• Le fonds de secours financera les recapitalisations. La Commission considère les banquiers responsables

    Joaquin Almunia est bien placé pour tirer les leçons de la crise bancaire ibérique. Le socialiste espagnol, commissaire à la Concurrence après avoir été chargé des Affaires économiques entre 2004 et 2009, a donc mis mercredi les points sur les «i», en confirmant le feu vert donné au plan de recapitalisation proposé par Madrid. «Il y aura bien sûr des conséquences sociales, et les premiers responsables en sont les dirigeants et les actionnaires des banques», a-t-il argumenté à Bruxelles.

    Au-delà de la question des aides d’Etat accordées aux quatre établissements financiers nationalisés, que la Commission estime compatible avec les règles communautaires, ce feu vert marque surtout un tournant dans l’utilisation des fonds de secours européens. C’est en effet le Fonds européen de stabilité financière (FESF) puis le Mécanisme ­européen de stabilité (MES) qui financeront ce premier volet de recapitalisations à hauteur de 37 milliards d’euros.

    Garantie des Etats

    La somme, qui sera empruntée sur les marchés avec la garantie des Etats de l’Union, devrait être versée début décembre au FROB, le fonds bancaire mis en place par Madrid. Objectif: ne pas peser sur les finances publiques espagnoles et ne pas alourdir la dette souveraine du pays. La possible intervention des fonds de secours dans la recapitalisation des banques avait été l’une des décisions clés du sommet de juin 2012.

    Joaquim Almunia n’a pas redonné de détails sur la surveillance de la mise en œuvre du plan. Une forte implication communautaire est toutefois attendue, conformément au protocole d’accord entre les pays de la zone euro et l’Espagne. Ce dernier, approuvé en juillet 2012, impose aux banques de mettre à l’écart leurs actifs toxiques dans une structure de défaisance, ou «bad bank», ce qui va être fait pour environ 45 milliards d’euros.

    Des inspections surprises de la Commission dans ces établissements sont aussi prévues. Bruxelles se prononcera le 20 décembre sur un second plan, concernant d’autres banques en difficulté.


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  • « Une opération destinée à refaire l'unité nationale autour de cet état de guerre... »

    Eric Hazan (chirurgien, éditeur de La Fabrique, écrivain) interviewé sur la situation à Gaza, et entre autres sur le thème de la révolution qu'il traite dans son livre récemment publié : Une histoire de la Révolution française.

     


    En direct de Mediapart : Entretien avec Eric Hazan por Mediapart

    Points clés de la partie traitant du conflit israélo-palestinien :

     

    Bientôt les élections en Israël, avec des surprises possibles.

    "On vit très bien à Tel Aviv"

    "une opération destinée à refaire l’unité nationale autour de cet état de guerre"

    "Netanyahu l’a joué : retenez-moi ou je fais un malheur !"

    "l’ennemi extérieur"

    "Le retour des cercueils de soldats, électoralement c’est pas formidable"

    "Les juifs sont comptables, des crimes qui sont commis, finalement qu’ils le veuillent ou nom, en leur nom..."

    Viabilité de l’Etat juif à court et long terme.

    Tout repose sur l’état de guerre et l’appui des Etats-Unis, qui ne sera pas éternel... indiférence qui va croissante de nombreux juifs américains

    Les colons israéliens (les plus fanatiques venant de Brooklyn)...

    "L’Autorité palestinienne ne représente rien"

    "Tout le monde sait qu’il n’y aura jamais un vrai Etat palestinien"

    "un Etat palestinien ça ne changera rien"

    "Discours de guerre travesti en faux discours de paix"

    "un Etat commun"

    "Le mythe des deux Etats"

    etc

    Éric Hazan, écrivain et éditeur de La Fabrique, était l’invité de Joseph Confavreux. Il est revenu sur son livre récemment publié, Une histoire de la Révolution française, mais aussi sur la situation à Gaza, etc. (Par Mediapart)


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  • Par Michel Philips

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    C'est un bien triste constat qu'a fait le Rapporteur Spécial des Droits à la Santé de l’ONU, Mr Grover.

    Mr Grover est un avocat indien près de la Haute Cour de Bombay. Il a été nommé au poste de Rapporteur spécial des Droits à la Santé de l’ONU en juin 2008 et exerce depuis sa fonction avec un zèle et une attention toute particulière aux droits sanitaires les plus élémentaires des citoyens du monde vis-à-vis d’industries puissantes, du lobby médical ou encore d’États tentant d’échapper à leurs responsabilités sanitaires.

    Il a séjourné 10 jours dans la région de Fukushima.

