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    la contre-révolution libérale

     



    A la fin des années 60, le pouvoir des "Maitres du Monde" a vacillé pour la première fois... et aussi pour la dernière fois.

    Simultanément dans plusieurs pays du Monde, des mouvements de masse spontanés engendrés par des causes différentes avaient en commun d'exprimer au même moment une révolte contre le pouvoir et l'ordre établi.

    Aux Etats-Unis, la révolte des étudiants contre la guerre au Viet-Nam.

    En France, Mai 68 et la révolte de la jeunesse contre le manque de libertés et l'atmosphère étouffante de la France des années De Gaulle, et une contestation de la "société de consommation".

    En Tchécoslovaquie, la révolte contre l'ordre communiste imposé par l'Union Soviétique.

    1968 fut une révolution politique, mais aussi culturelle, avec des centaines d'artistes, musiciens, cinéastes, philosophes, écrivains qui inventaient une nouvelle manière de voir le monde, de ressentir les choses, et de les exprimer, autour de valeurs à l'opposé du conditionnement social.

    Les élites dirigeantes ont d'abord été sous le choc de cette révolution qu'ils n'avaient pas vu venir, et qui menaçait directement leur emprise sur la société et leur système de contrôle par le travail, la consommation et le divertissement.

    Il leur fallut 4 années pour mettre au point leur réponse, dont le but était de neutraliser la contestation sociale, et de la rendre de plus en plus difficile à l'avenir.




    Puisque la jeunesse dénigrait la consommation le travail et l'argent, le meilleur moyen de les rendre à nouveau désirables était d'en organiser le manque.

    Par ailleurs, il fallait contrer la montée des revendications syndicales et renverser le rapport de force entre l'entreprise et les salariés. La solution était d'organiser un chômage massif et permanent, afin que chaque salarié vive sous la pression et la peur du chômage.

    C'est ainsi que fut décidée et montée de toutes pièces la "crise du pétrole" de 1973. La cause officielle fut l'embargo sur le pétrole décidé par les pays arabes en représailles contre l'Occident après la guerre du Kippour. Le doublement des prix du pétrole a provoqué une crise économique mondiale. Ce qui est moins connu est cette hausse des prix résultait d'un accord conclu entre les Maitres du Monde (via la CIA), les multinationales pétrolières, et les pays producteurs. Chacun y trouvait son compte. Les pays producteurs augmentaient considérablement leurs revenus, les compagnies pétrolières augmentaient également leurs profits (leur rémunération est calculée en pourcentage par rapport au prix du brut), et les Maitres du Monde obtenaient la crise nécessaire à la réalisation de leur Plan. Un homme a joué un rôle-clé pour s'assurer la collaboration des pays producteurs: George H.W. Bush, le père de George W. Bush. Depuis la fin des années 50, il travaillait officieusement pour la CIA, tout en dirigeant une société pétrolière qu'il avait créé au Texas, la Zapatta Petroleum, également utilisée comme couverture par la CIA, et grâce à laquelle il avait établi des relations personnelles étroites avec les dirigeants des pays du Golfe, en particulier ceux de l'Arabie Saoudite.

    La "crise économique" fournit le prétexte pour "dégraisser" massivement les effectifs des entreprises, en remplaçant les salariés par des robots et des ordinateurs. La diminution du nombre de salariés et la quasi-disparition des ouvriers a permis de réduire fortement le nombre de salariés syndiqués. Et ceux qui restaient étaient contraints d'accepter le gel de leur salaire, au nom des "efforts" que les gouvernements demandaient aux citoyens pour "sortir de la crise".

    Pendant ce temps, les grandes entreprises ont multiplié leurs profits de façon astronomique. Malgré tout, il était nécessaire de faire croire aux populations que la crise continuait, afin de justifier le chômage massif et le gel des salaires. Les dirigeants politiques ont continué à parler de "crise" jusqu'en 1992, lorsque les profits avaient atteints de tels niveaux qu'il était impossible d'utiliser ce subterfuge plus longtemps.



    Pour appliquer leur Plan, les Maitres du Monde devaient changer les gouvernants encore majoritairement partisans de l'Etat-Providence, en les remplaçant par des "agents" dévoués au Plan. La "crise économique" avait permis de créer des difficultés économiques propices à une alternance politique, en proposant aux électeurs une idéologie nouvelle (le libéralisme) qui permettait de faire croire que les problèmes économiques pouvaient être résolus comme par magie en réduisant le poids de l'état, en donnant une liberté totale aux entreprises, et en réduisant leurs impôts ainsi que ceux des classes les plus favorisées.

    Au début des années 1980, les principaux pays occidentaux sont passés sous le contrôle des "agents" de l'idéologie libérale, avec Ronald Reagan aux Etats-Unis, Margaret Thatcher en Grande-Bretagne, Giscard et Raymond Barre en France, Giulio Andreotti en Italie, Helmut Kohl en Allemagne. Tous ont appliqué de manière synchronisée la même politique, en disant à leur population que cette politique était "la seule possible" pour être "plus compétitif", retrouver la "croissance" et "sortir de la crise". Par la suite, la croissance est revenue, mais uniquement pour les bénéfices des entreprises, sans que les salariés en profitent. Pour eux, la "crise" n'a jamais cessé.

    Cette première phase de restructuration mondiale s'est achevée avec succès au début des années 1990, avec un bouquet final: la fin de l'Union Soviétique en 1991. Grâce au travail de sape de leur agent Boris Eltsine, les Etats-Unis avaient réussi à faire chuter Gorbatchev, artisan de la démocratisation du bloc de l'est et de la chute du mur à Berlin, mais qui avait le tort de proposer une alternative au libéralisme, avec une "troisième voie" entre capitalisme et communisme.

    En 1991, tout était prêt pour le lancement de la 2è grande phase du Plan: le Nouvel Ordre Mondial, proclamé par George Bush père à l'occasion de la première guerre contre l'Irak.

    Ce "nouvel ordre mondial" allait rapidement se traduire par ce qu'on allait appeler la "mondialisation", c'est à dire la suppression des barrières douanières pour les marchandises et les capitaux. Ce fut réalisé en 1995, en même temps que la création de l'OMC qui est fonctionellement le ministère mondial du commerce. Dès lors, il n'y avait plus aucun obstacle aux "délocalisations", le moyen ultime pour instituer un nouvel esclavage, grâce à un marché de travail mondialisé où les salariés occidentaux seraient directement en concurrence avec les salariés sous-payés des "pays émergents", cette concurrence engendrant une baisse spectaculaire du "coût du travail", et une augmentation sans précédent des profits (principe des vases communiquants).


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  • BNP : 1 milliard pour 4000 traders, 60 millions pour 45000 salariés

    1 milliard d’euros de bonus pour les traders, 1% d’augmentation et 1200 euros de primes pour les salariés, soit 60 millions d’euros, tout compris. C’est la recette aigre-douce concoctée par BNP-Paribas pour l’année 2010.

