006 ; depuis décembre 2009, la première phase (7000 km) d’un gazoduc vers la Chine, par l’Ouzbékistan et le Kazakhstan, est opérationnelle depuis le Turkménistan, ancienne chasse gardée de la Russie, mais où Pékin est devenu le premier investisseur étranger. Une fois terminé (2010), le projet transportera chaque année 30 milliards de mètres cubes de gaz vers la Chine. Un autre est en projet à partir du Kazakhstan occidental, à la capacité annuelle de 12 milliards de mètres cubes.

    carte des oléoducs Kazakhstan-Chine

    La quête d’énergie se traduit aussi par les investissements directs dans l’exploration et l’exploitation. En 2009, le fonds souverain chinois a investi 1 milliard de $ dans l’exploration d’un gisement de gaz kazakh, qui confère à la Chine 14% des parts dans l’exploitation. Au Turkménistan, Petrochina (ou CNPC) a signé un accord d’exploration et d’exploitation du gisement de Bagyyarlik dans l’Est du pays (potentiel estimé 1700 milliards de mètre cubes).

    Le n°1 pétrolier chinois, à la tête d’un consortium international qui regroupe deux compagnies coréennes (LG International et Hyundai) et deux sociétés d’hydrocarbures des Emirats, est également en passe de remporter les droits d’exploration et d’exploitation du gisement de gaz d’Iolathan, financé par la Banque de Chine à hauteur de 9,7 milliards de $. Ce succès a été obtenu après que la Banque de Chine ait, en Juin 2009, accordé à Achkhabad un prêt préférentiel de 3 milliards de $ qui aida à compenser les pertes dues à la rupture de ses livraisons à la Russie, d’avril à décembre 2009. Enfin, des discussions sont en cours pour que la Chine développe aussi un gisement de gaz en Afghanistan, non loin de la frontière turkmène.

    La China National Nuclear Corporation et la Guangdong Nuclear Power Corporation sont impliquées avec d’autres, dont l’Australie (Monaro Mining au Kirghizstan), pour l’achat ou la recherche d’uranium au Kazakhstan, en Ouzbékistan, au Kirghizstan et au Tadjikistan. Dans les monts Pamir, les compagnies minières chinoises explorent ou exploitent des gisements de métaux rares (cuivre, or, tungstène, mica, diamants).

    A côté de ces activités d’extraction des ressources d’Asie Centrale acheminées vers la Chine, Pékin s’implique également dans la construction de centrales hydrauliques (Tadjikistan) et dans la rénovation des lignes à haute tension (Kirghizstan, Tadjikistan, Ouzbékistan). En échange de droits d’exploitation concédés aux sociétés d’hydrocarbures et aux compagnies minières nationales, les entreprises chinois construisent des routes (Kirghizstan, Tadjikistan) et des voies ferrées, dont une vingtaine au Kazakhstan, où 8 d’entre elles seront directement consacrées au transport du gaz liquide vers la Chine.

    Dans le domaine politique en revanche, Pékin peine à faire jeu égal avec Moscou, qui s’inquiète des succès économiques de la Chine, mais bénéficie des rémanences linguistiques, culturelles et politiques de l’ancienne URSS.

    La puissance russe

    Dans cette compétition pour les ressources, la Russie s’applique à ne pas se laisser déborder par la Chine, le seul concurrent capable de contester sa suprématie. Celle-ci se manifeste d’ailleurs clairement par la densité du réseau d’oléoducs dirigés vers la Russie et vers l’Ouest. Son action, omniprésente dans tous les secteurs convoités par les sociétés chinoises (pétrole, gaz, métaux rares, uranium), vise à être partie prenante des exportations des ressources d’Asie Centrale vers l’Est par le biais de ses anciennes connections et la puissance de ses grands conglomérats d’hydrocarbures.

    Ces derniers, principaux fournisseurs des pays d’Europe de l’Ouest, présents dans toute l’Asie Centrale, principalement autour de la Caspienne, constituent la force de frappe la plus efficace de Moscou contre la dimension des projets chinois. Par leurs investissements directs et leurs connections politiques rémanentes, Gazprom, Rosneft et Lukoil contrôlent en effet de facto une part importante des exploitations et des sorties d’hydrocarbures de la région, ce qui oblige la Chine et Petrochina à négocier avec eux. C’est, par exemple, la société russe Stroytransgaz qui construit le gazoduc turkmène vers la Chine, financé par Petrochina.

    Surtout Moscou est, bien plus que Pékin, en mesure de peser politiquement dans les conflits de frontières, l’imbroglio des accords douaniers, les querelles pour la gestion de l’eau et la répartition des ressources, notamment autour de la Caspienne. Dans ce contexte politique moins favorable pour Pékin, encore aggravé par l’existence d’accords de sécurité réactivés par la Russie, en dehors de l’OCS, la Chine, qui avance, à coups d’investissements massifs, ses pions économiques sur le trajet de l’ancestrale route de la soie, mesure la puissance rémanente de Moscou.

    En 2006, L’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC), mise sur pied par la Russie et qui comprenait déjà la Biélorussie, l’Arménie, le Kazakhstan, le Kirghizstan et le Tadjikistan, avait accueilli l’Ouzbékistan, regroupant, hors de l’influence chinoise et dans le giron russe, la totalité des membres de l’OCS appartenant à l’ancienne Asie Centrale soviétique.

    Le coup de semonce kirghize et les intentions cachées

    Lors de la récente crise au Kirghizstan, c’est Moscou qui, avec Astana et Washington, ont mené le jeu, tandis que Pékin est resté sur la touche. Et pourtant, la situation dans ce petit pays limitrophe d’à peine 5 millions d’habitants, ayant une frontière commune avec la Chine de plus de 1000 km, est d’un considérable intérêt stratégique pour Pékin.

    En plus des ressources pétrolières exploitées par Petrochina et des voies ferrées construites par les compagnies chinoises, sur fond de relations économiques en croissance rapide (10 milliards de $ d’échange en 2009, contre à peine plus de 350 millions en 1992), le pays abrite une communauté de Chinois évaluée à plus de 100 000 âmes, dont une proportion importante de Ouïghours, sur laquelle la Chine a tout intérêt à garder un œil attentif.

    En ces temps troublés de soubresauts ethniques au Xinjiang, Pékin redoute une déstabilisation de son Grand Ouest, fomentée par des activistes islamistes, en cheville avec l’Afghanistan, dont l’Asie Centrale ne manque pas. Selon le site Eurasia.net, la situation est encore compliquée par les ressentiments d’une partie de la population kirghize contre la trop grande dépendance du pays à l’égard de la Chine.

    Mais il y a pire. Les événements violents survenus début avril au Kirghizstan – 85 morts, éviction brutale du Président Bakiyev, aujourd’hui réfugié à Minsk – et déclenchés contre l’incurie d’une élite politique corrompue, coupée de sa population et tentée par l’autoritarisme brutal pour rester au pouvoir, recèlent un important potentiel de contagion vers les autres pays d’Asie Centrale, tous affligés des mêmes travers, porteurs à terme de révoltes et d’instabilité.

    Pour la Chine et la Russie qui avaient jusqu’à présent fondé leur stratégie sur le soutien des régimes en place, dans le triple but d’exploiter les ressources de la région, de faire pièce à Washington et de contenir la menace islamique latente, la propagation de l’instabilité en Asie Centrale, pouvant nourrir une résurgence de l’Islam radical, serait une catastrophe lourde de menaces. Pour les Etats-Unis aussi. Depuis l’élection d’Obama, en effet, préoccupés de préserver les lignes de communication en Asie Centrale de leur corps expéditionnaire en Afghanistan, Washington fermait en effet les yeux sur les dérives autocratiques dans la zone.

    Moscou a peut-être pris la mesure des risques, puisque, peu après les événements de Bichkek, le Président Medvedev déclarait : « si le peuple n’est pas satisfait de ses dirigeants et si ces derniers ne font pas d’efforts pour résoudre les problèmes les plus graves, ce type de situation pourrait se répéter dans n’importe quel pays où les autorités se sont coupées du peuple » (cité par Asia Times du 20 avril 2010).

    La déclaration, qui semble se réaligner sur les principes de « bonne gouvernance », ne peut manquer d’inquiéter Pékin, dont la position de principe est de ne pas intervenir dans les affaires intérieures des Etats et de privilégier les bonnes relations et les affaires, quels que soient les régimes.

    Il est vrai que la dénonciation par le Kremlin des risques politiques induits par les dérives autocratiques confirme que la Russie craint une déstabilisation de la zone qui ferait le lit d’une radicalisation islamique. Rien ne dit en revanche qu’elle milite sincèrement pour la propagation de la « bonne gouvernance ». Ce qui est en revanche certain est que le but à moyen terme de Moscou, toujours convaincu que la coalition échouera en Afghanistan, reste l’évacuation par les Américains de la base de Manas.

    A Pékin, le Bureau Politique, perplexe, pris de court par l’éviction de Bakiyev, et inquiet de l’attitude russe qui s’est rapprochée de Washington, a convoqué une réunion spéciale sur le Xinjiang voisin. A cette occasion, il a décidé une augmentation substantielle des investissements dans l’ancien Turkestan oriental et procédé à la relève de Wang Lequan, le n°1 politique de la province. Celle-ci, déjà sous haute surveillance militaire, est devenue une des grandes priorités de sécurité du Régime.

    Quant aux Etats-Unis, ils sont un peu dans la même situation que la Chine, mais pour d’autres raisons. Eux aussi sont pris au dépourvu, alors que leur préoccupation majeure n’était pour l’instant pas la situation politique au Kirghizstan, mais le maintien coûte que coûte de la base de Manas, indispensable poumon logistique de leur intervention en Afghanistan. Mais les premières réactions de la Maison Blanche – le bruit court de la relève imminente de l’Ambassadeur à Bichkek -, indiquent qu’ils réajusteront leur politique, ce qui, dans un contexte où la position de Moscou devient ambigüe, ne facilitera pas le jeu de Pékin.


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  • Le Kirghizistan, un pivot géopolitique

    Les grandes puissances rivales, Washington, Moscou, Beijing, et la géopolitique de l'Asie centrale


     

    Source: US Central Intelligence Agency
     

    Carte de l’Asie centrale (avec le Kirghizistan à droite en vert) Un pivot géographique

    Aujourd’hui, le Kirghizistan occupe une place de pivot géographique. Ce pays enclavé partage une frontière avec la province chinoise du Xinjiang, un lieu hautement stratégique pour Pékin. Se plaçant parmi les plus petits pays d’Asie Centrale, il est aussi frontalier, au nord de son territoire, avec le Kazakhstan et ses ressources pétrolifères ; à l’est, il est bordé par l’Ouzbékistan et au sud, par le Tadjikistan. Plus encore, la vallée de Ferghana, à la situation politique explosive en raison de ses importantes richesses naturelles, se trouve sur une partie du Kirghizistan ; cette zone multiethnique coutumière de frictions politiques s’étend aussi sur les territoires de l’Ouzbékistan et du Tadjikistan.

    Le Kirghizistan est un pays de hautes montagnes : les chaînes de montagnes du Tian Shan et du Pamir occupent 65 % de son territoire. Environ 90 % du pays s’élève à plus de 1500 mètres d’altitude.

    En termes de ressources naturelles, hormis l’agriculture qui représente un tiers de son PIB, le Kirghizistan possède de l’or, de l’uranium, du charbon et du pétrole. En 1997, la mine d’or de Kumtor a démarré l’exploitation de l’un des plus grands gisements aurifères du monde.

    Jusqu’à une date récente, l’agence nationale Kyrgyzaltyn possédait toutes les mines et administrait la plupart d’entre elles en joint-venture en association avec des compagnies étrangères. La mine d’or de Kumtor, près de la frontière chinoise, est détenue dans sa globalité par la société canadienne Centerra Gold Inc. Jusqu’à l’éviction de Bakiev, son fils Maxim, à la tête du fonds pour le Développement, dirigeait Kyrgyzaltyn, agence qui est également le plus gros actionnaire de Centerra Gold, aujourd’hui propriétaire de la mine d’or de Kumtor.