    Le texte complet de son constat est ici. Énumérons les principaux griefs adressés aux autorités japonaises.

    1. Les pilules d'iode n'ont pas été distribuées. Quand on sait que ce geste devrait être la première mesure de prophylaxie, on en reste pantois.

    2. Des informations capitales n'ont pas été adressées à la population. Cela a engendré une grande défiance.

    3. Les contrôles sanitaires devraient concerner une zone géographique beaucoup plus importante que celle retenue.

    4. Les contrôles sanitaires devraient s'adresser à une population plus plus importante.

    5. Le suivi sanitaire des employés sur la zone de la centrale nucléaire devrait se poursuivre au delà de l'arrêt de leur contrat. Ce n'est pas le cas. Il y a quelque chose de très cynique dans cette façon de faire.

    6. Les autorités sanitaires n'autorisent pas les habitants d'accéder à leur dossier médical. Il y aurait-il des raisons à cela ?

    7. Les études sanitaires ne devraient pas se limiter à la thyroïde. Elles devraient concerner les autres pathologies induites par la radio-activité.

    8. Les études épidémiologiques ne devraient pas se baser sur ce qui a été réalisé à Tchernobyl car on sait qu'en Ukraine, les études ont été volontairement limitées. Le Japon d'aujourd'hui fonctionnerait-il comme l'URSS d'hier ?

    9. Les autorités japonaises ont induit un "message trompeur" en relevant de manière trop importante le niveau de la radio-activité considérée comme sans danger (passage de 1 mSv à 20 mSv). Ici aussi, le cynisme sanitaire est patent.

    10. Les autorités japonaises ont établi des zones radioactives bien plus restreintes que celles établies consécutivement à l’accident de Tchernobyl. Sur la carte ci-dessous, on constate que cette radioactivité déborde très largement vers le nord-ouest la zone des 30 kms (cercle en trait continu).

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    11. Les experts japonais n’ont qu’une connaissance liminaire de la situation sur le terrain. Les communautés devraient être « beaucoup plus impliquées ».

    Venant de l'ONU (OMS), une autorité dont la partialité à l'égard du lobby nucléaire est connue, le constat de Mr Grover est accablant.


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  • Bienvenue dans la « zone libérée » d’Alep

    par Thierry Meyssan

    Grâce au soutien logistique de la France, les nouvelles autorités de la « zone libérée » d’Alep sont en train d’installer une dictature religieuse inspirée du modèle saoudien. La réalité est bien éloignée des discours lénifiants des présidents Sarkozy et Hollande sur la défense de la liberté et la promotion de la démocratie.

    Le gouvernement français assure être en contact permanent avec les représentants des « zones libérées » en Syrie et leur fournir une aide logistique. Il déclare également œuvrer à ce que la révolution ne soit pas détournée par des islamistes.

    Cependant, la Coalition nationale, qui avait été saluée comme représentant à la fois l’opposition de l’extérieur et celle de l’intérieur, a été récusée par le Comité révolutionnaire d’Alep qui a instauré un gouvernement islamique dans la « zone libérée » [1].

    Le gouvernement français n’a pas clarifié sa position. Il n’a pas indiqué avoir suspendu son aide logistique (à la fois humanitaire et militaire « non létale ») à la « zone libérée » d’Alep, bien que celle-ci soit clairement aux mains des islamistes et qu’ils aient dénoncé la démocratie comme « un complot de l’Occident ». On se souvient que la France avait soutenu l’Émirat islamique de Baba Amr et que François Hollande a reçu en grande pompe plusieurs de ses dirigeants en fuite, le 6 juillet 2012 à Paris.

    Il est difficile de se faire une idée précise de ce qui se passe à Alep, où trois quartiers sont désormais sous contrôle de groupes armés. Contrairement à Baba Amr (Homs), dont la population s’était enfuie lorsque un Émirat islamique y avait été proclamé, une partie des habitants serait restée sur place et soutiendrait les nouvelles autorités. Les hérétiques (sunnites soufis, chiites, y compris les druzes, alaouites et ismaélites) et les infidèles (chrétiens) ont été expulsés et leurs biens confisqués.

    Les troupes gouvernementales n’osent pas donner l’assaut de peur de provoquer un bain de sang et de nouvelles destructions. Petit à petit, une nouvelle vie s’organise.