    En 2009, BNP-Paribas a réalisé un bénéfice net de 5,8 milliards d’euros (+93% par rapport à 2008). Et pour remercier ses actionnaires de leur inébranlable fidélité, la banque distribuera un tiers de ce résultat sous forme de dividendes, soit 1,50 euro par action (+50% par rapport à 2008). Curieusement, personne - ou presque - ne précise que ces bons chiffres sont principalement dus à sa division spéculative BFI, dont les résultats ont triplé, à plus de 12 milliards d’euros. En clair, le groupe a amassé son pactole en spéculant sur les marchés. Le capitalisme enfin moralisé... on a failli attendre !

    1 milliard de bonus pour les traders, 1% pour les salariés

    Quoi de plus normal, dans ces conditions, que de regonfler le moral de ses traders (ravagé par la crise) à grand coup de pompe à phynance ? 500 millions de bonus en cash, sous forme de versement immédiat, et autant d’ici l’année prochaine, si le résultat de leur spéculation se confirme. Ce qui ne manquera pas d’arriver puisque Baudouin Prot, Directeur Général de BNP-Paribas, a d’ores et déjà annoncé n’avoir "aucunement les moyens de suivre sur trois ans les opérations individuelles d’un trader. C’est économiquement et comptablement totalement impossible". Curieux, pour quelqu’un qui s’y est pourtant solennellement engagé devant le chef de l’Etat.

    Résultat : un milliard d’euros de bonus... pour 4000 traders. De l’autre côté, les 45 000 salariés restants de la banque se contenteront d’1% d’augmentation... une faveur évaluée à 15 millions d’euros. Ce à quoi il faut royalement ajouter une prime exceptionnelle de 1200 euros, estimée à 47 millions d’euros par les syndicats.

    60 millions (d’augmentations et de primes) pour 40 000 salariés...

    soit environ le montant payé aux 10 plus hauts salaires de la banque en 2008 (et la moitié de celui versé en 2006 et 2007). Mélangez cela aux 29 millions d’actualisation des retraites chapeau de quelques dirigeants méritants, ajoutez-y les 5,6 millions d’euros de stock-options levés par le président et le DG de l’établissement, et saupoudrez finalement d’une petite pincée de primes aux dirigeants pour l’acquisition de Fortis... vous obtiendrez une recette pimentée à souhait ! Servir chaud bouillant, accompagné d’un magnum de vaseline bien frais...

    La BNP, "bon élève"...

    Pas avare de petites blagues, durant les négociations avec les syndicats, la direction s’est targuée d’avoir fait un effort monumental en émettant ces propositions "très significatives et très exceptionnelles". On pouffe. Et l’impayable Christine Lagarde d’en rajouter une louche, après l’annonce des résultats de la banque : "La BNP est bon élève et j’espère que l’ensemble des banques françaises vont suivre le même exemple pour qu’il y ait un peu de rigueur"...

    Et les clients ? Ils se contenteront de pleurer sur leurs relevés de frais bancaires, qui gonflent un peu plus tous les ans.


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  • Le Mossad fait le ménage

    la presse israélienne a laissé entendre que le Mossad était bien responsable de l'élimination de Mabhouh, le gouvernement se borne à expliquer qu'aucune preuve irréfutable n'a été pour le moment présentée. Samedi, le vice-ministre israélien des Affaires étrangères Dany Ayalon a affirmé qu'«Israël ne s'attend pas à une crise avec les pays européens car Israël n'a aucun lien avec ce qui s'est passé». Si l'Etat hébreu tente ce qui ressemble à un véritable coup de bluff, c'est que le premier ministre lui-même pourrait être impliqué dans l'affaire. Selon l'hebdomadaire The Sunday Times, qui reprend des sources internes au Mossad, Benjamin Netanyahou a rencontré les membres d'un commando au quartier-général du Mossad à Tel Aviv, avant qu'ils ne se rendent à Dubaï. «Le peuple d'Israël compte sur vous», aurait même déclaré le chef du gouvernement.

    Le quotidien israélien Yediot Aharonot rapporte qu'un homme soupçonné d'avoir participé à l'assassinat sous l'identité de Michael Bedenheimer a mystérieusement disparu en Israël. Son nom, qui figurait encore la semaine dernière sur la plaque d'entrée d'un immeuble de bureaux à Tel-Aviv, n'apparaissait plus dimanche et il s'avère que la société qui avait loué le bureau dans cet immeuble discret est fictive.


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  • Armes de guerre pharmacologiques

    par Steve Wright

    La guerre contre les esprits est parfois plus qu’une métaphore. Une fois militarisées, les innovations apportées par les neurosciences et la recherche pharmacologique permettent d’envisager des armes radicalement nouvelles. Certaines sont déjà employées sur le champ de bataille en Irak, et, au nom de l’antiterrorisme, les recherches se poursuivent tous azimuts en utilisant une brèche de la convention sur les armes chimiques. Sans que certains scientifiques aient conscience des responsabilités qu’ils assument.

    Archive d’août 2007

    La pharmacologie de guerre est inéluctable. C’est du moins le constat qu’établit l’Association médicale britannique (BMA) dans son récent rapport sur l’utilisation de médicaments comme armes (1).

    Il y a déjà une quarantaine d’années que les médicaments sont étudiés pour leurs possibilités de transformation en armes de guerre. Du célèbre LSD au gaz BZ, diverses drogues militaires ont été testées sur les humains ; le gaz CS a été utilisé à grande échelle durant la guerre du Vietnam. Bonfire, un programme soviétique secret, a tenté de transformer en armes des hormones humaines responsables de certaines des principales fonctions du corps. On ne compte plus les produits chimiques utilisés lors des interrogatoires, ni les diverses substances psychoactives ou paralysantes employées pour inhiber les transmissions nerveuses, infliger la douleur ou causer des irritations (2).

    En raison de la nature extrêmement technique de ces recherches, les débats sont restés confinés aux organismes spécialisés dans les armes non conventionnelles, comme le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le Harvard-Sussex Programme sur les armes chimiques et bactériologiques et l’organisation Pugwash (3). Cependant, la révolution des connaissances dans les sciences de la vie a transformé du tout au tout les attentes et les capacités des militaires en matière d’armement biochimique.

    Les neurosciences modernes ouvrent des perspectives inimaginables. On sait désormais reprogrammer des molécules pour qu’elles ciblent certains mécanismes régulant le fonctionnement neuronal ou le rythme cardiaque. Ce qui relevait de l’expérience lourde est de plus en plus informatisé, et les composés bioactifs les plus prometteurs peuvent être identifiés et testés à une vitesse prodigieuse. Ces prouesses, qui font les beaux jours des « jeunes pousses » pharmaceutiques et offrent des espoirs de traitement pour des maladies jusqu’ici incurables, intéressent aussi les militaires.