    Il est tout à fait révélateur que Centerra Gold, basé à Toronto, ait déjà annoncé le « remplacement » de Maxim Bakiev en tant que chef de Kyrgyzaltyn, par Aleksei Eliseev, directeur-adjoint de l’Agence nationale kirghize pour le Développement, au sein de l’équipe dirigeante de Centerra, peut-être sous l’impulsion du Département d’Etat des Etats-Unis et sans que les électeurs kirghizes ne l’y élisent [10].

    Le Kirghizistan possède également d’importantes ressources d’uranium et d’antimoine. Il bénéficie en outre de considérables réserves de charbon estimées à 2,5 milliards de tonnes, essentiellement situées dans le gisement de Kara-Keche, au nord du pays.

    Pourtant, plus cruciale encore que les richesses minières, reste la principale base de l’US Air Force à Manas, ouverte dans les trois mois suivant le lancement de la « guerre globale contre le terrorisme » en septembre 2001. Peu après, la Russie installait sa propre base militaire non loin de Manas. Aujourd’hui, le Kirghizistan est le seul pays à accueillir à la fois des bases militaires états-unienne et russe, un état de fait peu confortable au bas mot.

    En somme, le Kirghizistan, positionné au centre du territoire le plus stratégique au monde, l’Asie Centrale, fait figure de trophée géopolitique très convoité.


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  • Les élites de Washington sont extrêmement préoccupées par les nouveaux blocs contre-hégémoniques

    par Salvador López Arnal pour Rebelión

    Entretien de Salvador López Arnal avec Pepe Escobar sur l’Iran, Clinton la dominatrix et l’accord de la Turquie et le Brésil.

    Dans un article récent publié dans Asia Times Online[1], traduit par Sinfo Fernández pour Rebelión, vous parliez de la dominatrix. Permettez-moi de vous féliciter pour votre trouvaille terminologique. Pourquoi pensez-vous que ce terme convient si bien à la Secrétaire d’État états-unienne ? Dans l’ère Obama les méthodes de la politique extérieure des États-Unis ne se sont-elles pas améliorées ?

    Hillary est une dominatrix au sens où, au lieu d’admettre l’échec de sa diplomatie, elle est capable de soumettre à ses fins l’ensemble du Conseil de Sécurité de l’ONU. Elle a peut-être appris cela de Bill… Ou peut-être seraient-ils tous des masochistes.

    Non, ce n’est pas le cas. La raison principale est que la Chine et la Russie se sont laissées “dominer”. Elles sont arrivées à la conclusion qu’il serait mieux de permettre à la bruyante Hillary de dominer la scène pendant quelques jours et œuvrer en silence afin d’atteindre leur objectif : des sanctions du plus léger des parfums sur Téhéran.

    En ce qui concerne l’Iran, les États-Unis sont aveugles, ils voient tout en rouge. On peut dire la même chose d’Israël, ils voient tout en blanc céleste.

    Le noyau central de votre récent article — “Iran, Sun Tzu et la dominatrix”[2] — est l’accord entre les diplomaties du Brésil et de la Turquie et l’Iran sur l’affaire du développement nucléaire de ce dernier. En quoi cet accord a-t-il consisté ?

    Pour l’essentiel c’est le même accord que celui proposé par les États-Unis en octobre 2009. La différence vient de ce que selon la proposition de 2009 l’enrichissement d’uranium s’effectuerait en France et en Russie alors que dans ce nouvel accord il aura lieu en Turquie.

    La principale différence réside dans la méthode. La Turquie et le Brésil ont agi avec diplomatie, sans confrontation, en respectant les arguments iraniens. Un autre détail fondamental : tout ce qu’ils ont accompli avait déjà été discuté à Washington. Mais lorsqu’ils ont présenté un résultat concret, lorsqu’ils sont parvenus à un accord avec l’Iran, permettez-moi une métaphore guerrière, Washington leur a tiré une balle dans les côtes.

    N’est ce pas une nouveauté en diplomatie internationale si le Brésil et la Turquie, deux pays qui ne s’opposent pas aux États-Unis, jouent leurs propres cartes dans cette affaire ? Pourquoi ont-ils misé sur cette stratégie autonome ? Qu’est-ce qu’ils gagnent avec cela ? L’Iran n’est-il pas éloigné, très éloigné du Brésil ?

    Chaque pays a ses propres motivations pour accroître son rôle géopolitique. La Turquie veut se projeter comme un acteur de premier plan, qui compte vraiment au Moyen-Orient. Elle poursuit une politique disons, post-ottomane, élaborée par le Ministre des Affaires Étrangères, le professeur Ahmet Davutoglu.

    Le Brésil, grâce à une politique très intelligente de la part de Lula et de son Ministre Celso Amorim, veut également se positionner comme un médiateur crédible au Moyen-Orient. Le Brésil fait partie des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), groupe qui à mon avis constitue le véritable contrepouvoir actuel face à l’hégémonie unilatérale des États-Unis. La Turquie, dont l’adhésion a été formellement discutée à Brasilia il y a environ deux semaines, en ferait partie et le groupe serait alors nommé BRICT. Voilà la nouvelle réalité en géopolitique globale. Et à Washington, les élites de toujours en sont sans doute livides.

    Comme vous le remarquiez, il semble que l’accord n’ait pas suscité d’enthousiasme auprès du Secrétariat d’État états-unien ni des gouvernements européens. Pourquoi donc ? Désirent-ils faire échouer la voie diplomatique afin de poursuivre avec leurs sanctions et nous conduire à un scénario de guerre ? Si tel est le cas, qu’y gagneraient-ils ? N’y aurait-il pas beaucoup trop de fronts ouverts en même temps ?

    Du point de vue de la politique interne des États-Unis, Washington n’est intéressé que par le changement de régime. Il y a au moins trois tendances en lice. Les « réalistes » et la gauche du Parti Démocrate, qui sont pour le dialogue, une partie du Pentagone et les services de renseignements, qui veulent au minimum des sanctions, et les républicains, néo-cons, le lobby d’Israël et la section Full Spectrum Dominance [Spectre de Domination Totale] du Pentagone voulant à tout prix un changement de régime, y compris par la voie militaire si cela s’avérait nécessaire.

    Les gouvernements européens suivent Bush ou Obama comme des toutous. Ils ne sont d’aucune aide. Des voix raisonnables s’élèvent dans certaines capitales européennes et à Bruxelles. Elles savent que l’Europe a besoin du pétrole et du gaz iranien afin de ne pas être prise en otage par Gazprom. Mais elles sont minoritaires.

    Outre ses déclarations, croyez-vous que le Gouvernement iranien aspire à posséder de l’armement nucléaire ? Afin de se faire respecter ? Afin de faire plier Israël ? Pour l’attaquer ? Le Pakistan nucléaire, l’Inde nucléaire, Israël nucléaire, l’Iran nucléaire. Toute cette région ne constituerait-elle pas une véritable poudrière ?

    Je me suis rendu à plusieurs reprises en Iran et je suis convaincu que le régime iranien peut irriter mais ce n’est pas un système politique suicidaire. Le Guide Suprême a annoncé une fatwa à plusieurs occasions en affirmant que l’arme nucléaire est « non islamique« . Bien sûr, les Gardes Révolutionnaires supervisent le programme nucléaire iranien mais ils sont parfaitement conscients du sérieux des inspections et du contrôle de l’AIEA, l’Agence internationale de l’énergie atomique. S’ils décidaient de fabriquer une bombe atomique rudimentaire, ils seraient immédiatement démasqués et dénoncés.

    En fait, l’Iran n’a nul besoin d’une bombe atomique comme moyen de dissuasion. Un arsenal militaire high-tech, de plus en plus de haute technologie, lui suffit. La seule solution juste consisterait en une dénucléarisation totale du Moyen-Orient, ce que bien sûr Israël, avec au moins deux cents ogives nucléaires, n’acceptera pas et ne respecterait jamais.

    Quel rôle joue la Russie dans cette situation ? Vous rappeliez que la centrale nucléaire de Bushehr a été construite par la Russie et que l’on est en train d’effectuer les dernières vérifications avant son inauguration qui aura probablement lieu cet été.

    Après que l’on ait repoussé maintes fois l’inauguration de Bushehr, elle devrait avoir lieu en août. Pour la Russie, l’Iran constitue un client privilégié en matière de nucléaire et d’armement. Dans l’intérêt des Russes, l’Iran doit continuer sur la même voie, la situation ne doit pas changer. Ils ne veulent pas d’un Iran qui serait une puissance militaire nucléaire. Il s’agit d’une relation qui est constituée de beaucoup de liens, mais elle est essentiellement de type commercial.

    Dans votre article vous citez l’ancien général [chinois], stratège et philosophe Sun Tzu qui a dit : « Permets à ton ennemi de commettre ses propres erreurs et ne les corrige pas ». Vous affirmez que la Chine et la Russie, des maîtres stratèges, appliquent cette maxime en ce qui concerne les États-Unis. Quelles erreurs les États-Unis commettent-ils ? Leurs stratèges sont-ils si maladroits ? Peut-être n’ont-ils pas lu Sun Tzu ?

    Tout américain ayant fait ses études dans les universités d’élite a lu Sun Tzu. En revanche, savoir l’appliquer c’est une autre chose.

    La Chine et la Russie, dans le cadre d’une stratégie commune aux BRIC, se sont mis d’accord pour faire en sorte que les États-Unis aient l’illusion d’être ceux qui déterminent les sanctions, tout en travaillant pour les alléger au maximum et, en dernière instance, approuver une série de sanctions très « light« . La Russie et la Chine veulent qu’il y ait de la stabilité en Iran, pour le bénéfice de leurs importantes relations commerciales. Dans le cas de la Chine, il ne faudrait pas oublier que l’Iran est un grand fournisseur de gaz, ce qui représente un sujet de sécurité nationale maximum.

    Vous dites en résumant que nous sommes dans une situation où il y a, sur la table de négociations de l’Agence internationale de l’énergie atomique, un véritable accord d’échange approuvé par l’Iran tandis qu’aux Nations Unies un arsenal de sanctions contre l’Iran est mis en place. Vous posez la question suivante : à qui la véritable « communauté internationale » fera-t-elle confiance ? Je vous demande à mon tour : à qui fera-t-elle confiance ?

    La véritable « communauté internationale« , les BRIC, les pays du G-20, les 118 nations en voie de développement du Mouvement des non-alignés, en somme, l’ensemble du monde en développement, est du côté du Brésil, de la Turquie et de leur diplomatie de non confrontation. Seuls les États-Unis et ses pathétiques toutous idéologiques européens réclament des sanctions.

    Vous affirmez également que l’architecture de la sécurité globale, « assurée par une bande d’affreux gardiens occidentaux autoproclamés », est dans le coma. L’occident « Atlantiste » coule façon Titanic. N’exagérez-vous pas ? Ne prenez-vous pas vos désirs pour des réalités ? N’existe-t-il pas un réel danger qu’avec ce naufrage on entraîne presque tout avec soi avant de toucher le fond ?

    J’ai déjà été confronté à beaucoup d’horreurs partout dans le monde pour pouvoir croire à présent, au moins, en la possibilité d’un nouvel ordre, dessiné surtout par le G-20 et, à l’intérieur de celui-ci, par les pays du BRICT. Je l’écris avec un T à la fin.

    L’avenir économique est en Asie et l’avenir politique est en Asie ainsi que dans les grandes nations en développement. Évidemment, les élites Atlantistes ne vont abdiquer leur pouvoir qu’après avoir vu leurs cadavres gisant au sol. Le Pentagone poursuivra avec sa doctrine de guerre perpétuelle. Mais il n’aura pas de quoi la payer, et ce sera plus tôt que tard. Je ne nie pas que, dans un avenir proche, il existe la possibilité que les États-Unis, sous l’administration d’un républicain fou, d’extrême droite, s’engagent dans une période de guerre hallucinée, effrénée. Si tel était le cas, cela provoquera sans aucun doute leur chute, la chute du nouvel Empire Romain.

