• L’Allemagne s’apprête-t-elle à entreprendre une conquête territoriale en Grèce ?

     
    Des îles grecques en échange de l’argent allemand…Voilà, ce que proposent en toute simplicité, des membres de la coalition gouvernementale d’Angela Merkel dans un contexte de forte tension entre la Grèce et l’Allemagne. N’attendez pas que la première radio allemande de France, RTL, vous révèle une telle information, étant donnée qu’elle appartient à l’Empire Bertelsmann [1].
     
    Dans l’article Verkauft doch eure Inseln, ihr Pleite-Griechende de l’hebdomadaire à grand tirage Bild am Sonntag [1], le député FDP Frank Schäffler a déclaré : “Die Kanzlerin darf keinen Rechtsbruch begehen, darf Griechenland keine Hilfen versprechen. Der griechische Staat muss sich radikal von Beteiligungen an Firmen trennen und auch Grundbesitz, z.B. unbewohnte Inseln, verkaufen“. Traduction : "La Chancelière ne doit pas violer le droit, ne doit pas promettre des aides à la Grèce. L’État grec doit se débarrasser de façon radicale de ses participations dans des entreprises, et également vendre des terres, par exemple des îles inhabitées". Ce député a été rejoint dans ses propos par le député CDU Marco Wanderwitz.
     
    Cette vision des deux députés ressemble d’une certaine façon à celle des impérialistes américains qui, lors du XIXe siècle, se sont appropriés des territoires par l’achat [2].
     
    De tels propos ne vont certainement pas apaiser les relations greco-allemande qui sont particulièrement tendues. Le traitement de la crise grecque par la presse allemande a été très mal ressentie en Grèce. La Vénus de Milo drapée du drapeau grec faisant un doigt d’honneur en couverture de l’hebdomadaire allemand Focus, le 22/02/10, avec pour tout commentaire “il y a des voleurs dans la famille européenne”, a déclenché un véritable tollé en Grèce comme l’illustre le reportage suivant :
     


     
    La correspondante du journal suisse Le Temps, Angélique Kourounis, dans son article L’amertume des Grecs envers l’Allemagne [3] du 27 février dernier, rapporte que « le maire d’Athènes s’en est pris à la chancelière allemande, lui rappelant les dettes de l’Allemagne vis-à-vis de la Grèce. “Vous nous devez 70 milliards d’euros pour les ruines que vous avez laissées”, a-t-il déclaré dans un communiqué, faisant allusion à une bataille qui oppose les deux pays sur les réparations de guerre. “Vous nous devez Distomo et Kalavrita”, a-t-il également rappelé dans une conférence de presse évoquant les deux villages martyrs de Grèce dont les habitants ont été massacrés par l’armée allemande en retraite.
     
    Berlin a rejeté ces accusations, estimant que le dossier était clos depuis un versement d’indemnités, en 1960, de 4,4 milliards d’euros. C’était sans compter le rappel à l’ordre du tonitruant Théodore Pangalos, numéro deux du gouvernement et ancien ministre des Affaires étrangères : “En partant en 1945, les Allemands ont pris tout l’or de la banque de Grèce ! On ne demande pas qu’ils le rendent, mais qu’ils disent au moins merci et qu’ils cessent de parler de nos déficits.” »
     
    De plus, beaucoup de commentaires ont aussi montré du doigt l’entreprise allemande Siemens impliquée dans l’un des plus grand scandales de corruption en Grèce [4] et le journal athénien Eleftheros Typos a voulu contre-attaquer en présentant une photo de l’ange de la colonne de la Victoire, à Berlin, une croix gammée à la main, avec la légende : "Le nazisme financier menace l’Europe" [5].
     
    Le président de la Bundesbank, Axel Weber, avait déclaré fin janvier : "Il est impossible de justifier auprès des électeurs qu’on aide un autre pays afin que ce dernier puisse s’épargner les douloureux efforts d’adaptation qu’on a soi-même endurés" [6]. La Grèce doit s’adapter quitte à en crever.
     