    Supprimer le sentiment de culpabilité

    Ce n’est pas exclusivement aux ennemis et opposants qu’est destinée l’application sécuritaire des neurosciences. En Irak, les Etats-Unis et leurs alliés utilisent des drogues permettant d’améliorer la vigilance de leurs soldats. Dans un avenir proche, nous verrons des troupes partir au combat chargées de médicaments accroissant leur agressivité, ainsi que leur résistance à la peur, à la douleur et à la fatigue (4). La suppression des souvenirs est un des objectifs à portée de main de la pharmacologie ; ce n’est plus de la science-fiction que d’envisager, sur le champ de bataille, un personnel militaire au sentiment de culpabilité supprimé par des drogues, et protégé du stress post-traumatique par un effacement sélectif de la mémoire.

    La tentation économique est forte, surtout quand on sait que les séquelles mentales de la guerre concernent cinq fois plus de soldats que les souffrances physiques, et coûtent une fortune à l’armée.

    Le rapport de la BMA donne donc l’alerte : en dépit des conventions interdisant les armes biologiques et chimiques, les gouvernements « font preuve d’un intérêt considérable pour les possibilités d’usage des drogues comme armes ». Une part de cet intérêt provient de la quête d’armes non létales (lire « Vers des tranquillisants de combat »).

    En 1999, la commission des affaires étrangères, de la sécurité et de la politique de défense du Parlement européen avait réclamé « un accord international visant à interdire au niveau global tout projet de recherche et de développement, tant militaire que civil, qui vise à appliquer la connaissance des processus du fonctionnement du cerveau humain dans les domaines chimique, électrique, des ondes sonores ou autres au développement d’armes, ce qui pourrait ouvrir la porte à toute forme de manipulation de l’homme (5) ». Les attentats du 11 septembre 2001 ont mis fin à cette volonté de contrôle démocratique des technologies de sécurité. Le complexe sécuritaro-industriel s’est retrouvé seul pilote à bord, avec des budgets illimités (6).

    Pour la BMA, l’utilisation d’armes pharmacologiques non létales « est simplement impossible sans engendrer une mortalité significative dans la population cible. L’agent [chimique] qui permettrait de provoquer une incapacité (…) sans risque de décès dans une situation tactique n’existe pas, et a peu de chances de voir le jour dans un avenir proche ».

    Le rapport fait état d’un spectre très large de craintes, concernant : les personnels de santé qui participeraient à l’élaboration ou à l’exécution d’une attaque médicalisée ; la collecte de données sur les effets de ces médicaments ; le rôle de la médecine et de la connaissance médicale dans le but de développer des armes ; le double rôle des médecins s’ils devaient, d’un côté, « ne pas nuire » et, de l’autre, défendre la sécurité nationale ; le rôle des professionnels de santé dans la mise à l’écart du droit international.

    Ces inquiétudes ont trouvé une illustration frappante dans l’assaut d’un théâtre de Moscou par les forces spéciales russes le 23 octobre 2002. Plus de cent trente des neuf cent douze otages périrent (un taux de mortalité supérieur à celui du combat de terrain, où il est en moyenne de un pour seize). Accusées d’avoir maquillé les certificats de décès, les autorités n’ont toujours pas dévoilé le nom de l’agent chimique employé lors de l’assaut. Un collectif a dénombré plus de cent soixante-quatorze morts et des séquelles irréversibles parmi les survivants (7). De surcroît, la liquidation de tous les terroristes tchétchènes présumés renforce l’idée que l’utilisation de gaz facilite les exécutions arbitraires et évite le recours à la justice.

    Le rapport de la BMA exprime aussi la crainte que la dépendance des fabricants d’armes vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique contribue à abaisser le niveau d’exigence de qualité et de sécurité appliqué aux médicaments. Ecartées pour cause d’effets secondaires indésirables, des milliers de molécules dorment sur les étagères des laboratoires. Elles pourraient être recyclées (8), les recherches relancées, et les essais cliniques délocalisés vers des pays moins regardants. Dès lors que ces substances auront droit de cité dans les opérations de contre-terrorisme, le marché connaîtra une évolution florissante.

    L’inventivité concerne aussi la distribution des médicaments : mortier dispersant de grandes quantités d’agent chimique, pistolets de paintball modifiés (9), granules libérant l’agent chimique lorsqu’on les piétine, véhicules robotisés… A qui, au passage, pourra-t-on imputer la mort d’un passant aspergé de gaz incapacitant par un robot « autonome » piloté par un algorithme de décision ?

    Les conséquences peuvent aller des blessures immédiates à l’apparition de cancers à un horizon de… vingt ans, en passant par des scénarios de ciblage génétique ou de contrôle des émotions, de la fertilité ou du système immunitaire des populations. Le projet Sunshine, élaboré par un groupe spécialisé dans l’information sur les armes biologiques, a récemment mis au jour des documents de l’armée de l’air américaine, laquelle, dès 1994, envisageait de mener des recherches sur le concept « déplaisant mais complètement non létal d’aphrodisiaques forts, surtout s’ils provoquent des comportements homosexuels (10) ». Comment le monde réagira-t-il si un Etat militaire utilise ce type de drogue ?

    Il paraît d’autant plus important de stopper ces recherches que rien ne garantit que ces armes, une fois développées, resteront aux mains d’Etats « responsables ». Mais ne sont-elles pas déjà interdites par la convention sur les armes chimiques, entrée en vigueur en 1997 ? C’est là que le bât blesse : une disposition – art. II.9 (d) – de celle-ci autorise en effet ces armes dans certains cas. Essentiellement pour préserver la peine de mort par injection et le maintien de l’ordre par recours aux gaz lacrymogènes. Mais cette disposition crée ainsi une faille dans laquelle l’antiterrorisme s’est engouffré.

    Les négociateurs qui, au cours de l’année 2008, vont procéder à l’évaluation et à la révision de la convention affrontent une lourde responsabilité, car ces recherches ouvrent la voie à de nouvelles approches répressives pour gérer la contestation. Si elles ne sont pas très strictement encadrées, de nombreux laboratoires se lanceront dans la fabrication de nouvelles armes pharmacologiques.

    Dans une période marquée par la violation des normes internationales, des civils et des combattants risquent d’être bientôt visés collectivement par ces armes de nouveau type. Des commandos spéciaux se chargeant ensuite de procéder à des exécutions extrajudiciaires ciblées, au milieu d’une foule en état de choc.


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  • Un tournant en Europe

    par Chris Marsden

    La grève générale de mercredi en Grèce impliquant 2 millions de travailleurs de la fonction publique et du privé marque un tournant dans la situation politique en l’Europe. Elle représente la manifestation la plus significative d’un mouvement de résistance grandissant à l’encontre de la tentative des gouvernements d’Europe et des grands groupes de faire payer aux travailleurs la crise économique et les plans de sauvetage des banques s’élevant à plusieurs millions d’euros.

    Dès le départ de ce nouveau mouvement de la classe ouvrière, deux caractéristiques fondamentales émergent : le mouvement revêt un caractère transfrontalier et international et les travailleurs se voient immédiatement confrontés à la faillite de leur vieux syndicat et aux organisations politiques qui toutes sont attachées à un programme nationaliste.

    En effet, les mesures d’austérité sont imposées par les gouvernements de la « gauche » officielle tout comme ceux du « centre » et de la « droite ».