    Et quel est le puissant lobby états-unien qui est en faveur de la guerre perpétuelle à laquelle vous faites référence ? Qui sont ceux qui soutiennent et financent ce lobby ?

    La guerre perpétuelle relève de la logique du Full Spectral Dominance, la doctrine officielle du Pentagone qui comprend : l’encirclement de la Chine et de la Russie, la conviction que ces deux pays ne doivent pas devenir des concurrents narquois des États-Unis et en outre, le déploiement de tous les efforts afin de contrôler l’Eurasie ou du moins, la surveiller. Il s’agit de la doctrine du Dr. Strangelove [Dr. Folamour] [3], mais également du positionnement des dirigeants militaires américains et de la majorité de l’establishment. Le complexe militaro-industriel ne dépend pas de l’économie civile pour subsister. Il emploie un grand nombre de politiciens et compte avec l’étroite collaboration de toutes les grandes corporations.

    Dans votre article, vous parlez de sa sommité le Dr. Zbigniew-conquérons l’Eurasie-Brzezinski. Encore une trouvaille, permettez-moi de vous féliciter de nouveau. Vous dites que l’ancien conseiller de la sécurité nationale a souligné le fait que « pour la première fois dans toute l’histoire de l’humanité les gens sont politiquement éveillés – c’est une réalité totalement nouvelle – il n’en a pas été ainsi auparavant ». Êtes-vous véritablement de cet avis ? Quelle partie endormie de l’humanité est-elle à présent éveillée ?

    Pour les élites états-uniennes la donnée essentielle est que l’Asie, l’Amérique latine et l’Afrique sont en train d’intervenir politiquement dans le monde d’une manière qui aurait été impensable à l’époque coloniale, et pour ces élites, la décolonisation est un cauchemar sans fin. Comment faire pour dominer ceux qui savent à présent comment agir pour ne pas se laisser dominer à nouveau ? Voici leur question fondamentale.

    Vous dites que Washington, unilatéral jusqu’au bout, n’hésite guère à faire un bras d’honneur même à ses amis les plus proches. Pourquoi ? Peut-être incarnent-ils l’axe du mal ? Peut-on produire de l’hégémonie avec des procédés si peu affables ? Jusqu’à quand ?

    On ne peut sous-estimer la crise états-unienne. Elle est totale : économique, morale, culturelle et politique. Mais également militaire puisqu’ils ont été battus en Iraq et ils sont sur le point de subir un échec d’une ignominie totale en Afghanistan. Le nouveau siècle américain a déjà rendu l’âme en 2001. À présent on peut interpréter le 11 septembre, comme le signe apocalyptique de la fin.

    À propos, qu’en est-il de l’un des acteurs principaux de la politique états-unienne au Proche-Orient ? Israël est-elle donc endormie ? Quels sont les plans des caïds qui menacent Gaza ? [4]

    Israël est devenue ce que j’appelle une Sparte paranoïaque hors-la-loi, ethno raciste, qui porte la profonde souillure de l’apartheid. Israël sera de plus en plus isolée du monde réel, elle ne sera protégée que par les États-Unis, dont elle est un État-client. Et le retour du refoulé sera son cauchemar, comme s’il s’agissait d’un film d’horreur hollywoodien : l’Histoire les fera payer pour toute l’horreur qu’ils ont commise et commettent encore contre les palestiniens.

    Quelle est votre opinion au sujet de l’action israélienne du dimanche 30 mai dernier ? Quel sens peut avoir leur attaque contre quelques pacifistes solidaires avec les citoyens de Gaza ?

    Cela participe de la même éternelle logique : nous avons toujours raison, ceux qui s’opposent à notre politique sont des terroristes ou des antisémites. À présent Israël est au stade où elle défend l’indéfendable : le blocus de Gaza.

    Mais à présent il est évident que tout le monde en est conscient et elle ne pourra plus tromper par ses mensonges. La Palestine sera l’éternel Vietnam d’Israël. Mais je doute qu’un jour, comme dans le cas des États-Unis, ils soient capables de retenir la leçon.


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  • Le Golfe arabo-persique, piège militaire, casse-tête diplomatique et gigantesque cimetière marin

    Un article du 18 mai 1986 réactualisé le 10 janvier 2008 à l’occasion de la signaure d’un accord entre la France et les Emirats arabes Unis concédant une base navale française à Abou Dhabi.

    I. Piège militaire

    Veine jugulaire du système énergétique mondial, par où transite 40 % de la consommation pétrolière, le Golfe arabo-persique est l’une des zones les plus convoitées du monde. Voie d’eau d’un millier de km, le Golfe borde l’Iran, qui se veut le fer de lance de la Révolution islamique, l’Irak, sous occupation américaine, qui se vivait sous Saddam Hussein, comme la sentinelle avancée du monde arabe sur son flanc oriental, ainsi que six monarchies pétrolières de constitution récente, faiblement peuplées et vulnérables mais dont la production brut vient au premier rang du monde.

    Lieu probable de l’éventuelle future confrontation américano-israélo-iranienne, le Golfe arabo-persique est un piège militaire, un casse-tête diplomatique, et surtout un gigantesque cimetière marin. Un rapport conjoint des services de renseignement américains, publié à l’automne 2007, a conclu à l’arrêt du programme nucléaire militaire iranien depuis 2003, alors que simultanément une simulation de l’État-major de la marine américaine concluait à la destruction de la totalité de la Vème Flotte américaine basée à Bahreïn en cas d’une offensive contre l’Iran.

    les porte-avions géants USS John C. Stennis (CVN 74) à gauche et USS Nimitz (CVN 68) à droite, le porte-hélicoptères USS Bonhomme Richard (LHD 6) au milieu et derrière le croiseur USS Antietam (CG 54), les destroyers USS O'Kane (DDG 77) et USS Higgins (DDG 76) devant, et les navires de transport et de débarquement USS Denver (LPD 9) et USS Rushmore (LSD 47) derrière

    Malgré la circonspection apparente des services américains, la tension demeure forte dans la zone comme en témoigne le dernier incident naval américano-iranien survenu le 7 janvier 2008 à la veille de la tournée de George W. Bush au Moyen-Orient et les déclarations belliqueuses faites par le président américain le 12 janvier 2008 lors de son séjour dans les pétromonarchies du Golfe. Des analystes occidentaux prêtent en effet l’intention aux États-Unis de se lancer –ou d’autoriser Israël à se lancer- dans une opération contre l’Iran dans une sorte de fuite en avant visant à compenser ses revers d’Irak et à dépasser du même coup la crise du surendettement américain en offrant une diversion au krach prévisible du système financier mondial.

    Zone intermédiaire entre l’Europe, dont elle est le premier fournisseur de pétrole, et, l’Asie, deux zones qui seraient les premières touchées par une éventuelle interruption du trafic maritime, le Golfe a été, à ce titre, le théâtre de concentration de deux armadas en deux décennies: lors de la « guerre des pétroliers » entre l’Irak et l’Iran (1986-1987) et de la guerre de la coalition occidentale contre l’Irak, en 2000. En septembre 2007, lors de l’épreuve de force entre les États-Unis et l’Iran à propos du nucléaire iranien, la plus importante concentration navale y était déployée.

    Trois porte-avions à propulsion nucléaire, dont le Nimitz, le plus grand porte-avion du monde, ainsi que le Dwight Eisenhower et  le John Stennis soutenus par une quarantaine de bâtiments d’escorte, et près d’une centaine d’appareils de l’aviation embarquée, avaient été affectés à cette zone.

    Ils y bénéficient de l’appui de la gigantesque infrastructure militaire américaine en Irak, le nouveau champ d’expérimentation de la guerre moderne américaine dans le tiers-monde, de la base navale de Manama (Bahreïn), point d’ancrage de la Vème Flotte américaine dans cette région pétrolifère, d’Israël, le partenaire stratégique des États-Unis dans la zone, ainsi que des bases relais de Diego Garcia (océan Indien) et de Doha (Qatar), qui abrite le poste de commandement opérationnel du QAOC, le centre d’opérations aériennes qui gère les bombardements aériens sur l’Irak et l’Afghanistan ainsi que le CENTCOM, le commandement central américain dont la compétence s’étend sur l’axe de crise qui va de l’Afghanistan au Maroc.

    Cette armada, plus substantielle que celle massée face à l’Irak, en 2003, et face à l’Afghanistan, en 2001, constituait la plus importante concentration navale depuis le déploiement occidental au large de Beyrouth, en février 1984, qui était intervenu après la prise de contrôle de la capitale libanaise par les milices chiites et les attentats anti-occidentaux contre le quartier général français du Drakkar (59 morts français) et le quartier général américain de l’aéroport de Beyrouth (212 Marines US tués). De son côté, l’Iran avait aligné une flotte de sous-marins, une flotte d’aéroglisseurs, l’une des plus importantes du monde, de ROV (véhicules actionnés à distance), d’unités aéroportées comprenant plusieurs escadrons d’hélicoptères, des dragueurs de mines et un important arsenal de missiles antinavires. Outre l’incident naval irano-américain, la marine iranienne s’est livrée à un coup de force contre une patrouille britannique, au printemps 2007, capturant sans coup férir 15 marins. Indice d’une nervosité grandissante, ces incidents s’apparentent à des rounds d’observation opposant l’Iran aux pays occidentaux ayant participé à l’invasion de l’Irak, les États-Unis et le Royaume-Uni.

    II. Un gigantesque cimetière marin

    La « guerre des pétroliers » qui a opposé l’Irak et l’Iran pendant près de dix ans (1980-1989) a transformé le Golfe arabo-persique en un gigantesque cimetière marin, provoquant en tonnage le double des pertes maritimes que celles enregistrées pendant la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945), autour de quarante millions de tonnes, selon les estimations des assureurs maritimes londoniens. Cinq cent quarante (540) bâtiments, cargos et pétroliers, ont été coulés ou endommagés, soit près du double du tonnage coulé pendant la Deuxième guerre mondiale (1939-1945) depuis l’extension du conflit irako-iranien au Golfe à la suite de la décision de l’Irak de décréter, en août 1982, au plus fort du siège militaire israélien de Beyrouth, une « zone d’exclusion maritime ». Rien qu’en 1986, quatre-vingt-dix-sept bâtiments (97) battant pavillon de 22 nationalités ont été endommagés au paroxysme de la « guerre des pétroliers ».

    le détroit d'Ormuz

    Pour la seule journée du 27 Novembre 1986, cinq navires -dont quatre pétroliers- ont été atteints au cours d’une opération au large du terminal iranien de Larak, l’objectif le plus méridional jamais visé par l’aviation irakienne depuis le début de la guerre. Ce terminal est situé à 800 km des frontières de l’Irak, au milieu du détroit d’Ormuz, passage obligatoire pour tous les navires entrant ou sortant du Golfe. Deux cent seize (216) hommes d’équipage de pétroliers, de cargos et de caboteurs de vingt-deux nationalités ont trouvé la mort, selon les indications fournies au 1er décembre 1987 par les assureurs maritimes. Une trentaine de bâtiments gagnés par la rouille sont, d’autre part, immobilisés au port irakien de Bassorah (au sud du pays), depuis le début du conflit en septembre 1980. En raison des coûts et des risques, les assureurs ont renoncé à les récupérer. En 1986, la moitié des bateaux touchés étaient des pétroliers. Une trentaine jaugeaient plus de 200.000 tonnes. Des débordements se produisent parfois : des plateformes sont désormais prises pour cibles.