    Quoi qu’il en soit, les autorités « révolutionnaires » viennent de créer un Comité pour ordonner le Bien et prohiber les actes impies et, le 22 novembre, de publier leur premier acte législatif, dont nous donnons ici la traduction exhaustive :

    « Au nom de Dieu clément et miséricordieux, Les troubles qui secouent notre nation islamique ne doivent pas surprendre. Elle fait face aux dilemmes et aux épreuves qui l’entourent. Chaque nuit est plus sombre que la précédente. Les temps sont critiques. Le moment est difficile. Nous voyons certains de nos frères se dirigeant aveuglément dans les ténèbres. On dirait qu’ils se pressent vers leur malheur, tombant aux genoux de l’Occident sans réfléchir, courant vers le vide, pensant que le mode de vie des infidèles est le sommet de la culture, leurs mœurs la base du développement, et leurs idées la source de lumière, sans la moindre étude, ni quête. La charia et les faits montrent que ce point de vue est illégitime et impur. Des Fatwas ont été délivrées en ce sens par les plus grands cheikhs de notre nation : leurs saintetés Abd al-Aziz ibn Abd Allah ibn Baaz [2], Abdul-Azeez ibn Abdullaah Aal ash-Shaikh [3], Muhammad ibn al Uthaymeen [4], Abdullah Ibn Jibreen, [5], Saleh al Fawzan [6], Bakr abu Zayd [7], Abdullah bin Ghailan et bien d’autres. Par exemple, combien de femmes vertueuses ont été déshonnorées ? Et combien de jeunes filles libérées [par l’islam] ont été offensées dans leur dignité lors d’accidents de la route ? L’un marchandant pour son honneur, l’autre prenant avantage de sa faiblesse, le troisième jouant avec ses émotions… surtout lorsqu’il sait que la pauvre fille est embarrassée par la situation et ne veut pas que son mari ou son tuteur en soit informé. C’est pourquoi le Conseil militaire et le Conseil civil provisoire d’Alep ont donné ces explications aux habitants d’Alep et ont décidé qu’il est interdit aux femmes de conduire. Toute personne contrevenant sera punie jusqu’à ce qu’elle renonce, au besoin par l’usage de la force. Le Comité pour ordonner le Bien et prohiber les actes impies est chargé de l’application de la présente. »


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  • Par Pierre Rousselin Mis à jour <time class="updated" datetime="26-11-2012T12:10:00+02:00;">le 26/11/2012 à 12:10</time> | publié <time datetime="26-11-2012T11:01:00+02:00;" pubdate="">le 26/11/2012 </time>
     
    Une manifestation pour l'indépendance de la Catalogne a rassemblé un million et demi de personnes dans les rues de Barcelone le 11 septembre.
    Une manifestation pour l'indépendance de la Catalogne a rassemblé un million et demi de personnes dans les rues de Barcelone le 11 septembre. Crédits photo : LLUIS GENE/AFP
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    DÉCRYPTAGE - La région a beau être la plus endettée du royaume, les autorités barcelonaises rejettent la faute sur Madrid et affirment de plus en plus son désir d'indépendance.

    La profonde crise que traverse l'Europe atteint l'Espagne de plein fouet. Au moment où les réformes courageuses entreprises pour combattre l'explosion de la dette commencent seulement à porter leurs fruits, la Catalogne remet en cause l'unité du pays. La région a beau être la plus endettée d'Espagne et dépendre de l'aide de l'État central pour remettre de l'ordre dans ses comptes, les autorités de Barcelone préfèrent rejeter la faute sur Madrid. Les élections régionales qui se sont tenues dimanche montrent à quel point le défi indépendantiste peut prospérer lorsque l'avenir économique d'un pays est compromis.

    le nouveau parlement catalan

    Il y a longtemps que les Catalans, fiers de leur identité culturelle et linguistique, revendiquent toujours plus d'autonomie, notamment financière, jugeant qu'ils versent davantage à l'État central qu'ils n'en reçoivent. Cette aspiration «catalaniste» a été très mal gérée ces dernières années avec l'adoption en 2006 par le gouvernement socialiste de José Luis Zapatero d'un nouveau «statut catalan» qui a dû, ensuite, être retoqué par le Conseil constitutionnel.

    Les difficultés dues à la crise ont décuplé la frustration accumulée, qui a explosé dans la rue le 11 septembre dernier, à l'occasion de la «Diada», la fête de la Catalogne. Ce jour-là, un million et demi de personnes ont défilé dans Barcelone. Le défilé ayant été récupéré par les indépendantistes, les nationalistes modérés au pouvoir à Barcelone ont aussitôt radicalisé leur discours. Ils ont anticipé de deux ans les élections régionales en s'y présentant avec un programme résolument souverainiste.