    Cette semaine l’on a assisté à une suite de grèves et de manifestations à travers l’Europe.

    Lundi, les 4.500 pilotes de Lufthansa en Allemagne ont débrayé. En France, les contrôleurs aériens ont fait grève en même temps que les travailleurs de six raffineries de pétrole. Les membres des équipages de cabine de British Airways ont voté à plus de 80 pour cent pour la grève.

    Mardi, des rassemblements de protestations ont eu lieu à Madrid, Barcelone et Valence contre les mesures d’austérité du gouvernement du Parti socialiste ouvrier (PSOE) espagnol de Jose Zapatero. Les syndicats de la République tchèque ont annoncé que les transports publics seraient paralysés la semaine prochaine.

    Une grève d’une journée dans la fonction publique est prévue le 4 mars au Portugal en raison de l’extension du gel des salaires dans le cadre des mesures destinées à faire passer le déficit de 9,3 pour cent à 3 pour cent du produit intérieur brut d’ici 2013. Les pilotes français ont également annoncé des projets de grève pour la fin de la semaine.

    Ces grèves et ces manifestations ne sont que les premières réactions des travailleurs européens à l’offensive qui est lancée contre eux. Les plus importantes manifestations ont eu lieu dans les pays où les coupes les plus rigoureuses ont été annoncées.

    Le Portugal, l’Italie, la Grèce et l’Espagne, les soi-disant « PIGS », ont été pris en ligne de mire par les banques et les spéculateurs financiers et ont été sommés par l’Union européenne de réduire sévèrement leurs déficits budgétaires. Ceci créera un précédent pour des coupes identiques de par l’Europe. Mais le fait que les luttes sociales se sont étendu, à l’Allemagne, la France et au Royaume-Uni révèle toutefois le développement éventuel d’un véritable mouvement paneuropéen.

    Ces mêmes tendances qui sous-tendent la réémergence de la lutte de classes en Europe existent aussi en Amérique du Nord et du Sud, en Asie et en Afrique.

    De nombreuses protestations et manifestations étaient relativement petites, un fait mis en avant par la presse économique pour exiger que les gouvernements respectifs restent fermes sur l’application des mesures d’austérité. Néanmoins, des commentateurs plus perspicaces étaient conscients des implications plus vastes de ces actions. Dans un article du journal Independent, Sean O’Grady a déclaré que les grèves signalaient le début de « l’hiver du mécontentement européen ». Elles « ne sont que les prémisses de la plus grande manifestation de mécontentement public vu sur le continent depuis la ferveur révolutionnaire de 1968 », a-t-il poursuivi.

    Commentant l’impact politique des mesures d’austérité qui plongeront des millions de personnes dans le chômage et démoliront les services sociaux en Grèce, au Portugal, en Espagne et en Italie, il a remarqué, « Les tensions démocratiques dans les pays qui avaient été menés par des dirigeants fascistes ou les militaires – et dont ces pays ont gardé un vif souvenir – sont en train de croître. »

    La base d’un mouvement social et politique embrassant le continent dans sa totalité a ses racines dans les problèmes communs auxquels les travailleurs sont confrontés dans une économie mondiale dominée par les grands groupes et les banques internationales. Ces organisations et les oligarques financiers qu’elles représentent exigent des réductions sans précédent dans les programmes sociaux, les salaires et les retraites afin de payer pour les milliers de milliards de dollars qu’ont octroyés les gouvernements européens aux banques. Elles spéculent même contre toute économie considérée être fortement endettée et qui refuse d’appliquer les attaques indispensables contre la classe ouvrière et augmentant de ce fait la pression financière sur les gouvernements visés.

    Jusque-là, le caractère objectivement international du mouvement qui se développe en Europe ne trouve aucune expression politique ou organisationnelle. Au contraire, il se heurte partout à l’opposition déterminée des syndicats allant même jusqu’au sabotage délibéré.

    Cette semaine encore, de nombreuses premières tentatives de résistance de la classe ouvrière ont été trahies. Le syndicat allemand des pilotes, le Vereinigung Cockpit, a annulé la grève chez Lufthansa dès le premier jour, et la Confédération générale du travail (CGT) a annulé la grève contre le géant pétrolier Total en France. Dans les deux cas, les syndicats ont capitulé sans avoir satisfait aucune des revendications des travailleurs. Quant au syndicat Union en Grande-Bretagne, il a annoncé hier qu’il « garderait à l’esprit » le mandat de grève de ses membres contre British Airways tant que durent les négociations.

    Du point de vue des syndicats, les manifestations et les grèves qui ont eu lieu, devaient servir à faire tomber la pression plutôt qu’à mobiliser un mouvement politique contre les gouvernements imposant des mesures d’austérité. Les syndicats dépeignent leur gouvernement respectif comme étant de simples otages soit de l’Union européenne soit des spéculateurs au lieu de représentants politiques de la classe capitaliste.

    Les réductions draconiennes sont imposées par des gouvernements sociaux-démocrates venus au pouvoir en raison de l’hostilité populaire à l’encontre des gouvernements droitiers, PASOK en Grèce, PSOE en Espagne et le Parti socialiste au Portugal. A chaque fois, ils ont été élus avec le soutien des bureaucraties syndicales et qui leur sont restées fidèles alors même que des budgets d’austérité avaient cédé le pas aux réformes promises.

    L’objectif des syndicats est de canaliser les tensions sociales et de garantir qu’elles ne soient pas une menace au patronat et à l’Etat. Un porte-parole de la Confédération générale des travailleurs grecs (GSEE) l’a souligné en disant que l’imposition des mesures d’austérité projetées par PASOK serait « tragique parce qu’elle provoquera de l’agitation sociale et des affrontements. »

    L’Irlande est citée par les financiers mondiaux comme un exemple à imiter pour imposer les réductions de 10 à 15 pour cent des salaires et des services sociaux. Le gouvernement du Fianna Fail n’est en mesure de le faire qu’en raison de l’aide active des syndicats irlandais qui ont annulé des grèves contre le budget impliquant des centaines de milliers de travailleurs.

    Le Congrès irlandais des syndicats limite les actions contre le gouvernement à une grève du zèle dans le secteur public. Son dirigeant, Jack O’Connor, a déclaré, « Il y a ceux qui nous présentent comme des gens qui cherchent à faire renverser le budget et à saper un gouvernement démocratiquement élu. Je déclare expressément qu’un accord peut être établi. »

    Quelles que soient les intentions de la bureaucratie syndicale, la colère suscitée par les coupes dictées par les banques et les grands groupes continuera de croître. Ses efforts en vue de contrôler cette opposition, de l’étouffer et de la trahir ne mènera qu’au développement d’un mouvement de masse et qui devra obligatoirement prendre la forme d’une rébellion politique contre les syndicats et les gouvernements qu’ils défendent.

    Il n’existe pas de solution nationale à la crise à laquelle sont confrontés les travailleurs en Grèce, en Espagne, au Portugal ou ailleurs. Ils sont poussés dans une lutte commune contre le capital organisé mondialement. La question fondamentale qui se pose à la classe ouvrière européenne tout entière est l’adoption d’un programme socialiste et internationaliste comme base d’une nouvelle direction politique et de nouvelles organisations de masse pour engager la lutte de classe contre les organisations nationalistes et pro-capitalistes du mouvement ouvrier officiel.