    Le député Frank Schäffler a aussi rajouté dans l’article Rechtsbruch mit Folgen [7] du 02/03/10 que "Der Fall Griechenland zeigt, dass die Nichteinhaltung von europäischen Verträgen erhebliche Auswirkungen auf die Wirtschaftsverfassung hat. Die Finanzhilfen, die von den Staats- und Regierungschefs der EU auf ihrem informellen Treffen am 11. Februar 2010 Griechenland in Aussicht gestellt wurden, gefährden nicht nur die Stabilität des Euro.Die Vereinbarungen der Staats- und Regierungschefs der EU sind eine Verabredung zum kollektiven Rechtsbruch [...] Griechenland hat durch seinen erschlichenen Beitritt in die Euro-Zone das Recht gebrochen [...] Dieser Rechtsbruch wird nicht durch die Verabredung zum kollektiven Rechtsbruch vom 11. Februar 2010 geheilt, sondern nur durch den Austritt von Griechenland aus dem Euro." Traduction : "le non-respect des traités européens a d’importantes conséquences sur l’économie, comme le montre le cas de la Grèce. En laissant entrevoir à la Grèce qu’ils pourraient l’aider financièrement, lors de leur réunion informelle du 11 février 2010, les chefs d’État et de gouvernement de l’U.E. ne mettent pas seulement en danger la stabilité de l’euro. Ils se sont mis d’accord pour une violation collective du droit [...] La Grèce s’est livrée à une violation du droit pour pouvoir entrer dans la zone euro. [...] Cette violation du droit ne peut pas être réparée par la violation collective du droit décidée le 11 février 2010, elle ne peut l’être que si la Grèce sort de l’euro".
     
    La Grèce qui sort de l’euro…Elle devrait ne pas être la seule car « le pays est, semble-t-il, loin d’être le seul à avoir eu recours à des astuces financières conseillées par des banques de New York et de Londres. Le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie le Portugal ont, eux aussi, “optimisé” leurs comptes avec l’aide de Goldman Sachs, JP Morgan, Barclays ou encore “feu Lehman Brothers”. » [8]
     
    Si les Allemands cherchent les escrocs, Étienne Chouard en donne une bonne définition :
     
    « Autrefois, les États partageaient avec les banques privées le droit de création monétaire. Comment faisaient-ils ? L’État avait la possibilité d’emprunter auprès de sa banque centrale et de lui rembourser au fur et à mesure de ses recettes. La différence, c’est que l’État ne payait pas d’intérêts.
     
    C’est là qu’il s’est passé quelque chose d’absolument majeur. En 1974 a eu lieu la dernière émission de monnaie par la Banque de France et depuis, l’État s’est, de fait, interdit de créer de la monnaie. Concrètement, il s’est interdit d’emprunter auprès de la banque centrale. Cela a comme conséquence de payer beaucoup plus cher tout ce dont l’État a besoin et qui est financé par le crédit.
     
    Je ne sais pas comment les banquiers ont fait pour obtenir du gouvernement cette espèce de hara-kiri monétaire qui consiste à se priver soi-même d’un pouvoir considérable et essentiel dans la politique du pays. Ce sabordage monétaire a été monté au plus haut niveau du droit, à la faveur des "traités constitutionnels", par l’article 104 du traité de Maastricht, devenu l’article 123 du traité de Lisbonne consolidé, qui rend ce sabordage irréversible, hors d’atteinte des citoyens. » [9]
     
    La dette publique, une affaire rentable pour les banquiers et les grands capitalistes, leur permettant en particulier de s’approprier les richesses des nations.
     
    Si les Allemands s’approprient des îles grecques, les soldats allemands qui siègeront sur celles-ci, arboreront-ils la croix de fer ? Yvonne Bollmann, dans son livre Ce que veut l’Allemagne rapporte le fait que le député allemand de la CDU Fulda Martin Hohmann, dans Junge Freiheit du 21 décembre 2001, "en a demandé la réactivation, pour récompenser la bravoure des soldats de la Bundeswehr en Afghanistan" [10]. Et la future armée européenne souhaitée par le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle [11], défilera-t-elle à côté de la colonne de la Victoire, surmontée de l’ange qui tient “dans la main gauche un javelot dont la pointe porte la croix de fer” [12].
     
    Le poète grec Georges Séféris (Γιώργος Σεφέρης), dans son discours prononcé lors de la remise du prix Nobel de littérature en 1963 avait déclaré : "J’appartiens à un petit pays. Une pointe rocailleuse sur la Méditerranée, où il n’y a pas d’autre richesse que la lutte de son peuple, la mer et la lumière du soleil. Elle est petite notre terre, mais son patrimoine est énorme." [13]
     
    Ces propos sont plus que jamais d’actualité. Le peuple grec vient de nouveau de rentrer en lutte et je suis de tout cœur avec lui.