    En octobre 1986, les Mirage irakiens ravitaillés en vol ont effectué des raids contre des objectifs off shore sur les champs de Rostam et de Bassam, dans le sud du Golfe, à plus de 800 km de leurs bases. Un avion non identifié a tiré le 26 novembre plusieurs missiles contre l’une d’entre elles, sur le champ pétrolifère d’Abou Al-Bukhoosh, dans les eaux territoriales des Émirats arabes unis, faisant cinq morts et une vingtaine de blessés. En dépit des risques grandissants, les pétroliers continuent de fréquenter en nombre les eaux du Golfe, attirés par l’appât du gain. Certains ont installé sur leurs bâtiments un dispositif défensif anti-missiles, expérimenté durant la guerre anglo-argentine des Malouines, en 1982. Il s’agit de « leurres » qui écartent les missiles et du recours à une peinture noire non réfléchissante rendant les navires quasi invisibles pour les radars.  Au plus fort de la guerre irako-iranienne, dans la phase dite de « la guerre des pétroliers » (1986-1987), la plus forte armada de l’après-Vietnam y était concentrée. Pas moins de 70 navires de guerre avec au total 30.000 hommes appartenant aux flottes de guerre américaine, soviétique, française et britannique croisaient dans les eaux du Golfe, le détroit d’Ormuz, la mer d’Arabie et le Nord de l’océan Indien. A cette flotte s’ajoutaient les flottes consacrées à la défense côtière des pays de la zone. C’est dans ce périmètre qu’une unité de la flotte américaine, le Starck a été, par erreur, la cible de l’aviation iranienne et un autre, le croiseur Vincennes a abattu, en juillet 1987, un avion Airbus iranien, tuant ses 290 passagers.

    Piège militaire et casse-tête diplomatique, cimetière marin, le Golfe soutient, selon les stratèges militaires occidentaux, le fameux « arc de crise » de la confrontation soviéto-américaine de l’époque de la guerre froide dans le tiers-monde qui va de l’Afghanistan à l’Angola en passant par le Corne de l’Afrique. En dépit de la disparition de l’Union soviétique, l’arc de crise existe toujours, mais la donne a changé, transformant d’anciens partenaires en de farouches adversaires. L’Union soviétique a implosé, le capitalisme financier a triomphé sur l’ensemble de la planète, l’Irak, un des rares remparts laïcs avec la Syrie contre le fondamentalisme, a été conquis et détruit par les États-Unis, transformé en principal champ de la confrontation américano-iranienne, l’Iran, ancien gendarme du Golfe pour le compte de l’Amérique du temps du Chah, (1953-1978) est devenu le principal opposant à l’hégémonie américaine sous la bannière de la Révolution islamique.

    Se superposant à la rivalité américano-iranienne, le combat oppose désormais de l’Afghanistan à l’Afrique tropicale, en passant par la Corne de l’Afrique, les Américains et leurs anciens alliés islamistes de la guerre froide, les fameux « Combattants de la Liberté » chers aux intellectuels occidentaux, tant en Afghanistan, qu’au Pakistan, qu’en Irak ou même en Somalie et au Maghreb, dans un invraisemblable retournement d’alliance. La première puissance planétaire de tous les temps, tombeur de l’Empire soviétique, se retrouve trente ans plus tard enlisée en Irak, en situation de choc frontal avec ses anciens alliés du combat anti-soviétique, en butte à une nouvelle guerre d’usure, affligée des stigmates des tortures de la prison d’Abou Ghraib (Irak) et du bagne de Guantanamo (Cuba), « le goulag contemporain », un crédit diplomatique et militaire compromis de même que sa posture morale ébranlée par le pillage du Musée de Bagdad, les tortures dans les camps de prisonniers, les mensonges sur les armes de destruction massive et l’espionnage du siège du Secrétaire général des Nations Unies. Un complet retournement de situation dans une zone en conflit depuis près de trente ans, aux multiples rebondissements. Affaire à suivre.

    Source : René Naba


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  • La Turquie était bien visée

    Le coup de colère du quotidien islamiste modéré d’Istanbul contre l’Etat hébreu, après l’assaut israélien contre la "flottille de la liberté".

    03.06.2010 |  Ihsan Dagi | 

    Le massacre perpétré par Israël contre un bateau battant pavillon turc ne doit rien au hasard. S’il y avait des gens de toutes nationalités à bord, c’est néanmoins la Turquie qui était visée. Pourquoi ? Parce que la Turquie est une puissance régionale montante qui puise désormais sa force dans une diplomatie allant dans le sens de la paix et de la stabilité dans la région et qui développe de bonnes relations avec ses voisins tout en essayant de résoudre les différends qui les opposent. Or Israël préfère une Turquie en conflit avec ses voisins et qui, dans ces conditions, a besoin de son aide.

    En effet, Israël est plus à l’aise avec une Turquie qui a des problèmes avec la Syrie et la Grèce, qui s’enfonce dans son problème kurde et qui doit alors frapper à sa porte. Une Turquie affaiblie, coupée du Moyen-Orient et de l’Union européenne. Mais aujourd’hui, c’est tout le contraire qui se passe. Dès lors qu’elle mène une mission pacificatrice, la Turquie ne peut pas ne pas s’intéresser à la question palestinienne. C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’elle tente de rapprocher les points de vue entre le Hamas et le Fatah.

    Mais Israël tente de prouver que la Turquie n’est pas impartiale et qu’elle n’est pas en mesure de mener une mission de paix sur le plan régional. De même, l’Etat hébreu voit d’un mauvais œil l’action diplomatique turque menée pour résoudre le dossier nucléaire iranien. Le but des Israéliens est de provoquer un conflit entre les Etats-Unis et l’Iran afin d’affaiblir Obama, qui ne sera plus en mesure de faire pression sur eux concernant la question palestinienne. En provoquant une détérioration de ses relations avec la Turquie, Israël veut donc empêcher Ankara d’apparaître comme un acteur impartial capable de trouver une solution diplomatique entre l’Iran, les Etats-Unis et l’Europe. De cette façon, les Israéliens entendent mettre un terme au projet, porté par la Turquie, d’un Moyen-Orient dénucléarisé. Il est donc très important que la réaction du gouvernement et de la population turcs reste dans un cadre légitime, car cette agression constitue incontestablement une provocation des Israéliens pour piéger le parti au pouvoir en Turquie [l’AKP] afin qu’il se discrédite aux yeux de la communauté internationale.


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  • Ankara-Gaza-Brasilia

    Jean-Michel Vernochet

    jeudi 3 juin 2010

    Article lié Pourquoi Israël a t-il attaqué des civils en Méditerranée ? par Thierry Meyssan


    « Israël a déjà perdu la bataille des opinions » déplore le quotidien israélien Maariv. En vérité, la première vague d’émotion passée lundi 31 mai, la reprise en mains des médias ne s’est pas faite attendre, elle a même été particulièrement rapide en France. Car le début d’incendie médiatique qui s’était déclaré à l’annonce de l’abordage nocturne en haute mer des six bateaux d’un convoi humanitaire turc destiné à la bande de Gaza (soumise à un hermétique blocus de la part de l’État hébreu), a été immédiatement enseveli sous des tonnes de sable dormitif.

    Dès mardi, si nous prenons la France pour exemple, la tendance commence à être renversée dans l’opinion et l’incident est relativisé. Ainsi le président de là République française « condamne l’usage disproportionné de la force », ne rejetant par conséquent que le caractère « disproportionné » et non le recours à la force elle-même, autant dire, un acquiescement… Le même soir, l’émission satirique « Les guignols de l’info », sous les dehors d’une critique assassine, se concluait en ces termes (dialogue entre le présentateur Poivre et le Premier ministre hébreu) : Poivre « vous n’êtes pas un peu paranoïaque ? » - Netanyahou « Oui, comme un juif entouré d’arabes qui le détestent ». Une façon assez subtile de dire que, finalement, bien entendu, le gouvernement israélien a mal agi mais qu’il a peut-être une excuse absolutoire, Israël étant assiégé de tant d’ennemis acharnés. C’est pour sûr omettre la question fondamentale de savoir pourquoi ce petit État (et grand perturbateur de l’ordre international) a le rare privilège de susciter autant de désaveux ?

    Mais toute l’affaire n’est-elle pas une sorte d’illusion d’optique ? Si l’on interroge M. Toutle monde, il y a de fortes chances pour que celui-ci n’ait retenu qu’une seule « idée » échappée du jet de vapeur médiatique, à savoir que la flottille humanitaire était en fin de compte un convoi terroriste abritant des djihadistes. Pieusement la presse reprend les allégations selon lesquelles le convoi humanitaire n’aurait été qu’en entreprise dirigée en sous-main par…Al Qaïda !


    Le mot magique étant lâché, la fermeture des esprits est immédiate, et comme le dit si bien Iago (dans Othello), soigneusement instillé un petit doute devient aussitôt immense. La cause est entendue, les torts étant partagés, Israël dispose du droit (légitime) de se défendre. Parce que dans l’imaginaire collectif, la légitime défense, même si elle conduit à un acte de brigandage particulièrement odieux, prime sur toutes autres considérations, fussent-elles de droit international.

    Pour ce qui est des médias américains et britanniques l’affaire est un non-événement : pour s’en convaincre il suffit d’aller sur CNN ou la BBC, chaînes sur lesquelles le Golfe du Mexique et accessoirement le golfe (le jeu) occupent les premières places dans les reportages. Il est vrai qu’il est apparemment tout aussi difficile de colmater le puits en éruption au large de la Louisiane que de parvenir à un règlement équitable du contentieux endémique israélo-arabe.

    Seuls les Turcs et leur gouvernement, au troisième jour après l’incident, restent sur la lancée de leur indignation. Laquelle cristallise et condense un fort ressentiment sourdement accumulé au long des ces dernières années. Défiance qui s’accroît au fil des ans, au fur et à mesure que l’AKP (Parti pour la Justice et le Développement au pouvoir en Turquie depuis 2002) renforce sa base populaire islamique au détriment de l’armée kémaliste, alliée stratégique de l’État hébreu.

    Aussi, lorsqu’en France le journal officie « Le monde » titre « Triple fiasco pour les Israélien », il montre soit la plus totale absence de recul de la part des plumitifs de service, soit une myopie intellectuelle aggravée, soit peut-être une certaine forme de collusion dans la désinformation volontaire. En effet l’opération contre le bâtiment humanitaire turc « Marmara » a été de toute évidence mûrement réfléchie et magistralement exécutée. L’opération dans son ensemble est un indéniable succès dès lors qu’on en aperçoit les buts et les motivations véritables…

    Donc quels étaient les réels objectifs israéliens en lançant cette opération qu’ils savaient à l’avance nuisible à leur image de marque en Europe et dans le monde musulman, mais pas en Amérique du Nord et dans le monde anglo-saxon ?

    En premier lieu il s’agissait d’envoyer un signal fort à la Communauté des Nations (États-Unis compris), qui vient de commettre un insupportable crime de lèse impunité à l’égard de Tel-Aviv en recommandant, dans le rapport final de la Conférence d’examen du TNP le 28 mai (Traité de non-prolifération qu’Israël n’a pas signé), une dénucléarisation générale du Proche-Orient et la ratification par la Knesset de cet indispensable Traité de bonne conduite internationale. Message clair de la part de Tel-aviv signifiant que la souveraineté en matière de « sécurité » israélienne s’applique partout, toujours, envers et contre tous.

    Notons à ce propos, que si le Premier ministre Netanyahou a officiellement décidé d’annuler la visite prévue à la Maison Blanche en raison l’affaire du Marmara, il a en réalité choisi ce prétexte pour marquer son dépit et sa mauvaise humeur « après la trahison d’Obama à l’égard d’Israël et son appui à d’éventuelles inspections des sites nucléaires israéliens » comme le député israélien ultra, Aryeh Eldad, le pressait de le faire. Une position partagée quasi unanimement en Israël où tous, société civile et personnalités publiques, considèrent le vote américain en faveur d’un contrôle international sur les sites israéliens atomiques du Néguev comme une véritable « insulte » voire comme une provocation.