     

    Le référendum qu'ils proposent de tenir en Catalogne au cours de la prochaine législature est contraire à la Constitution de 1978. Il remet en cause l'Espagne des autonomies qui a permis, depuis le retour de la démocratie, d'assurer l'unité du pays face aux revendications basque et catalane.

    Ambiguïté

    En quelques semaines, l'idée d'un État indépendant, auparavant envisagé seulement dans des milieux radicaux, s'est mise à être très largement débattue dans le discours politique catalan.

    Artur Mas, le président de la Généralitat et dirigeant du parti nationaliste Convergencia i Unio, cultive l'ambiguïté en évoquant une Catalogne qui serait membre à part entière de l'Union européenne. Il oublie de dire qu'une séparation de l'Espagne ne serait pas acceptée par Madrid. Elle impliquerait de la part du nouvel État une négociation des termes de l'adhésion à l'Union européenne, celle-ci devant être ratifiée par l'ensemble des pays de l'Union, y compris l'Espagne.

    Le défi indépendantiste plonge une Espagne déjà économiquement vulnérable dans une grave crise institutionnelle. Pour éviter le démembrement, d'autres options devraient être possibles afin d'amender dans un sens plus fédéral le système actuel des 17 autonomies. Il y va de l'unité de l'Espagne et de sa viabilité, politique et économique, comme de l'avenir d'une Europe dont les dirigeants ont le regard ailleurs mais qui est aussi minée par ses régionalismes, qu'il s'agisse de l'Écosse, qui tiendra un référendum en 2014, de la Flandre ou bien de la Padanie, en Italie du Nord.


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  • Benoît Vitkine Le Monde

    En réponse aux injonctions de la «troïka», les dépenses publiques dans le domaine de la santé ont subi une diminution de 32% depuis 2009. La situation se dégrade à mesure que le chômage augmente et que le nombre de cotisants diminue. Reportage dans les hôpitaux de Thessalonique, deuxième ville de Grèce, où les médecins «jouent à Dieu»

    C’était en 2009, il y a une éternité. L’époque où l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) jugeait le système de santé grec «relativement efficace», l’époque où les médecins de Thessalonique avaient réussi à soigner le mélanome dont souffrait Mme I. Trois ans plus tard, quand le cancer est revenu, ils n’ont pas même essayé.

    C’est M. I. qui raconte. Anonymement, par peur de «représailles»: «Les médecins ont prescrit un traitement à ma femme, mais comme les dépenses engagées étaient potentiellement lourdes, celui-ci devait désormais être validé par une commission de médecins et de responsables de l’administration. Cette commission a refusé le traitement, et quand je suis allé chercher les résultats, l’un de ses membres m’a pris à part: «Nous avons dû faire un choix, et nous allons garder l’argent pour soigner des enfants. Votre femme a 62 ans, laissez-la donc mourir à la maison».»

    Le cas est extrême, isolé, mais partout dans les 13 hôpitaux de Thessalonique, la deuxième ville de Grèce, des médecins «jouent à Dieu», selon le mot de Leta Zotaki, cheffe du service de radiologie de l’hôpital de Kilkis, au nord de la ville. «Quand le papier radiographique manque, on décide de qui a le plus besoin de l’examen, on fait du troc avec les autres hôpitaux, ou bien on demande aux patients d’acheter le matériel», explique cette syndicaliste, qui a elle-même vu son salaire de 4000 euros (4800 francs) divisé par deux et dont les gardes ne sont pas payées depuis le mois de mai.

    Sur la porte d’une salle de l’hôpital, des infirmières ont accroché une affichette: «N’apportez pas de chocolats à vos proches, achetez-leur du papier toilette.» Tout manque: gants en latex, compresses, réactif pour les examens sanguins, cathéters… Seule consolation, les employés des hôpitaux publics ont pour l’heure échappé aux mises au chômage technique qui sont monnaie courante dans d’autres secteurs publics. Mais les médecins partis – à la retraite, dans le privé ou à l’étranger – ne sont pas remplacés: à Kilkis, on est passé de 160 à 125 praticiens.

    Dès avant le début de la crise, les caisses d’assurance maladie grecques étaient structurellement déficitaires. Tous les deux ou trois ans, l’Etat les renflouait. Mais depuis 2009, en réponse aux injonctions de la «troïka» (UE, FMI, BCE) et dans l’espoir d’équilibrer les finances du pays, les dépenses publiques dans le domaine de la santé ont subi une diminution de 32%. Et la situation s’est dégradée à mesure que le chômage augmentait (25% en novembre) et que le nombre de cotisants diminuait.