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  • Le Venezuela encerclé

    par Ignacio Ramonet

    L’entrée en fonctions, le 2 février 1999, au Venezuela, du président Hugo Chávez a pratiquement coïncidé avec un événement militaire très traumatisant pour les Etats-Unis : l’évacuation de leur principale installation militaire dans la région, la base Howard, située au Panama, fermée en vertu des traités Torrijos-Carter signés en 1977.

    Les troupes de Howard furent d’abord déplacées à Porto Rico. Mais, là encore, un massif mouvement populaire de refus contraignit très vite le Pentagone à les retirer, à fermer la gigantesque base de Roosevelt Roads et à les transférer au Texas et en Floride. Tandis que le quartier général du Commando Sud (SouthCom) était lui-même déplacé à Miami.

    Pour remplacer ces installations et accroître son emprise sur Amérique Latine, le Pentagone choisit quatre localités stratégiquement situées et y installa (ou renforça) des bases militaires : à Manta en Equateur, à Comalapa au Salvador et dans les îles d’Aruba et Curaçao (Royaume des Pays-Bas). En plus de leurs « traditionnelles » missions d’espionnage, ces installations se virent confier de nouvelles fonctions officielles : surveiller les trafics de drogue et combattre l’immigration clandestine vers les Etats-Unis. Ainsi que d’autres tâches occultes : contrôler les flux de pétrole et de minerais, avoir l’œil sur les immenses ressources en eau douce et inventorier la biodiversité. Mais dès le début, leurs objectifs principaux étaient clairs : il s’agissait surtout de surveiller le Venezuela et d’aider à déstabiliser la révolution bolivarienne.

    Après les attentats du 11 septembre 2001, le Secrétaire d’Etat américain à la défense, M. Donald Rumsfeld, définit une nouvelle doctrine militaire pour affronter le « terrorisme international« . Il décide de modifier la stratégie de déploiement militaire à l’étranger fondée jusqu’alors sur l’existence d’un nombre réduit de très grandes bases dotées d’équipements lourds et de personnels fort nombreux. Il remplace ces mégabases par un nombre beaucoup plus élevé de Foreign Operating Locations (FOL, Site opérationnel prépositionné) et de Cooperative Security Locations (CSL, Site de sécurité en coopération) avec très peu d’effectifs militaires mais équipés de technologies les plus avancées en matière de détection (radars de dernière génération, antennes paraboliques sophistiquées, avions espions Orion et Awacs, drones de surveillance, etc.).

    Résultat : très rapidement, la quantité d’installations militaires américaines à l’étranger atteint le nombre insolite de 865 bases de type FOL ou CSL déployées dans quelque 46 pays. Jamais dans l’histoire, une puissance a multiplié de telle sorte ses positions militaires de contrôle pour s’implanter à travers le monde.

    En Amérique Latine, ce redéploiement va permettre à la base de Manta (Equateur) de participer au coup d’Etat raté du 11 avril 2002 contre le président Chávez. La pression sur le Venezuela s’accentue. Washington orchestre notamment une campagne médiatique et lance de fausses informations sur une présumée présence dans ce pays de cellules appartenant à des organisations comme Hamas, Hezbollah et même Al-Qaeda qui disposeraient de « camps d’entraînement sur l’île Margarita « .

    Sous le prétexte de surveiller ces « cellules terroristes » et en représailles contre le gouvernement de Caracas qui a mis fin, en mai 2004, à un demi siècle de présence militaire américaine au Venezuela, le Pentagone renouvelle, en 2005, l’accord avec le gouvernement des Pays Bas pour développer ses bases militaires dans les îles d’Aruba et de Curaçao, situées à quelques encablures des côtes vénézuéliennes. L’activité militaire au sein de ces bases redouble et s’intensifie, ce qui a été récemment dénoncé par le président Chávez : « Il est bon que l’Europe sache que l’empire américain est en train d’armer jusqu’aux dents et de remplir d’avions et de vaisseaux de guerre les îles d’Aruba et de Curaçao (…) J’accuse le Royaume des Pays Bas, membre de l’Union européenne – et j’aimerais à cet égard savoir ce qu’en dit l’Union européenne -, de préparer, avec les Etats-Unis, une agression contre le Venezuela. »

    L’Alliance Bolivarienne pour les Amériques (ALBA) est créée en 2005, Hugo Chávez est réélu l’année suivante et on commence à parler, à Caracas, de « socialisme du XXIe siècle« . Washington réagit en imposant un embargo sur la vente d’armes et de matériels militaires au Venezuela, sous le fallacieux prétexte que Caracas « ne collabore pas suffisamment dans la guerre contre le terrorisme« . Les avions F-16 des forces aériennes vénézuéliennes se retrouvent sans pièces de rechange. Devant une telle situation, le gouvernement bolivarien se tourne vers la Russie et signe un accord pour équiper son aviation de chasseurs Sukhoï. Washington dénonce un soi-disant « réarmement massif » du Venezuela, oubliant de rappeler que les principaux budgets militaires d’Amérique Latine sont ceux du Brésil, de la Colombie et du Chili. Et que, chaque année, la Colombie reçoit une aide militaire américaine de quelque 630 millions de dollars (environ 420 millions d’euros).

    A partir de là, les choses s’accélèrent. Le 1° mars 2008, grâce à l’aide logistique fournie par la base de Manta, des troupes colombiennes attaquent un camp des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) situé à l’intérieur du territoire équatorien. Quito riposte en décidant de ne pas renouveler l’accord de location de la base de Manta qui arrive à terme en novembre 2009. Washington répond, le mois suivant, en réactivant la IVe Flotte (démantelée il y a soixante ans, en 1948…) dont la mission sera de surveiller et de contrôler la côte atlantique de l’Amérique du Sud. Un mois plus tard, les Etats sud-américains, réunis à Brasilia, décident de créer l’Union des nations sud-américaines (UNASUR) puis, en mars 2009, le Conseil de défense sud-américain.

    Quelques semaines plus tard, l’ambassadeur des Etats-Unis à Bogota annonce que la base de Manta sera remplacée par celle de Palanquero en Colombie. En juin, avec le soutien technique de la base américaine de Soto Cano (Palmerola), un coup d’Etat au Honduras renverse le président Manuel Zelaya, coupable d’avoir fait adhérer son pays à l’ALBA. En août, le Pentagone révèle qu’il disposera, en Colombie, de sept nouvelles bases militaires… Et, en octobre, le président conservateur du Panama, Ricardo Martinelli, admet que son gouvernement a cédé aux Etats-Unis l’usage de quatre autres bases.

    Le Venezuela et la révolution bolivarienne se retrouvent donc encerclées par pas moins de treize bases américaines situées en Colombie, Panama, Aruba et Curaçao, ainsi que par les porte-avions et les vaisseaux de la IVe Flotte. Le président Barack Obama semble avoir donné carte blanche au Pentagone. Tout paraît annoncer une agression militaire. Les peuples du monde accepteront-ils que soit commis un nouveau crime contre la démocratie en Amérique latine ?