    Second message, à l’attention d’Ankara celui-là, et visant à punir le gouvernement turc pour s’être immiscé dans le dossier iranien et pour avoir affaibli par l’accord tripartite signé le 17 mai à Téhéran [voir analyse infra] les mécanismes de contention mis en place pour asphyxier l’Iran… une crémaillère des sanctions concoctée et orchestrée par la diplomatie anglo-américaine sous le regard bienveillant des Likoudniki de Washington (les néoconservateurs) et de Tel-Aviv. Subsidiairement, comme le souligne « Voltaire.org », il s’agit d’exacerber les tensions existantes entre le haut commandement kémaliste, laïque, nationaliste pantouranien et le pouvoir civil d’obédience islamique. Gardons en mémoire que la Turquie est un pays où les « coups » militaires sont une tradition (pas moins de quatre entre 1961 et 1998)… En 2003, quarante neuf officiers turcs officiers auraient de cette manière préparé, sous l’appellation « Marteau de forgeron », le renversement du Premier ministre Recep Erdogan et de son parti l’AKP.

    Dans ce contexte de dégradation sensible des relations entre les deux capitales et de tensions persistantes entre le gouvernement civil turc et l’État profond (le pouvoir armé garant de la doctrine kémaliste contre islamique), l’initiative d’une flottille humanitaire était une occasion rêvée d’envoyer un sévère avertissement à Ankara (sous forme d’une action vengeresse). Ankara dont l’active diplomatie régionale a, par ailleurs, depuis quelques années, amorcé un rapprochement simultané avec deux anciens adversaires de longue date, Damas et Téhéran, tous deux opposants radicaux à la politique israélienne d’hégémonie régionale.

    Enfin, troisième volet de l’opération contre la flottille de la Paix, l’assassinat ciblé, sous couvert d’une tuerie, d’un Israélo-palestinien, Raëd Salah, plusieurs fois emprisonné et cette fois-ci blessé d’une balle dans la tête. Un prédicateur acharné de la défense de la Mosquée Al-Aqsa, laquelle est, avec le Dôme du Rocher, le fleuron du Mont du Temple, troisième lieu saint de l’Islam… l’Esplanade des mosquées étant à l’heure actuelle, sans doute le lieu le plus disputé au monde.

    Raëd Salah, s’il survit à sa blessure sera, de toute façon hors d’état de nuire aux intérêts israéliens. Ainsi, derrière l’apparente stupidité de commandos à la détente chatouilleuse, la tuerie qui a suivi n’était pas un simple dérapage mais une action de couverture pour un crime prémédité. Ceci ne relèvant pas d’une quelconque extrapolation, car qui pourra croire qu’une unité d’élite (sortie du même moule que celle qui accomplit le légendaire raid d’Entebbe) puisse effectuer des tirs dans la tête autrement que pour tuer (et non pas pour neutraliser) ?

    Au-delà du cynisme des autorités de Tel-Aviv, par-delà leur art consommé de la tromperie, en dépit du chœur des pleureuses de la presse israélienne qui se lamente sur l’honneur perdu de Tsahal, le devoir de tout observateur lucide et honnête de la chose internationale, est de dire que la démonstration de force de l’État hébreu est un « succès ». Et il faut certainement s’attendre à d’autres manifestations de son ire car les hommes de fer qui le dirigent, n’accepteront pas que la politique israélienne (laquelle associe in fine la droite religieuse, les likoudistes et la gauche travailliste) puisse être désavouée de quelque façon que ce soit par quelqu’État que ce soit.

    Il faut donc tempérer l’optimisme de ceux qui crient victoire, pensant que l’État hébreu s’est - avec une bavure de trop – définitivement plombé. Le proche avenir devrait, en toute logique, démentir, cette prévision bien prématurée. Certains ont cru à un dérapage incontrôlé de l’hybris israélien (son absence de mesure), alors que tout indique au contraire que cette opération (même si elle est allée un peu loin) est à l’arrivée un franc succès, en particulier auprès de ceux qui sont capables de décrypter les messages. Après tout la crispation internationale n’est-elle pas montée de quelques degrés ? Et n’est-ce pas ce que veulent ceux qui souhaitent voir le monde entrer en guerre ?

    Il existe à ce propos un précédent et de taille. Ignoré des Européens, la mémoire en restée vive chez les vétérans de la Marine des États-Unis. Il s’agit du lamentable épisode de l’USS Liberty qui le 8 juin 1967, lors de la guerre des Six jours, fut l’objet d’attaques, par mer et par air, pendant plusieurs heures de la part de l’armée israélienne, cela sans que les bâtiments américains croisant à proximité n’interviennent. Un bilan lourd, 34 morts, 171 blessés, une plaie loin d’être refermée chez les militaires américains. Apparemment le « message » avait été entendu à Washington qui s’était contentée à l’époque d’une poignée de plates excuses…

    Tous les analystes craignent à présent que des « provocations » (telles ces rencontres fâcheuses, faussement fortuites, entre des intercepteurs rapides lourdement armés et une flottille de pacifistes non-violents) ne servent à un moment ou à un autre de déclencheur à un affrontement direct ave l’Iran.

    Car comment ne pas imaginer qu’en semant le vent, Tel-Aviv n’espère récolter la tempête ? C’est un jeu dangereux certes, à double tranchant, car si demain - comme Ankara en aurait annoncé l’intention - un second convoi humanitaire était envoyé pour forcer le blocus (illégal) de Gaza, mais cette fois en le faisant encadrer par des bâtiments de guerre, qui nous dit que, dans ce cas, la situation ne dégénéra pas ? Israël est-elle prête à utiliser son arsenal nucléaire contre un membre de l’Otan ? Hypothèse irréaliste, mais un regain de tension régional qui s’insère en bonne place sur cet arc de crise qui, partant de la Corée du Nord, s’arrête à la Méditerranée orientale, est un élément à ne pas négliger en ce qu’il peut participer d’une réaction en chaîne. Un arc de crise où la montée des tensions est désormais régulière…

    JMV-2 juin 2010

    L’accord nucléaire tripartite Iran-Turquie-Brésil est-il un coup d’épée dans l’eau ?

    Quand les succès diplomatiques se muent en revers géopolitiques…

    L’accord tripartite signé le lundi 17 mai à Téhéran entre l’Iran, la Turquie, et le Brésil, accord relatif à l’enrichissement d’uranium 1 hors frontière, est indéniablement, dans l’absolu, un succès, notamment si on le juge à l’aune de la réaction de trois des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies, Russie, France et Chine, qui en ont souligné le caractère « positif ». Trois pays ayant en commun d’être des riverains immédiats d’un nouveau et éventuel champ de bataille, surtout en cas de frappes nucléaires ; les États-Unis étant pour leur part, et par définition, loin des conséquences de leurs actes. De son côté, le Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon espérait que cet accord « ouvrirait la porte à un règlement négocié de la crise ouverte par les ambitions nucléaires de l’Iran ».

    Téhéran a montré à cette occasion et avec éclat qu’il n’était pas isolé au sein de la communauté internationale, administrant du même coup une preuve quant au dynamisme et à la pertinence de sa diplomatie, laquelle se déploie maintenant de la Péninsule arabique à l’Amérique latine via l’Afrique. Une attitude de « défi » à laquelle les É-U ne peuvent donc que vouloir mettre le holà, à ce stade leur « crédibilité » relevant du domaine des intérêts vitaux à défendre par tous les moyens. Ce faisant, Téhéran a donné à la Maison-Blanche une bonne raison et une belle occasion de rappeler qu’elle est encore le vrai donneur d’ordre.

    Précisons que ce sont deux pays dits « émergents », et non des moindres, actuellement membres non permanents du Conseil de Sécurité, le Brésil tête de file du Mercosur 2 et pilier oriental de l’Otan, et la Turquie (laquelle fut jusqu’à 2003 l’un des plus solides relais de la politique américaine au Proche-Orient 3 et en outre, un allié stratégique de l’État hébreu), qui viennent à cette occasion de jouer ouvertement contre leur mentor nord-américain en ouvrant une brèche dans le diktat permanent servant de mortier aux relations entre les É-U et leurs « alliés », commensaux et tributaires.

    Ankara, à qui l’entrée dans l’Union européenne avait été promise par Washington en rétribution de sa loyauté envers l’Amérique-monde, vient de facot de trahir une nouvelle fois3 la cause atlantiste en s’associant à cet autre partenaire privilégié qu’est le Brésil. Cela au sein d’une sorte de conjuration clairement destinée à contrecarrer la volonté du Département d’État d’amener Téhéran à résipiscence sur son dossier nucléaire. La maîtrise du nucléaire avec la capacité de se doter de la « bombe », à tout moment et en un temps très court (option choisie par le Japon), étant un instrument politique que les États-Unis refusent catégoriquement à l’Iran et cela au point d’en faire un casus belli.

    Une politique de force qui vise au bout du compte à limiter l’influence régionale de l’Iran, mais également lui interdire toute politique de souveraineté adossée à une capacité de dissuasion stratégique l’autorisant à prétendre, le cas échéant, se dérober aux pressions amicales ou aux oukases du parrain américain, lequel n’en est pas avare !

    Nous savons par ailleurs que l’Iran détient de notables atouts géoéconomiques, en particulier énergétiques (l’Iran étant le détenteur en second des réserves gazières mondiales, soit 15%), des ressources à terme vitales pour le consortium euratlantique. Or, dans le contexte mondial d’exacerbation de la course aux ressources, l’ombre de l’hégémonie nord-américaine est, à n’en pas douter, destinée à planer encore un certain temps sur un monde toujours unipolaire en dépit du désir pressant desémergents de faire entendre leurs voix. Le Nouvel Ordre Mondial étant ce qu’il est, et appelé à le rester pour le futur immédiat, c’est-à-dire placé sous la coupe d’une Amérique-monde en constante expansion, il faut admettre que charbonnier ne sera plus jamais maître en sa demeure

    Un coup d’épée dans l’eau !

    Dans un tel contexte, l’accord tripartite irano-turco-brésilien très vite devrait s’avérer n’être qu’un coup d’épée dans l’eau et même plutôt carrément « catastrophique » ! Notons au passage que l’attitude de la Turquie et du Brésil est tout à fait inédite ; qu’elle constitue une « première » ! Mais cette fronde élégante, cette belle tentative de contournement de l’asphyxiant soft power (le pouvoir indirect) anglo-américain, est de toute évidence vouée à rester lettre morte. Alors se pose la question de savoir pour quelles raisons cette initiative inédite serait-elle aujourd’hui à la fois diplomatiquement positive et géopolitiquement négative quand bien même, par la suite, elle pourrait faire école ?

    En effet, si l’accord vient contrarier, à première vue, la politique des Anglo-Américains (et plus encore de leurs alliés israéliens jusqu’au-boutistes) en vue d’un resserrement graduel des sanctions imposées à l’Iran, l’accord constitue avons-nous dit, une insupportable provocation pour les États-Unis et le plein exercice de leur leadership international. Défi qui est une occasion (voir infra) pour monter d’un cran dans le processus d’étranglement de l’Iran national-théocratique. Un « défi » dont l’exploitation avait été soigneusement préparée par l’Administration américaine qui après des mois de tractations et de marchandages, est parvenue à faire adopter par les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité, le mardi 18 mai, soit dès le lendemain de la signature à Téhéran de l’accord tripartite, un nouveau train de sanctions contre l’Iran. On ne peut qu’admirer la précision dans la succession calendaire des événements et en tirer toutes les conclusions utiles et nécessaires. Projet accepté donc par la Russie et la Chine 4, pourtant tous deux soutiens tacites de Téhéran qui généralement traînent des pieds lorsqu’il s’agit de sévir contre la mollahcratie.