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  • Le Temps des Biomaîtres

    Synopsis SytiNet : Nos dirigeants ont prévu de rendre la biométrie omniprésente dans les années qui viennent. Elle est déjà utilisée dans les entreprises, les prisons, les transports, les écoles, pour les cartes d’identité et les passeports. Une prochaine étape sera de l’utiliser pour les paiements électroniques, dans les magasins ou chez soi, pour les achats effectués sur Internet, et plus généralement pour tout ce qui nécessite une identification.

    Notre identité sera alors réduite à un corps scanné et utilisé comme un objet, marchandise parmi d’autres.

    L’envahissement de nos vies par la biométrie est le résultat du « sécuritarisme » et de l’instrumentalisation de la peur afin de nous entrainer vers un type de société qui n’a plus rien à voir avec une démocratie.

    La biométrie a aussi pour but d’augmenter les profits des multinationales de l’armement, comme Thales et Sagem. En quête de nouveaux débouchés depuis la fin de la guerre froide, ces entreprises ont trouvé un nouveau filon très lucratif avec la sécurité intérieure, en faisant acheter aux gouvernements des technologies pour contrôler et traquer ses citoyens, avec la biométrie, la vidéosurveillance, les logiciels d’identification et de surveillance des foules, les radars pour la répression routière, les armes « non létales« , etc.

    Voici un très bon documentaire d’Arte sur le sujet,  » Le Temps des Biomaîtres « …

    Première partie

    Deuxième partie

    Troisième partie


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  • Le système d’information et la guerre contre l’Irak

    par Giulietto Chiesa*

    L’Empire du Mensonge, les Etats-Unis, a doté ses armées d’un Bureau d’influence stratégique qui a intoxiqué les médias du monde entier ; Pour « vendre » la guerre contre l’Irak, il a caricaturé la situation et inventé la menace des armes de destruction massive. Mais cette guerre n’est rien, pas plus que les autres conflits intermédiaires auxquels on nous prépare. La cible ultime, c’est la Chine, car elle se développe et il n’y a pas de place sur Terre pour une seconde puissance consommatrice de cette taille. C’est pourquoi, souligne Giulietto Chiesa, la paix exige le changement de nos modes de vie.

    Le système d’information et la guerre contre l’Irak

    Comment pouvait-on justifier une attaque contre l’Irak ? Il fallait au préalable fournir à l’opinion publique internationale la preuve que Saddam Hussein était en possession d’armes nucléaires et biologiques. À cette fin, on a fondé aux Etats-Unis ce que certains appellent le « Bureau pour l’information et la désinformation », en anglais l’Office of Strategic Influence (OSI). Pour la première fois dans l’histoire des États-Unis, c’est le Pentagone qui s’occupe directement de ces affaires-là. Avant, il existait bien quelque chose du même genre, mais ça dépendait du Département d’État. À présent, l’Office of Strategic Influence est aux mains de Donald Rumsfeld [1].

    Le Pentagone émet une série de documents que le système médiatique mondial se charge immédiatement de diffuser. On prépare ses amis, comme ils disent. On les (et ils nous) prépare en disant beaucoup de choses dont certaines sont vraies, d’autres à moitié vraies, d’autres encore complètement fausses. Il sera ainsi très difficile de faire la part entre information et désinformation. Nous le savons d’ailleurs, la guerre du Vietnam a commencé avec une formidable invention : l’accusation portée contre les perfides Vietnamiens d’avoir attaqué les navires états-uniens dans le golfe du Tonkin. Ce n’est que plusieurs années après, lorsque la guerre était terminée, qu’on a découvert qu’il n’y avait eu aucune attaque. Faire la liste de ces combines demanderait des ouvrages entiers. Ce qui est stupéfiant, c’est que les journalistes — les Italiens en premier lieu — se font toujours avoir et n’essaient même pas d’en tirer une leçon.

    La société civile états-unienne

    En ce qui concerne les États-Unis, il est très difficile d’espérer que les opposants à la guerre deviennent suffisamment nombreux pour obliger cette Administration à changer de cap. Les raisons en sont multiples et profondes, et nous devons encore y réfléchir à fond. Pendant des dizaines d’années, on nous a inlassablement présenté les États-Unis comme étant le modèle de la démocratie occidentale. Les choses en vont-elles ainsi ? Non ! L’Amérique n’est plus le modèle de la démocratie occidentale. Il y a belle lurette qu’elle ne l’est plus.