    Source : International News


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  • AUX ARMES CITOYENS, FORMEZ VOS BATAILLONS DE CHOMEURS ET DE GENS RUINES PAR LES BANQUES


    du 1 au 3 mars 2010 : Mr Theis nous signale ce papier du correspondant de l'Express aux US: "Les armureries prises d'assaut: plus une seule cartouche!", et il me dit "J’avais un peu de mal à le croire, mais oui, il y a bien une pénurie de munitions aux Etats-Unis. Les étalages des armuriers, ceux des supermarchés Walmart, parmi les plus fréquentés, manquent cruellement de balles de calibre 40mm, 9mm et même 357". Eh bien, une fois de plus, cette Revue de Presse avait de l'avance, puisque j'avais expliqué ici il y a quelques mois que les seuls journaux américains qui ne s'étaient pas pris un -30% sur leurs ventes, ce sont justement les magazines consacrés aux armes! Mieux: ils avaient progressé de 10%, en pleine crise (!) un indicateur infaillible que les Américains étaient en train de s'armer comme des fous. Et voici un autre article, anglais pourtant, pays où les ventes d'armes sont donc interdites, qui va dans le même sens, voyez: "We must arm ourselves for a class war. The recession has increased the wealth gap to dangerous". Edmund Conway écrit que l'écart entre les classes supérieures s'accroissant de jour en jour avec la crise et surtout les délocalisations, le système est devenu politiquement instable et dangereux. "When a company shifts factories overseas, the shareholders make more money, but the workers lose their jobs. Optimists claim that this wealth should trickle down to those unemployed workers as the shareholders go out and spend more, but reality has proved otherwise". Lire ici le Telegraph. Et penser à la carabine de Papy. Elle pourrait peut-être servir. Revue de Presse par Pierre Jovanovic


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    S'INFORMER, C'EST RESISTER :

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  • « La Stratégie du Choc » va encore frapper !

    Depuis le succès de son livre No Logo, publié en 2000, Naomi klein est devenue une sorte d’icône de la lutte contre un « système mondialisé de prédation économique ». Elle décrit la mise en place méthodique et le fonctionnement brutal de ce système dans « La Stratégie du choc » (The Shock doctrine) paru en 2007.
    Un documentaire basé sur le best-seller de Naomi klein a depuis vu le jour sous la direction de Michael Winterbottom et Mat Whitecross. La Stratégie du choc sort au cinéma ce mercredi 3 mars.
     
     
    Naomi Klein, son parcours et son livre à l’origine du documentaire
    Naomi klein - La Stratégie du Choc
     
     
     Naomi Klein est née à Montréal en 1970, le Canada étant devenu la patrie d’adoption de ses parents, qui avaient fuit les Etats-Unis en signe de protestation contre la guerre du Viêt Nam. Elle est devenue journaliste, écrivain et cinéaste. Le succès mondial de son livre No Logo va lui donner le statut de figure de proue du militantisme altermondialiste.
     
     
     
     Dans No Logo, paru en 2000, elle dénonce le cynisme des multinationales qui sous-traitent la confection de leurs produits, essentiellement dans les pays du Sud, où la main d’oeuvre y est bon marché et la réglementation (en matière de sécurité, de droits des salariés, de conditions de travail, de protection de l’environnement,...) quasiment inexistante. De là naît un mécanisme de concentration de ces multinationales, qui imposent un modèle économique engendrant localement une recrudescence des emplois précaires, tout en aliénant les consommateurs à leurs marques. En effet, les gains engrangés par ces multinationales sont utilisés pour développer le marketing à outrance et organiser une véritable guerre pour installer leurs marques dans pratiquement chaque parcelle de la vie de tout un chacun (les écoles ne faisant pas exception).
    Le livre aura un véritable succès et fera connaître Naomi Klein dans le monde entier.
     

    En 2004 elle réalise The Take qui raconte le combat de trente ouvriers mis au chômage suite à la crise économique argentine de 2001. Un combat face à leurs anciens patrons et face aux banquiers, pour prendre le contrôle de leur usine et sauver leurs emplois...

     
    La Stratégie du Choc paraît en 2007 et s’attaque à ce que Naomi Klein appelle le capitalisme du désastre. Pour elle il est évident que ce capitalisme dévoyé profite du moindre désastre naturel, attentat, coup d’état, bouleversement politique, économique ou social, pour imposer des réformes économiques radicales. L’état de stupeur généralisée qui suit ces désastres étant mis à profit, pour réduire drastiquement les prérogatives de l’Etat, faire des coupes sombres dans les dépenses sociales et laisser le champ libre aux multinationales dans leurs activités de captation des richesses, d’exploitation de la main d’oeuvre et d’aliénation du consommateur.
     
    Elle explique ce processus dans cette interview vidéo en trois parties proposée par La Télé Libre en 2009, et dans cet entretien paru dans Les Inrockuptibles en 2008 :
     

     

     

     
     
     
    Comment l’idée de travailler sur les chocs et désastres vous est-elle venue ?
    Lors de mes recherches en Irak. L’invasion américaine a clairement permis la thérapie de choc économique menée par Paul Bremer (administrateur du pays de 2003 à 2005 - ndlr). C’est vrai aussi pour la Banque mondiale après le tsunami, ou l’administration Bush après l’ouragan Katrina. Le titre initial n’était pas The Shock Doctrine mais « Blank is beautiful » (« Le vide est magnifique »), un jeu de mots autour de l’idée qu’un désastre crée un retour à un état vierge qui permettrait la construction d’une nouvelle société.
     
    Vous expliquez que le Chili a joué un rôle important pour la mise en place de ce capitalisme du désastre…
    C’est le premier pays à avoir adopté une politique néolibérale. Dans les années 1970, au Chili comme en Argentine, le principal outil utilisé pour imposer une thérapie de choc fut la torture. Il y a un lien entre l’installation de régimes autoritaires de ces pays et la première étape du néolibéralisme. Les idéologues de l’université de Chicago, Milton Friedman et ses « Chicago boys », conseillaient Pinochet. Ils sont complices de la mise en place de la dictature, dont ils ont tiré profit pour tester leurs théories. Dans un premier temps, les seuls pays à les avoir acceptées furent des dictatures qui se faisaient appeler démocraties. Cette première étape a permis la transition de leurs théories en pays démocratiques. En 1985, la Bolivie fut le premier pays sud-américain à adopter la thérapie de choc économique sans être une dictature.
     
    Quelle influence Milton Friedman garde-t-il dans les universités américaines ?
    C’est une figure très respectée. En ce moment, ses fans sont soucieux de protéger son héritage. Un étudiant vient de me transférer un mail du président de l’université de Chicago dans lequel il annonçait la création de l’institut Milton Friedman. Il y a deux semaines, l’institut Cato, un think tank de Washington, a décerné le Milton Friedman Freedom Fighter Award,doté de 500 000 dollars, à un étudiant vénézuélien de 23 ans qui est un des principaux organisateurs de la campagne anti-Chavez.
     