    Ce faisant Washington a rappelé qui est le premier donneur d’ordre, et que nul ne devrait ignorer qu’il est préférable de ne pas piétiner la queue du dragon sauf à disposer d’un glaive magique… À cette bronca, Washington a donc répondu de manière magistrale en considérant comme nul et non avenu l’accord signé la veille. Un camouflet pour la Turquie et le Brésil renvoyés à leur « juste » place (celle que leur assignent les Anglo-Américains dans les Affaires du monde) leur signifiant vertement qu’ils ne sont pas conviés à jouer dans la cour des grands.

    Une audace qui se paiera d’une façon ou d’une autre.

    Primo parce que la démarche turco-brésilienne ne prend pas suffisamment en compte le rapport de force réel existant entre les États-Unis toujours maîtres du jeu planétaire et le reste du monde (même si le jeu se complexifie en se diversifiant du fait de l’arrivée sur la scène internationale de nouveaux acteurs commençant à revendiquer une place).

    Deusio parce que la punition ne se fera pas attendre longtemps tant les moyens de rétorsion des É-U sont nombreux (commerciaux en particuliers) et qu’ils ne sauraient manquer aucune occasion de faire payer cher leur audace aux imprudents. La France après 2003 et sa sortie au Conseil de Sécurité (intolérable du point de vue des partisans de l’annihilation de l’Irak), a souffert de la vindicte américaine au point d’amorcer dès 2004 son retour – achevé aujourd’hui - dans le giron Atlantique. 5

    Ceci étant dit, l’initiative triangulaire pour opportune qu’elle soit – ou qu’elle serait dans un monde où régneraient bonne foi et bonne volonté - est à l’arrivée un fiasco. Sans doute faut-il alors se résigner à ne pouvoir désamorcer une crise qui affecte pourtant l’équilibre de la planète toute entière ? Une crise qui, insistons sur ce point, se développe dans une atmosphère particulièrement méphitique en raison de son évidente artificialité… à savoir un procès d’intention dont les mobiles premiers ne sont jamais énoncés. Or comme ces enjeux véritables ne seront jamais posés de part et d’autre de la table (ce qui reviendrait à remettre en cause l’ordre du monde né à Yalta), l’actuel dialogue de sourd - plombé de lourdes arrières-pensées – se poursuivra avec le « pire » en perspective.

    En résumé, l’initiative tripartite, opération éminemment louable du point de vu de la paix entre les nations, se révèle finalement « catastrophique » parce ce que non seulement elle n’a pas permis de squeezer les États-Unis, mais qu’elle leur offre la possibilité de déplacer ses pions sur le grand échiquier diplomatique plus vite que prévu. Car il va de soi que le projet de Résolution et auquel la grande presse a servi de caisse de résonance alors que l’accord tripartite était quasiment passé sous silence, avait été concocté et tenu au chaud justement pour, à point nommé, servir à enterrer le sommet de Téhéran en annulant d’un trait de plume la convention tripartite.

    Un accident de parcours et une aubaine

    Un accident de parcours par conséquent exploité de façon très dialectique (d’un « mal » faire naître un « bien ») pour progresser dans l’escalade alors même que le Nobel de la Paix Barak Obama signait l’ordre d’accroître la présence navale américaine dans le Golfe arabo-persique 6 (quatre porte-avions et leur groupe d’attaque, soit un ensemble de plusieurs centaines de bâtiments de guerre).

    Alors quelles leçons tirer de cet accord turco-irano-brésilien qui a suscité le fugace espoir de voir s’engager une amorce de stabilisation régionale ? En premier lieu que le rapport du fort au faible n’offre que peu d’échappatoires. La Fontaine nous l’a autrefois enseigné : la rhétorique du « loup » ne tient aucun compte ni de la raison, ni du Droit, a fortiori du droit international, ni de la justice… Que le discours du « fort » subvertit en soi les valeurs en principe fondatrices des relations entre les individus d’abord, entre les sociétés ensuite. Or, au XXIe siècle, la ruse, enveloppée d’un brouillard verbal, prime sur l’immédiat exercice de la force brutale, mais elle l’annonce cependant tout comme la nuée porte l’orage.

    Une sophistique consensuelle donnant une apparence de rationalité juridique à l’expression de l’imperium hégémonique, verbalisme de chancellerie qui n’est au demeurant qu’une transposition du dialogue au bord du ruisseau des deux animaux de la fable. L’Iran est de la même façon un coupable sui genersis et doit par conséquent se soumettre inconditionnellement. S’il ne s’y résigne pas de son propre gré, il sera ramené manu militari dans le droit chemin démocratique et libéral.

    De ce point de vue, la guerre (qui n’a pas grand chose à voir avec une quelconque fatalité plus ou moins inhérente à de supposées lois physiques de la nature géopolitique du monde) a toutes chances d’avoir lieu pour la simple et unique raison que des factions influentes d’ultras, à Washington, à Londres et à Tel-Aviv, la veulent avec ardeur et la préparent assidûment. Conflit dont il est à prévoir qu’il débordera rapidement hors du cadre régional comme l’en a averti le président russe, Dimitri Medvedev. Un conflit qui constituera, d’une façon ou d’une autre, une issue à la crise systémique globale : la guerre n’est-elle pas « Le » moyen de régulation par excellence 7 ?

    Bien des naïfs (ou des personnalités trop imbues d’elles-mêmes) croyaient en décembre 1990 que la guerre du Koweït n’aurait pas lieu parce que des négociations allaient bon train entre Bagdad et Riyad ; parce qu’également le Raïs Saddam Hussein avait offert de se retirer selon certains délais lui permettant de « sauver la face ». La guerre a eu lieu. Elle a eu lieu pour l’unique raison que l’« on » voulait qu’elle eût lieu. Or la situation d’aujourd’hui offre de nombreuses similitudes avec celle de décembre 1990. Il ne manque plus au tableau qu’un prétexte plausible, une provocation intervenant n’importe où dans le monde mais suffisamment spectacularisable pour frapper les opinions de sidération, cela, le temps nécessaire à lancer les premières frappes qui enclencheront automatiquement l’escalade militaire.

    L’accord tripartite est, à ce titre et en dernier ressort, une initiative « catastrophique », parce qu’elle procède d’une appréciation erronée de ce qu’est le monde aujourd’hui, des rapports de force qui y prévalent et qu’elle risque de fait de précipiter les « événements ». En réduisant la marge de manœuvre diplomatique des Anglo-américains, qu’elle ne les pousse à hâter leur décision d’intervenir directement sur le terrain. Cela également en raison d’une survalorisation non réaliste, hors d’un rapport de forces favorable, de la valeur en soi du droit international … Celui-ci n’étant en vérité, la plupart du temps, qu’un instrument ou un habillage variable selon les saisons, les lieux, les circonstances ou les besoins du moment.

    Plus grave, une appréciation fausse du rapport de force global toujours en faveur des États-Unis comme en administre la preuve le ralliement volens nolens de la Russie et de la Chine au durcissement des sanctions. Une attitude de la part de ces deux grands qui ressemble à celles de ces navires qui fuient sous le vent pour tenter d’échapper à la tempête. Ici, les deux challengesr eurasiatiques des É-U se trouvent littéralement aspirés par la volonté américaine de liquidation du régime iranien et d’inclusion de l’Iran dans sa sphère d’influence.

    Les États-Unis - John Pitbull - n’en démordra pas, la chute du régime iranien n’est pas du domaine du négociable. Russes et Chinois le savent et leur comportement démontre qu’ils ne disposent pas de la monnaie d’échange susceptible d’infléchir le projet américain ; une ambition dont le succès à terme n’est d’ailleurs pas assuré comme les échecs des révolutions colorées géorgiennes et ukrainiennes en témoignent. De sorte que Moscou et Pékin peuvent-ils tout au plus jouer le rôle de ralentisseurs d’un processus qu’ils savent quasi inéluctable. Finalement l’épisode de l’initiative tripartite aura le vrai mérite de mettre les choses au point et de nous donner un cliché exact de l’état des lieux géostratégiques, c’est-à-dire en montrant le caractère (provisoirement) illusoire d’un rééquilibrage des pouvoirs dans un monde encore assez éloigné de la multipolarité.

    Ce constat contredit – en dépit des différents conflits qui déchirent le Proche-Orient ces deux dernières décennies - l’idée que nous assisterions tendanciellement à un déclin de la puissance américaine aujourd’hui affaiblie par les deux fronts déjà ouverts, l’irakien et l’Afghan, tout aussi bien que par les conséquences économiques sociales d’une crise financière qu’elle est encore loin d’avoir complètement surmontée. À cet égard, écartons définitivement l’idée – laquelle ressort de la méthode Coué - qu’en raison de ses difficultés budgétaires, l’État fédéral américain n’aurait plus la capacité d’aller au bout de ses intentions belliqueuses. Une idée controuvée à l’heure de la guerre des drones de combat et des missiles de croisières intercontinentaux.

    Enfin, last but not least, à l’appréciation erronée du poids relatif sur la scène internationale des « émergents » et de leur potentiel en matière de bargaining power (car il est nous est interdit de prendre nos désirs géopolitiques pour des réalités géostratégiques !) vient se surajouter une confiance excessive des dirigeants iraniens dans leur capacité à dissuader les israélo-anglo-américains de procéder à des frappes préventives… Ceux-ci seraient arrêtés dans leur élan guerrier par la crainte supposée d’un prix à payer trop élevé : les dirigeants iraniens croient en effet, dur comme fer, que l’importance des pertes induites chez l’agresseur lui rendent le coût du passage à l’acte tout à fait rédhibitoire…

    C’est malheureusement ne rien comprendre à ce que sont les États-Unis et à leur duplicité géostratégique. Si l’on admet (avec les historiens) que les soldats tués à Pearl Harbor ont été délibérément sacrifiés, le gouvernement américain étant parfaitement informé de l’opération, pourquoi les machiavéliens 8 actuellement aux commandes dans l’ombre du président Obama, seraient-ils inférieurs aux cyniques d’hier ?

    Quant aux mesures que prendrait l’Iran en cas de frappes préventives, elles sont déjà parties prenantes du script des opérations. Qu’une salve de missiles de croisières, avec ou sans tête nucléaire, tirée depuis les sous-marins vendus à Israël par l’Allemagne social-démocrate, touchent des centres vitaux iraniens, que la réplique en représailles de Téhéran sur des bases ou des navires américains déterminent des pertes significatives dans le corps expéditionnaire coalisé (du même ordre que lors de l’attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1944, laquelle fit 2403 victimes, seuil psychologique comparable à celui atteint avec les destructions des Tours jumelles, préalable à l’assaut lancé contre le bastion afghan), la presse occidentale se déchaînera muselant une opinion publique occidentale tétanisée comme elle l’a été le 11 septembre 2001, nous entrerons alors dans l’engrenage infernal de la guerre sans limites.

    Nous n’aborderons pas ici, l’hypothèse vraisemblable, de l’ouverture préalable d’un premier front au Liban, voire en Syrie alliée de l’Iran, afin de réduire la pression exercée par les tirs de missiles du Hezbollah sur le nord de l’État hébreu… Sans oublier le scénario de basse intensité comportant la fermeture du détroit d’Ormuz… mais à y regarder de plus près celle-ci ne ferait que retarder l’échéance d’une campagne (déjà planifiée) de frappes massives destinées à donner toutes ses chances aux forces intérieures œuvrant au renversement du régime. Le scénario « Ormuz » devant se révéler tout aussi impuissant à dissuader les attaquants potentiels, sauf dans l’imaginaire mystique des gardiens la Révolution islamique iranienne (un défaut de jugement qui ne se limite pas à l’aire islamique en ce qu’il a de la même façon causé la perte de la Fédération yougoslave en 1999 et la chute finale du régime baasiste laïque d’Irak en 2003).