    L’hôpital public, qui avait déjà subi des coupes budgétaires de 40% entre 2007 et 2009, est entré dans la crise en situation de grande faiblesse. Pour tenter de rétablir les comptes, les patients se sont vu demander un paiement forfaitaire de 5 euros (passé à 25 euros (30 francs) dans le budget voté à l’automne) pour toute consultation, puis une participation variable aux frais médicaux. Sans compter, parfois, la fakelaki, l’«enveloppe» de quelques billets qui fait office de coupe-file et atterrit directement dans la poche du médecin.

    Les chômeurs, eux, ne sont plus couverts un an après la perte de leur emploi et doivent s’acquitter de la totalité des frais médicaux. Le plus souvent, ils ne soignent pas et attendent que les pathologies s’aggravent pour finalement se rendre aux urgences. Les admissions y ont bondi d’un tiers. Les unités de soins intensifs sont également débordées: les syndicats estiment que 30 à 40 personnes sont chaque jour privées d’accès à ces services.

    L’autre solution, pour les malades désargentés, paraît bien dérisoire. A Thessalonique, elle se trouve rue Ionos-Dragoumi, un appartement anonyme sommairement transformé par Médecins du monde (MDM) en cabinet de crise. Une cinquantaine de personnes patientent jusque dans les escaliers avant d’être examinées par des médecins bénévoles à la mine épuisée, qui soignent les petites pathologies, distribuent des médicaments, assurent des vaccinations, se muent en psychologues ou en travailleurs sociaux.

    Paludisme et tuberculose

    «Il y a dix ans, nous avons ouvert le centre pour soigner les migrants de passage, raconte Sofia Garane, la jeune directrice de cette antenne locale de MDM. Avec la crise, le nombre de patients a été multiplié par dix et les Grecs sont devenus majoritaires.» Despina Ioanidou, 48 ans dont huit de chômage, vient régulièrement chercher des médicaments pour soigner son dos et sa dépression. «J’ai à peine de quoi payer mon électricité et ma nourriture, comment pourrais-je consulter un vrai docteur ou même aller à l’hôpital?»

    Depuis deux ans, les médecins de la rue Dragoumi ont aussi vu apparaître de nouvelles pathologies liées à la malnutrition des enfants. Dans tout le pays, des maladies oubliées ont fait leur retour, comme le paludisme ou la tuberculose.

    Totalement à plat, le système de soins grec frise l’explosion. Celui de la distribution de médicaments ne va guère mieux. En retard sur les remboursements, l’Etat doit près d’un milliard d’euros aux laboratoires et aux pharmaciens. Ces derniers, sachant qu’ils ne seront pas remboursés ensuite par les caisses d’assurance maladie, refusent très majoritairement de fournir gratuitement les médicaments aux patients.

    Les malades doivent dès lors avancer les frais, comme Panagiota C., qui a dû débourser 100 euros (120 francs) pour ses anticoagulants et attendre six mois avant d’être remboursée, ou errer à la recherche d’un hôpital ayant le remède en stock. Selon l’association pharmaceutique panhellénique, 300 médicaments sont désormais quasi introuvables et la situation est particulièrement grave pour les traitements cardiaques et contre le cancer. Quant aux laboratoires, ils menacent de suspendre les approvisionnements. Début novembre, le groupe Merck a annoncé qu’il cessait de fournir l’anticancéreux Erbitux aux hôpitaux en retard de paiement.

    «Tuer le système, sans le réformer»

    Les médicaments: voilà la solution, pour Stavros Baroutis, administrateur de l’hôpital Agios-Dimitrios, dans le centre de Thessalonique. En faisant passer de presque 0% à 47% la part de génériques utilisés dans son établissement, Stavros Baroutis a pu limiter les dégâts et supprimer «seulement» 80 lits.

    «La non-utilisation de génériques avant la crise est révélatrice des manques de notre système de santé», estime-t-il, égrenant la liste interminable de ses «excès»: aucune souplesse quant à la fermeture de services ou la diminution du nombre de lits; matériel de pointe acheté au prix fort puis laissé à moisir dans les caves des hôpitaux; absence de dossier médical; examens réalisés en double ou en triple; médecins trop nombreux; gaspillage des petits consommables…

    «Cette crise aurait pu être l’occasion de remettre ce système à plat, explique Stavros Baroutis en trottinant dans les couloirs mal éclairés de son hôpital. Mais la purge est telle, les coupes si violentes, que l’on va tuer le système sans lui permettre de se réformer.»


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  • Interview de Shulamit Aloni, ex-ministre


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