    Le capitalisme modéré est-il incapable de proposer des alternatives lors des crises ?
    Dans ces moments-là, les propositions alternatives manquent de conviction. Le poète Yeats écrivait « the best lack all conviction, while the worst are full of passionnate intensity » (« les meilleurs manquent de toute conviction alors que les pires débordent d’intensité passionnée »). Ce fut le cas après l’ouragan Katrina. C’est tristement ironique car cette catastrophe est une conséquence du capitalisme : le réchauffement climatique augmente le nombre et l’intensité des ouragans ; les infrastructures de mauvaise qualité écroulées sont les résultats de trente ans de guerre contre la sphère publique. En Europe notamment, certains pensaient que cela allait réveiller la gauche américaine. Mais l’administration Bush et ses amis n’ont pas perdu une seconde pour se saisir de l’opportunité et finir le job : éliminer le secteur public de la Nouvelle-Orléans. Les progressistes ont bien tenté de dénoncer la relation entre l’ouragan et le réchauffement climatique mais ils se sont vu rétorquer : « Ne politisez pas la tragédie ! ». Alors les progressistes ont abandonné la ville. Barack Obama ne s’en est même pas approché.
     
    Quels effets pourraient produire sur la Chine le récent tremblement de terre de la province du Sichuan ?
    La Chine, c’est un peu comme le Chili. Ils n’ont pas besoin de crises car ils ont déjà la terreur. Dans le livre, je raconte que le massacre de Tiananmen a constitué un choc pour signifier à la population que les résistants à la dictature seraient écrasés. Le gouvernement a peur des désastres naturels car tout doit être sous contrôle, les désastres comme les manifestations. C’est pourquoi les autorités sont intervenues rapidement après le tremblement de terre. Aujourd’hui, la Chine est le plus grand marché de la surveillance.
     
    Avez-vous l’impression, comme nombre d’observateurs, que le mouvement altermondialiste est en perte de vitesse ?
    En 2000-2001, nous pouvions parler d’un mouvement global. Ce moment a changé les choses. En Amérique latine, il est plus fort que jamais. Aux Etats-Unis et au Canada, le mouvement dénonçait l’économie, il est aujourd’hui centré sur la guerre. C’est pour cela que je fais le lien entre les deux dans mon livre. En France, la résistance a toujours été spécifique, dans la continuité de mouvements antérieurs, alors qu’ailleurs le mouvement était mené par des plus jeunes. En même temps, il est vrai que vous avez des mouvements étudiants incroyables. Dans beaucoup de pays, la gauche est tellement faible que cela a permis la création de nouveaux mouvements, ce qui a moins été le cas de la France où la gauche reste forte.
     
    Vos ouvrages font office de manifestes. Assumez-vous ce statut ?
    Je ne sais pas où les gens vont chercher cette idée que j’écris des manifestes. [...]
    La Stratégie du Choc s’attache à raconter l’histoire non officielle. No Logo n’a rien à voir avec un manifeste qui dirait : « Ceci est notre monde parfait ». Ma façon d’être une activiste est de faire du journalisme. Avec mon équipe de chercheurs, nous sommes particulièrement attentifs à ne pas faire d’erreur pour ne pas être poursuivis. Le plus dur n’est pas de dévoiler des documents secrets mais plutôt de passer du temps à lire des documents bancaires très ennuyeux (rires) ! Je fais du journalisme à l’ancienne et je suis plus pragmatique qu’utopiste. L’important est de protéger ce qui est bon - nos systèmes publics de santé, d’éducation, les médias indépendants - d’en agrandir les espaces et de faire une société plus humaine.
    Aujourd’hui, dans le contexte de la crise alimentaire, il faut se battre contre les grosses compagnies agroalimentaires qui brevètent les semences de céréales adaptées au changement climatique. Sinon on se dirige vers une issue terrifiante : à l’identique de celle de l’épidémie du sida en Afrique, où les gens sont morts parce que les compagnies pharmaceutiques avaient breveté les médicaments. Ils les ont laissés mourir.
     
    Cela vous inquiète-t-il que le réchauffement climatique soit source de profit ?
    Il vient de se passer une chose importante en Equateur. Le président de gauche Rafael Correa réclamait une taxe sur les profits des pipelines qui traversent l’Amazonie afin de financer la santé et l’éducation. Or il s’est heurté à l’opposition d’un mouvement indigène très organisé qui réclame le départ des compagnies pétrolières et l’arrêt des extractions. Ce groupe refuse un modèle qui participe au réchauffement climatique, quitte à faire une croix sur une politique redistributive. Ce débat est excitant car il va à l’encontre des réponses actuelles au réchauffement climatique, comme la taxe carbone ou le marché de la pollution.
     
    Vos détracteurs ont critiqué le lien fait entre torture, psychiatrie et économie ainsi qu’une vision complotiste.
    Que répondez-vous à ces critiques ?
    Je n’ai pas inventé ce lien. Ce sont les économistes qui appellent leurs travaux « traitement de choc », « thérapie de choc ». Cela fait enrager l’establishment économique que je confronte leurs métaphores à la réalité, mais je ne dis pas que ce sont des tortionnaires. Certains déforment mes déclarations dans le but de me discréditer. Je me suis contentée de mettre en lumière des similarités de pensée entre des stratégies économiques, médicales, psychiatriques et militaires. Sans cette partie, j’aurais subi moins de controverses, mais démystifier les économistes est un de mes buts. Dans mon essai, je cite un passage d’une lettre écrite du Chili à Friedman par l’économiste André Gunder Frank, un de ses étudiants : « Votre théorie, c’est un massacre ». Il l’a appelée « génocide économique » et ils l’ont viré. Ceux qui dénoncent la réalité sont traités avec dédain par les théoriciens. L’économiste Joseph Stiglitz, qui a aussi critiqué le lien avec la torture, m’a beaucoup soutenu en disant que mon livre est avant tout un texte journalistique et politique.
     
    (…)
     
    Propos recueillis par Jean-Marie Durand et Anne Laffeter
    Extraits d’un entretien paru dans Les Inrockuptibles le 17 juin 2008
    à l’occasion de la sortie du livre.
     
     
     

     
     
     
    Le documentaire de Michael Winterbottom et Mat Whitecross
     
     
     

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  • Avortement et infanticide

    Il y a deux visions de l’avortement : La première “progressiste”, qui permet à une fille d’éviter d’être mère dans de trop mauvaises conditions pour elle et pour l’enfant – viol, accident contraceptif chez la fille trop jeune, trop grande précarité sociale… Un avortement dont le droit à récidive devrait être contrôlé, pour qu’une liberté acquise ne tourne pas au droit à l’irresponsabilité remboursée par la sécurité sociale.

    La deuxième “libérale-libertaire”, celle du “mon corps m’appartient” de la femme dégradée en jouisseuse consommatrice qui, ne voulant pas voir plus loin que ses désirs individualistes conçus comme des droits (“c’est mon choix”), a perdu tout sens du devoir, tout sens du lien de l’enfantement avec le sacré – donner la vie – et le collectif : perpétuer l’espèce.