    L’artère jugulaire d’Ormuz par laquelle transitent près de 30% de la production mondiale des hydrocarbures nécessaires à faire tourner le moteur planétaire, fermée, un baril qui bondirait à 300$ serait une aubaine inespérée pour les « Sept sœurs » (le cartel des grandes Compagnies pétrolières) qui pourraient dès lors se lancer dans l’exploitation à haut coût des schistes et des sables bitumineux du Groenland et d’ailleurs.

    Sauf à ce que l’initiative tripartite ne soit reprise par une large coalition conduite par la Russie et la Chine, ce qui semble peu probable dans la conjoncture présente, le scénario du pire, sous les deux versions qui viennent d’être évoquées – frappes préventives, représailles, fermeture d’Ormuz - est en fait le plus plausible. Et sauf une levée de bouclier internationale particulièrement nette et ferme, la guerre de Troie aura bien lieu parce que les dieux assoiffés de puissance qui siègent dans l’île de Manhattan et règnent sur la Cité de Londres en ont décidé ainsi.

    JMV -24 mai 2010

    Réflexions autour de l’article « Ankara-Gaza-Brasilia »

    Commentaires ajoutés au texte «  L’accord nucléaire tripartite Iran-Turquie-Brésil signé à Téhéran le 17 mai est-il un coup d’épée dans l’eau ? Quand les succès diplomatiques se muent en revers géopolitiques… ». Précisions destinées à montrer toute l’importance, en géopolitique, des principes directeurs sous-jacents aux événements, ceci afin de conduire et organiser utilement une réflexion, fût-elle qualifiée de prospective.

    Le sens de l’analyse intitulée « Ankara-Gaza-Brasilia », chacun l’aura perçu, est de montrer que les décisions les plus graves comme celle de déclencher une guerre, sont soumises à des processus qui font une moindre part à la stricte rationalité au premier degré. Bien entendu l’évaluation des forces matérielles (armements et leurs servants) en présences, la détermination morale de l’ennemi (la dimension psychologique du champ de bataille) entrent au premier chef en ligne de compte pour l’évaluation des chances et des risques.

    Mais en dernier ressort ce sont des facteurs non rationnels qui l’emportent, qu’ils soient d’ordre heuristique (la guerre comme science et comme art où l’intuition joue un rôle majeur), idéologique, instinctuel (archéocortex limbique 9) ou encore eschatologique (la pression du messianisme judéo-chrétien, très présent dans les premiers cercles du pouvoir américain, s’exerce à travers une masse de quelques 45 millions de fidèles en attente d’une assomption prophétique étrangère à toutes réalités géopolitiques et humaines ordinaires.

    Ce qui revient à dire qu’il serait parfaitement illusoire de croire que ce seraient des analyses purement rationnelles et raisonnées qui décideraient ou non du basculement du monde dans la guerre. Reste que les sociétés, comme les individus tombent toujours du côté où ils penchent !

    Au regard de la complexité, de l’enchevêtrement et de l’interaction de la multitude de paramètres qui interviennent dans les ruptures d’équilibres ou leur conservation, ce qui tranche finalement le Nœud Gordien, est encore le glaive qu’anime la volonté la plus forte. Et l’histoire récente nous enseigne, que de la Guerre civile américaine aux conflits les plus récents d’Afghanistan et d’Irak via la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis, à l’instar des Anglais, ne cèdent jamais, exigeant sans défaillir d’impitoyables redditions sans conditions.

    Hiroshima et Nagasaki font oublier les deux cents villes japonaises réduites en cendres par les bombardiers du général Curtis LeMay… Parmi elles, le brasier qui détruisit Tokyo faisant en une nuit plus de victimes que les deux engins atomiques réunis, restera gravé longtemps, en lettres incandescentes, dans la mémoire collective. L’histoire des deux derniers siècles de la démocratie américaine, émaillés de guerres d’expansion et de conquête tout comme ces deux dernières décennies, nous donne ainsi l’exacte mesure de sa détermination lorsqu’il s’agit de plier les Nations rétives à sa volonté hégémonique.

    Or aujourd’hui rien n’indique que les deux grandes puissances militaires rivales des É-U que sont la Russie et la Chine disposent de ressources conventionnelles suffisantes pour défier dans un affrontement direct le Bloc euratlantique, Amérique seule + Otan ? Et si c’était le cas, prêtes à en user. Ce qui laisse à penser qu’un affrontement entre le Bloc euratlantique et l’Eurasie ne saurait être que de nature nucléaire. Ce qui donne à réfléchir même à ceux qui se placent facilement sur la diagonale du Fou.

    Il est cependant aussi opportun qu’urgent de tirer toutes les leçons que l’histoire nous prodigue en portant un regard résolument clinique sur les événements en cours : quel que soit le sens du sacrifice et la qualité des armements dont dispose aujourd’hui la République islamique d’Iran, si elle se retrouve « seule » en situation de conflit, que pèsera le sens du sacrifice de ses troupes (et le soutien de la nation iranienne qui ne lui fera pas défaut) face à la guerre électronique, celle-ci confèrant aux forces américaines la totale maîtrise de l’espace aérien sur les zones de guerre ? Que pourra l’Iran face à une guerre à outrance que lui livreront des robots et satureront ses défenses aériennes, missiles de croisières, drones Predator et Hellfire ? Que pourront ses flottilles de vedettes armées fauchées par le mur de métal dressé par les systèmes Phalanx 10 de défense mer-mer ? Quels exploits pourront accomplir les unités d’élites des Gardiens de la Révolution si ce n’est se sacrifier en vain comme nos cuirassiers chargeant sous le feu des mitrailles à la bataille de Reichshoffen ?

    Aujourd’hui, à Washington, théoriciens de la guerre et idéologues de l’expansion savent pertinemment que la fenêtre de dominance ne restera pas éternellement ouverte pour les É-U. L’accord tripartite qui fait de ses alliés turcs et Brésiliens des associés de l’Iran, est à ce titre un avertissement dont ils doivent tenir compte. Tout comme l’Organisation de coopération de Shanghaï, quoique encore en ébauche, qui concrétise un certain rapprochement sino-russe, est déjà un caillou gênant dans la chaussure yankee !

    Un avertissement à ne pas laisser passer le moment opportun alors que les pays émergents manifestent des velléités de court-circuiter les passages obligés tracés par les É-U. Ce pourquoi l’effet plus ou moins immédiat de la convention tripartie de Téhéran sera de durcir les positions américaines, voire de précipiter (la pire des hypothèses) la course à l’abîme. D’autant plus que – cela n’est plus un secret pour personne – le dossier nucléaire iranien n’est qu’un prétexte au même titre que l’étaient les prétendues armes de destructions massives du régime baasiste… Qui d’ailleurs croirait sérieusement à la capacité de l’Iran de se doter de têtes nucléaires opérationnelles avec de l’uranium enrichi à seulement 20%.

    Et dès lors que le jugement n’est plus obscurci par le réflexe de peur que suscite l’évocation de l’armement nucléaire, la volonté américaine de brider – contre les termes mêmes du Traité de non prolifération - le programme iranien, s’éclaire d’un jour nouveau. L’Iran dont l’influence devient chaque jour plus insupportable pour Washington (et Tel-Aviv) en ce qu’elle commence à s’étendre au-delà du Proche-Orient, en particulier en Afrique sub-saharienne (a priori en concertation avec la Chine). Si, de plus, l’Iran entend devenir à terme le chef de file d’une sorte de nouveau mouvement des Non-Alignés en diffusant dans les pays du Sud les techniques du nucléaire civil (instrument de souveraineté énergétique) hors des circuits contrôlés par les Anglo-Américains, comme peut le laisser supposer cette entente inédite avec Ankara et Brasilia, alors rien ne va plus.

    Parce que qui contrôle les sources d’énergie, contrôle du même coup les peuples… Pour l’Amérique qui voit loin, il importe de barrer la route à l’indépendance énergétique future des pays émergents. Et cette indépendance énergétique passe nécessairement par le nucléaire. De ce point de vue, la collusion entre l’Iran et le Brésil a certainement révélé l’un des pots aux roses, l’un des non-dits majeurs, du « dossier nucléaire » iranien. Dossier qui fait une large place aux risques de prolifération, mais si « prolifération » il y a, c’est celle d’une autonomie énergétique nucléaire du Tiers-monde, laquelle à terme minerait les fondements même de la puissance américaine basée sur la le contrôle des flux d’énergies fossiles. N’oublions pas que la pérennité du Dollar est liée au fait qu’elle est la monnaie prévalant dans les transactions touchant aux énergies fossiles. Une situation qui demain devra être plus ou moins reconduite avec la filière nucléaire … La grosse colère de Mme Clinton à l’encontre du président Lula da Sylva à la suite de l’accord tripartite, ne serait alors pas dicté par l’impérieuse obligation faite aux É-U d’interdire tout rapprochement et toute concertation entre les États du Sud hors de sa tutelle en matière de coopération énergétique nucléaire.

    Au demeurant l’issue de la crise iranienne se jouera au final sur une partie de poker tricontinentale. L’Amérique abattant ses cartes avec le revolver sur la table, la Russie et la Chine s’interrogeant avec anxiété sur la part de bluff que les gens de Washington et de Tel-Aviv (récemment rabibochés après des fâcheries relatives au mépris trop ouvertement affiché par les dirigeants israéliens à l’égard du droit et de la morale internationaux) font intervenir dans ce jeu délétère, se demandant quant à eux jusqu’où ne pas aller trop loin. Savants calculs et savants dosages, jeu de bascule pour Pékin et Moscou entre le ralliement affecté à la politique de garrottage de l’Iran poursuivie par Washington et l’aide discrète apportée au régime de Téhéran, entre autres sous forme d’armements. La Russie n’a-t-elle pas déclarée qu’elle ne renoncerait pas envers et contre tout à livrer des S-300 à l’Iran, redoutables missiles de défense anti-aérienne susceptibles d’entraîner des pertes significatives chez d’éventuels assaillants ?

    Ajoutons que Russes et Chinois partagent déjà des intérêts stratégiques sur l’Iran, notamment en raison d’une sorte de « condominium » dans le commerce gazier, lequel inclut l’Iran, les premiers se réservant le marché gazier européen, les seconds, l’Asie. Là également, les enjeux géostratégiques sont considérables : le projet américain de gazoduc Nabucco se heurtant frontalement aux programmes russes North Stream et South Stream. La guerre économique faisant déjà rage, il est certain que les États-Unis, même en se réservant la part du lion dans l’exploitation des réserves iraniennes, cela dans l’hypothèse d’un changement de régime, promettront de concéder de substantielles quotes-parts à ses « partenaires » en échange de leur prudence ou de leur réserve à l’égard de la politique poursuivie d’asphyxie de l’Iran théocratique. Tout marchandages et chantages composant le subtil cocktail de mensonges et de bluff que sont les négociations entre puissances rivales et où, double jeu et double langage sont de rigueur pour tous.

    Les choses ne sont évidemment pas jouées. Mais, insistons sur ce point, la sortie de la crise iranienne reste tributaire de facteurs échappant largement à la rationalité ordinaire. État de fait qui rend inutile toutes tentatives de se rassurer en tablant que les kriegspiel d’Écoles de guerre (laborieux calculs des forces en présence, simulations diverses ou savantes considérations sur la capacité des uns d’agir, des autres de subir) sont destinés à emporter le choix final en statuant sur le faisable et le non faisable. Car les vrais critères de choix ressortent en définitive plus de la physique quantique, essentiellement probabiliste, que du logiquement prédictible. Car le passage à l’acte ou le dénouement miraculeux dépendent en effet de nanno-déplacements de pouvoir et d’influence entre les factions décisionnaires à Londres, New-York et Washington. Paradoxalement, mais de façon cohérente, ce ne se sont d’ailleurs ni le Pentagone et ni Langley (la CIA) qui actuellement seraient les plus favorables à une montée aux extrêmes.