    En ce qui concerne le développement de la société civile, l’Europe est beaucoup plus en avance que les États-Unis. En regardant les choses en profondeur, même le système électoral états-unien — que nous avons cherché à copier sans comprendre que chaque démocratie avait sa propre histoire — se révèle beaucoup moins démocratique que nos scrutins proportionnels obsolètes [2]. Même dans les pays européens où l’on pratique le scrutin majoritaire, il s’agit de systèmes électoraux bien mieux articulés et moins embaumés que le bipartisme absolu des Etats-uniens, où les différences entre les deux partis sont désormais si ténues que choisir entre les deux apparaît dénué de sens. C’est pourquoi, en toute logique, la majorité ne se rend même plus aux urnes. Par ailleurs, le niveau de formation démocratique (et d’information politique) du citoyen états-unien est très bas.

    Il ne s’agit pas d’être pour ou contre les États-Unis. J’y ai pour ma part vécu et travaillé. J’ai connu une société dynamique et très diversifiée, mais aussi repliée sur elle-même, réduite à l’adoration du rendement et de la carrière et, dans sa majorité, incapable de défendre ses propres droits. En tout cas dépourvue d’organisations qui lui donnent la possibilité de les défendre. Ce n’est pas un hasard si, dans l’ensemble de l’Occident avancé, les États-Unis sont le seul pays qui maintienne la peine de mort. Le fait est que nous vivons dans un monde d’information où un pourcentage important des articles publiés dans les pages de nos journaux est consacré à l’exaltation de la démocratie états-unienne Des propos comme ceux que je tiens ne trouveraient probablement pas de place dans les pages d’un journal à grand tirage en Italie.

    Une dizaine de jours après le 11-Septembre, lorsque le président des États-Unis a transmis son message à son peuple, sur toutes les chaînes, il n’a rien trouvé de mieux à dire que cette phrase : « Retournez faire du shopping ». En l’écoutant, j’ai eu le frisson. N’y avait-il rien de mieux à faire que d’appeler à remplir les centres commerciaux, les temples de la consommation ? Quelques jours plus tard, nous avons vu les queues de milliers de consommateurs états-uniens qui s’étaient levés à six heures du matin pour aller aux soldes de fin de saison. Anticipés pour la circonstance. Alors si ce qu’on nous dit est vrai, que l’Amérique nous devance toujours de vingt ans, c’est nous-mêmes que nous risquons de voir en regardant dans ce miroir. Horreur.

    Peut-être que les Chinois aussi s’y reflètent, unis par l’idée qu’il faut consommer toujours plus, gaspiller toujours plus, s’amuser toujours plus et ainsi de suite dans une sorte de compulsion de répétition. Mais la compulsion est le symptôme d’une grave maladie mentale, et il m’est difficile de ne pas avoir l’impression que des millions d’Etats-uniens sont désormais arrivés à un haut degré de lobotomisation. Regardez leurs villes, construites à la mesure de et en fonction des malls, des centres commerciaux. On ne va plus faire une promenade, on va acheter quelque chose dans les malls, on va visiter les malls, comme on allait autrefois visiter un musée.

    C’est pourquoi il me semble improbable d’espérer de la part du peuple états-unien une réponse massive hostile à la guerre. Qui a été atteint par le virus de l’hyperconsommation, qui a parcouru jusqu’au bout la route le transformant en consommateur impénitent conçoit mal l’existence même des problèmes que nous soulevons ici. Il ne les voit pas, tout simplement. Il est devenu aveugle. S’il est vrai que — comme on l’a efficacement résumé — pendant les dix dernières années, les Etats-uniens se sont enrichis en dormant, comment leur faire comprendre qu’ils doivent se réveiller ? C’est difficile, pour eux. Pour nous aussi, très bientôt, ce sera difficile.

    On a aussi dit, justement, que les USA étaient l’unique pays au monde où l’épargne n’existait plus et où les gens dépensaient plus qu’ils ne gagnaient. C’est une situation absolument anormale. La dette des États-Unis envers le reste du monde s’élève à quelque 12 000 milliards de dollars et elle continue de croître au rythme de 12-15 milliards de dollars par mois. Comment peut-on imaginer vivre en paix dans un monde où un pays de 300 millions d’habitants consomme à lui seul un tiers des ressources mondiales, et qui se trouve à l’origine de près d’un quart de la pollution de l’environnement, notre maison commune ?

    La super-société globale

    La vérité est que nous nous dirigeons vers une super-société globale gouvernée par une super-classe globale de super-riches de toutes les régions du globe. Lesquels vivront dans leurs villes réservées, surveillés par leurs polices privées parce que les polices nationales seront destinées exclusivement au contrôle des pauvres. On assiste déjà à ce nouveau genre de configuration urbaine. À Johannesburg, en Afrique du Sud, les villes séparées des riches existent déjà. À Moscou, des quartiers entiers sont conçus tout exprès pour les riches, de grands bâtiments où l’on trouve tout — terrain de golf, salles de gymnastique, magasins, promenades, jardins d’enfants, écoles — avec une issue unique que surveillent des agents privés et de très hauts murs. Voilà l’image du futur.