    Une déresponsabilisation de l’individu et une désacralisation de l’humain qui conduit aujourd’hui le législateur à porter à douze semaines [Passée depuis à quatorze NDLR] la limite légale de l’avortement, en attendant plus, toujours plus… jusqu’à la banalisation planifiée de l’infanticide.

    Inconséquence érigée en style de vie, pour que tourne à plein régime la société-du-désir-de-consommation qui permet aujourd’hui à la “jeune fille moderne” d’être à la fois pour l’avortement le plus libre, contre la peine de mort – pour des coupables lointains mais pas pour l’innocent dans son ventre – et écologiste : toujours prête à laisser faire la nature, sauf quand celle-ci s’adresse directement à elle !

    Avortement et individualisme de consommation

    210 000 avortements par an en France pour 720 000 naissances, soit 30 % des futurs bébés qui passent à la poubelle. Un chiffre en hausse constante malgré 35 ans de contraception et de planning familial. Contrairement à ce que les bien pensants de gauche veulent nous faire croire avec leurs yeux humides, il ne s’agit donc plus d’une pratique marginale, extrême, désespérée, mais bien d’une pratique de masse désormais banalisée. Là où nous mène effectivement – entre autres – l’individualisme consumériste jouisseur et irresponsable du “mon corps m’appartient” et du “parce que c’est mon choix !”

    Avortement et entrave à l’adoption nationale (Vers la fin programmée de la naissance sous X)

    Avant, on cherchait plutôt à se débarrasser du poids de la filiation, à exister par soi-même et par le projet ; aujourd’hui, on s’y complaît. Parmi les victimes de ce néo-tribalisme de la vérité par l’origine, le plus lointain passé, l’héritage familial, communautaire, génétique… la remise en cause du “sous X” qui garantissait hier aux femmes l’anonymat à vie après un abandon d’enfant.

    Combien d’émissions, depuis quelque temps, mettent complaisamment en scène de jeunes adultes – souvent des filles – exigeant, de façon geignarde et hystérique, que soit rompue cette promesse faite par l’État à la mère abandonneuse, au nom du droit de l’enfant ?

    Droit de l’enfant à quoi ?

    Outre l’incroyable mépris pour les parents adoptifs – ces parents qui sont les leurs, en vertu de l’amour donné et compté pour rien, quand tout l’affectif se réinvestit de façon masochiste sur ceux qui n’en voulaient pas – quelle arrogance stupide et dangereuse de revendiquer comme un droit celui de pouvoir influer, par une loi rétroactive, sur le hasard de sa naissance, de revenir sur ce qui devient d’autant plus irréversible qu’on le croit à ce point déterminant…

    Et pourquoi pas, demain, après des enfants attaquant leur mère au tribunal – toujours européen quand il s’agit de détruire les acquis nationaux – pour les avoir confiés à l’adoption, des enfant d’ouvriers attaquant leurs parents pour avoir osé les faire naître chez des pauvres, ou des gros, ou des ploucs ? Quelle haute idée ne faut-il pas avoir de l’importance de sa lignée et de soi-même pour prétendre bouleverser des vies étrangères, souvent rebâties dans l’oubli difficile et la douleur, sous prétexte de se reconstruire. Surtout quand, en fait de reconstruction, on risque de découvrir derrière le drame de l’abandon, le drame encore plus noir et autrement traumatisant du viol ou de l’inceste…

    À voir de plus en plus se déployer dans les médias cette étrange complaisance pour ce narcissisme pervers fait de surévaluation du passé, de froideur pour les parents putatifs et de ressentiment pour la mère génétique, on peut se demander, effectivement, si la femme qui enfanta “sous X” n’aurait pas mieux fait – comme on l’y encourage – de recourir à l’avortement ! Extraits des Abécédaires de la bêtise ambiante, volumes 1 et 2, Editions Blanche.

    Avortement et islam : Albert Ali, Français musulman témoigne

    Marcher pour vivre. “Nous étions au bistrot avec des amis, une marche pour la vie devait avoir lieu, organisée par des catholiques. TF1 disait des “intégristes” opposés à l’avortement…

    “Intégriste, fondamentaliste, islamiste, terroriste… une sémantique à laquelle je suis habitué, moi, le descendant de Sarrasins !

    “Alors j’ai dit aux camarades : “Je suis des vôtres”, ce sera une première ! Un petit comité de barbus et de femmes en fichus marchant aux cotés des “Gens du Livre” pour dire que pour nous aussi, adeptes du Prophète, la vie et la mort sont le privilège absolu du Créateur. Qu’il est le seul et l’Unique qui puisse en disposer. Que donner ce pouvoir sacré à n’importe quelle jeune fille immature en plein bouleversement hormonal qui, pour garder la ligne ou pour le confort de son amoureux éphémère, refuse un contraceptif “classique”, voilà le véritable sacrilège ! D’autant plus que parmi les promoteurs de l’aspiration d’embryons vivants, il y a aussi ces nostalgiques de la révolution rouge, capable d’afficher sur leur liste électorale une de mes sœurs de foi affublée d’un voile, tout en vociférant à des chrétiens en prière des slogans ignobles du type : “Ah, si Marie avait connu l’avortement, on n’aurait pas eu tous ces emmerdements !” [Dans les slogans vociférés lors de cette contre-manifestation humaniste, il y eut aussi de vibrants “Jésus, Marie on t’encule ! NDLR] Assez de ces manipulateurs d’immigrants qui voient du fascisme partout et qui croient toujours que la religion est un opium !

    “Là, un de mes camarades de souche me fait gentiment remarquer qu’on entend très peu les musulmans s’exprimer sur ce sujet qui détermine pourtant l’avenir du pays.

    “Alors, je le dis : les musulmans ne peuvent cautionner l’avortement, ni l’homo-parentalité, c’est une évidence, ils ne peuvent accepter que leurs imams défilent un jour turban arc-en-ciel et burnus rose à la Gay Pride, encore moins accepter la financiarisation intégrale de l’économie par l’usure, prohibée par l’Éternel… Et là, je ne peux que blâmer les miens de s’enfermer dans leurs seules revendications communautaires et d’oublier les causes qui concernent notre avenir commun dans la France sarkozienne ! “Voulant m’engager pour rectifier le tir, je propose alors à mes amis catholiques que nous, les musulmans, nous joignions à leur manif pro-vie, mais là, gênés, ce sont eux qui me répondent : “Désolé camarade, mais je crois que cette fois ce sont les catholiques qui ne sont pas prêts…” Dommage. Ne dit-on pas que l’union fait la force ?”

    Quand on voit de qui sont composés les bataillons pro-avortement : tous petits Blancs européens d’origine bien chrétienne, si l’on veut renforcer demain le “front de la foi” et la “droite des valeurs”, il faudra bien qu’ils viennent d’ailleurs nos compagnons de route !

     

    Alain Soral

    À méditer…


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