    De toute manière, la décision ultime ne sera pas « technique » mais « politique ». Reste que la guerre n’est pas encore tout à fait inéluctable (ainsi Curtis LeMay n’est jamais parvenu à lancer la guerre nucléaire préventive contre l’Union soviétique, des frappes qu’il appelait pourtant de tous ses vœux), même si ce sont les plus acharnés, c’est-à-dire les plus « durs », qui finissent généralement par l’emporter…

    Jean Michel Vernochet pour Geopolintel

    Paris le 28 mai 2010

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    Notes

    (1) L’accord intervenu le 17 mai à Téhéran entre l’Iran, le Brésil et la Turquie (signé par les ministres des Affaires étrangères des trois parties prenantes en présence des Présidents iranien Mahmoud Ahmadinejad, brésilien Luiz Inacio Lula da Silva et du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan), porte sur l’envoi en Turquie par l’Iran de 1200 kilos d’uranium enrichi à 3.5% pour y être ultérieurement échangé contre un combustible enrichi à 20% destiné à un réacteur de recherche médicale situé dans la capitale iranienne

    (2) Le Marcosud ou Mercosur associe Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay au sein d’une zone de coopération soutenue par une volonté collective de rapprochement politique ou juridique, un projet qui est donc assez éloigné de celui de l’ALÉNA (Accord de libre-échange nord-américain), simple zone de libre échange sans tarif extérieur commun. Formé en 1991 avec la signature du traité d’Asunción, le Marcosud constitue le troisième marché intégré au monde après l’UE et L’ALÉNA

    (3) La première fois fut en 2003 lorsqu’Ankara refusa l’utilisation des bases américaines de son territoire – notamment Encirlik où les É-U entreposent des têtes nucléaires – et le survol de son territoire par les appareils de l’US Air Force, en soutien de l’assaut lancé depuis le Nord (et le Kurdistan) sur Bagdad.

    (4) La Secrétaire d’Etat américaine, Mme Hillary Clinton, a déclaré lundi 24 mai à Pékin que le « le projet de résolution sur lequel se sont mis d’accord tous les partenaires du groupe des 5+1 [constituait] un message clair à la direction iranienne : respectez vos obligations ou affrontez un isolement croissant et les conséquences[…]La perspective d’un Iran doté de l’arme nucléaire nous inquiète tous. Et pour résoudre cette menace, ensemble nous avons mené une double approche : engagement et pression, visant à encourager la direction iranienne à changer de voie ». Les États-Unis sont en effet parvenus à convaincre la Chine et la Russie de soutenir le projet de résolution du Conseil de sécurité des NU pour un quatrième train de sanctions contre l’Iran. Les cinq membres permanents (États-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne + l’Allemagne) constituent le groupe de six grandes puissances chargées du dossier nucléaire iranien.

    (5) L’infléchissement de la politique française vers un retour dans le giron atlantique, se fait sentir à partir du 2 septembre 2004 lorsque la France se rallie à la Résolution 1509 du Conseil de sécurité des NU, laquelle préconise le retrait syrien du Liban. Six mois après l’adoption de la R. 1509, l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri est assassiné le 15 février 2005. Le rapprochement de la France – son voyage à Canossa ! - et des É-U sera complet lorsque le Président Sarkozy revient officiellement en 2009 dans le commandement intégré de l’Otan (dont de Gaulle avait retiré la France en 1966), ce qui était déjà un état de fait des troupes françaises combattant depuis août 2003 en Afghanistan, sous la bannière de l’Otan et sous commandement américain.

    (6) Alors que l’État hébreu se livrait à des manœuvres d’envergure pour contrer une éventuelle attaque de son territoire par des missiles, les É-U complétait leur dispositif offensif dans le Golfe et alentours. Carrier Strike Group 10, headed by the USS Harry S. Truman aircraft carrier, sails out of the US Navy base at Norfolk, Virginia Friday, May 21. On arrival, it will raise the number of US carriers off Iranian shores to two. Up until now, President Barack Obama kept just one aircraft carrier stationed off the coast of Iran, the USS Dwight D. Eisenhower in the Arabian Sea, in pursuit of his policy of diplomatic engagement with Tehran. For the first time, too, the US force opposite Iran will be joined by a German warship, the frigate FGS Hessen, operating under American command. It is also the first time that Obama, since taking office 14 months ago, is sending military reinforcements to the Persian Gulf. Our military sources have learned that the USS Truman is just the first element of the new buildup of US resources around Iran. It will take place over the next three months, reaching peak level in late July and early August. By then, the Pentagon plans to have at least 4 or 5 US aircraft carriers visible from Iranian shores.The USS Truman’s accompanying Strike Group includes Carrier Air Wing Three (Battle Axe) - which has 7 squadrons - 4 of F/A-18 Super Hornet and F/A-18 Hornet bomber jets, as well as spy planes and early warning E-2 Hawkeyes that can operate in all weather conditions ; the Electronic Attack Squadron 130 for disrupting enemy radar systems ; and Squadron 7 of helicopters for anti-submarine combat (In its big naval exercise last week, Iran exhibited the Velayat 89 long-range missile for striking US aircraft carriers and Israel warships from Iranian submarines.) Another four US warships will be making their way to the region to join the USS Truman and its Strike Group. They are the guided-missile cruiser USS Normandy and guided missile destroyers USS Winston S. Churchill, USS Oscar Austin and USS Ross. http://www.zerohedge.com/article/us...

    (7) Georges Bataille « La part maudite », essai d’économie générale – Paris 1949.

    (8) « Les Machiavéliens » James Burnham. New-York 1943.

    (9) Le paléocortex mammalien ou deuxième cerveau, cercle d’un limbe le paléocortex reptilien. Le système limbique intervient essentiellement dans la régulation des comportements, des instincts, des émotions et de la mémoire.

    (10) Phalanx est un système d’artillerie multitubes utilisé sur les navires de surface pour la défense aérienne à très courte portée. L’affût comporte six tubes de 20 mm tirant chacun à la cadence de 4500 coups par minute et dressant face à l’assaillant un véritable mur d’acier. En tir horizontal, sa portée est d’environ 1500 mètres, Phalanx est à ce jour un outil inégalé pour contres les attaques de missiles air-mer type Exocet et surtout contre les petites embarcations rapides dont est dotée en grand nombre la marine iranienne.


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  • L’énorme erreur d’Israël

    Ce qui s’est passé au large de Gaza est à la fois un drame, un symbole et un signe d’une tendance nouvelle dans la double évolution de la stratégie israélienne conduite par Tsahal et de l’opinion mondiale face à l’Etat d’Israël et la question palestinienne. <o:p></o:p><o:p>
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    Par quoi commencer ? Dix, quinze morts ? Personne ne dispose d’information précise et pour cause, l’armée israélienne impose depuis quelques années un contrôle strict des images et informations. Israël mène un combat pour éviter que son image ne s’effondre dans l’opinion internationale et notamment l’appréciation de ses soutiens historiques, Etats-Unis et France notamment. Depuis quelques années, la politique de l’Etat-major israélien fait l’objet de critiques, à la fois par ses actions jugées à travers l’opinion internationale, et ses stratégies critiquées par une population israélienne très divisée. Les généraux ont pris le risque d’un incident « regrettable » qui était prévisible. <o:p></o:p><o:p>
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    Les amis d’Israël peuvent bien faire valoir que les humanitaires peuvent très bien passer par la voie terrestre après un filtrage tactique, n’empêche que la situation à Gaza est comparable à celle d’un camp « fermé » (par pudeur, je n’emploierai pas un autre mot plus connoté) et qu’aucun pays n’accepterait qu’on lui refuse l’accès à ses eaux territoriales. Le but de cette flottille humanitaire était donc aussi d’ordre géopolitique, visant à briser un blocus contraire aux lois internationales dont du reste Israël se contrefout, au nom de la sacralité de sa sécurité qui place ses actions au-dessus du droit des nations. Est-ce légitime à défaut d’être légal ? Mon propos ne portera nul jugement de valeur ni ne désignera des bons et des méchants. Il s’agit pour l’instant d’analyser un événement dont on ne peut prévoir les conséquences mais une chose est certaine, la presse réagit et ce matin, déjà plus de 600 dépêches et billets répertoriés sur Google actualité. Alors que du côté diplomatie, ça s’agite ferme et nombre d’ambassadeurs israéliens ont été convoqués. <o:p></o:p><o:p>
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    Sur le plan géopolitique, cet événement est emblématique car il signe la marque d’une Turquie décidée à jouer un rôle plus que local, lui rappelant la splendeur du temps où elle était le centre d’un empire. La flottille est partie d’un port en Turquie. C’est un signe, comme du reste quelques changements dans la diplomatie turque qu’on voit s’infléchir de plus en plus pour peser dans le dossier palestinien. La Turquie n’est plus vraiment l’ami d’Israël qu’elle fut depuis des décennies. Sans doute, le récent bombardement de Gaza a marqué en profondeur les alliances, les sympathies et ce n’est pas un secret que de dire qu’Israël a mis en danger non pas son territoire mais son image qui ne cesse de s’effriter au point qu’une brochette d’intellectuels français de confession juive se sont offerts une tribune pour mettre en garde les dirigeants israéliens sur cet effondrement de leur image, alors que les juifs américains sont de plus en plus nombreux à pratiquer une défiance vis-à-vis d’Israël. Ajoutons à cela la récente affaire de Dubaï avec l’assassinant d’un dignitaire palestinien par des agents très spéciaux. <o:p></o:p><o:p>
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    Cette attaque aura des conséquences importantes, notamment par son côté symbolique. Ce sont des civils et des navires humanitaires qui ont été attaqués dans les eaux internationales, au mépris des conventions. Pas besoin d’être sortie de l’X pour interpréter cet acte comme un fait de guerre. Et de plus, noter que cet acte de guerre, en plus d’être assorti de crimes de guerre, a été perpétré contre la communauté internationale, avec des membres de différents pays dont la Turquie et la France. L’image s’est renversée. On n’est plus dans l’époque où l’Etat d’Israël pouvait légitimement revendiquer une défense contre des Palestiniens venant se faire sauter sur le territoire israélien et donc, passant à juste titre contre des terroristes. Cela dit, si une accalmie se précise en Cisjordanie, rien n’autorise les activistes du Hamas à lancer des roquettes sur le territoire israélien. Mais dans cette flottille, il n’y avait pas de roquettes… a moins qu’inspirés par l’affaire des Irlandais de Vincennes, un improbable capitaine du Mossad ne place dans l’un des navires quelque objet suspect pour le montrer aux caméras… <o:p></o:p><o:p>
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    On peut se demander comment les autorités israéliennes ont pris le risque d’attaquer cette flottille au risque d’isoler de plus en plus Israël et ce au moment où de maigres lueurs de négociations avec Abbas se dessinaient. A vue de nez, il semble bien en Israël que certains ne veulent pas la paix, ne veulent pas d’un Etat palestinien, alors que le Hamas continue à troubler le jeu diplomatique. Bref, ce n’est pas demain que la paix reviendra. Quant au déroulement de cet incident et la violence de cette attaque, on pourra établir un rapprochement avec un article du Ha’aretz faisant état d’une nouvelle composition de l’armée israélienne. 2 % étaient des « religieux » en 1990. Ils sont 30 % en 2010. Je ne conclus pas, laissant BHL disserter sur ce qu’il considère comme l’armée la plus éthique du monde. <o:p></o:p><o:p>
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    Il n’y a pas de méchants ni de bons, pas plus qu’il n’y a l’axe du mal et celui du bien. Mais une chose est certaine, il y a des morts et des blessés et ce sont des civils. Un seul mot de conclusion, la civilisation se délite et comme bien souvent, ce processus associe un détachement vis-à-vis de la Loi et un délitement de l’autorité militaire et politique. Ce verdict ne visant pas forcément Israël mais aussi d’autres lieux sur cette planète. <o:p></o:p><o:p>
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    par Bernard Dugué (son site) lundi 31 mai 2010 - 389 réactions

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