    Les élites n’auront plus besoin de vivre dans un seul pays, elles vivront dans le monde, dans les endroits qui leur seront réservés. Il ne sera plus possible de mélanger les classes car ce sera devenu trop dangereux pour elles. Telle est l’idée qui s’impose aujourd’hui dans le monde. L’idée de ceux qui pourront consommer, et consommer énormément, tandis que les autres, l’écrasante majorité, resteront dehors. Une partie affectée aux services indispensables sera admise à l’intérieur et pourra bénéficier des retombées de ce bien-être. Les autres pourront crever, parce qu’ils seront inutiles. Et la preuve du fait qu’ils seront inutiles sera tautologique : ils seront inutiles car ils auront perdu la course au succès. Or, ceux qui perdent, dans cette super-société des puissants et des avides, auront de toute façon tort et aucun capitalisme compatissant ne viendra à leur secours. Pourquoi donc les laisser continuer impunément de consommer de l’air, de l’eau et de la nourriture ?

    Après la guerre en Irak

    On savait qu’il allait couler du sang, beaucoup de sang : on nous l’a montré, mêlé à la poussière du désert. Cette fois, ils ont décidé que ça fonctionnerait mieux ainsi. Il ne s’agissait plus de mission humanitaire, qui exige une certaine délicatesse. On allait en Irak pour faire peur aux réprouvés qui continuaient de peupler le monde. Il fallait donc que le sang se voie et qu’il soit suivi d’une punition exemplaire, dure, implacable. Une guerre emblématique, une guerre exemplaire, un avertissement. La deuxième guerre d’Irak des États-Unis a eu sa nécessaire chorégraphie impériale, réglée par avance, exécutée avec la plus grande précision.

    En réalité, il y a bien eu quelque raté. Les chaînes impériales devaient se contenter d’instiller la peur. Aucun autre type de message n’était prévu. Mais les télévisions arabes sont venues troubler la fête de cette quatrième guerre de l’Empire. Pour la première fois dans l’histoire des médias mondiaux (Kaboul n’avait été qu’une modeste avant-première), on a commencé à nous raconter la douloureuse histoire des perdants. Pis encore : non pas celle des perdants naïfs, qui cultivent en secret l’espérance de David — pouvoir abattre Goliath d’un seul coup de lance-pierre entre les yeux —.

    Non, les télévisions arabes nous ont raconté la guerre à travers les yeux des perdants qui savent qu’ils ne peuvent pas vaincre, qui ne se font pas d’illusions ; qui sont conscients que, dans le pire des cas, ils mourront comme des chiens et que dans le meilleur, ils ne sauveront leur vie et celle de leurs enfants que pour être asservis. Et puisque les télévisions occidentales ne pouvaient pas montrer grand-chose, enfermées qu’elles étaient dans de grands hôtels soigneusement exclus des cibles (à part ça, c’est bien connu, il y a toujours des erreurs de visée), voilà que le monde entier a vu, lors des deux premières semaines, les images des perdants plus que celle des gagnants. Cela a produit un effet fantastique.

    C’était comme assister à Hiroshima du côté des Japonais. Une primeur absolue même si, sous cette perspective, l’héroïsme des pilotes d’Enola Gay, ceux qui ont largué la Bombe, apparaissait moins clairement. Quoi qu’il en soit, il était malaisé d’interpréter ce que nous avions sous les yeux comme de l’héroïsme. Parce que ces attaquants aussi bien équipés, avec tous ces machins suspendus autour, avec tous ces avions au-dessus et ces hélicoptères à côté, avaient l’air de robots programmés pour apporter une liberté sans mode d’emploi.

    Comme des gens qui auraient débarqué sur une Lune complètement équipée pour la plantation de pommiers et de poiriers. Et le plus étrange semblait de découvrir que, depuis les anfractuosités de cette Lune, il y avait des gens qui résistaient et qui combattaient, sans aucun espoir de victoire. Ces pommiers et ces poiriers, ils n’en voulaient pas. Pouvait-on le prévoir ? Nombreux l’avaient prévu. Certes, George Bush et Tony Blair, eux, ne l’avaient pas prévu. Alors que je rédige ces lignes finales, le scandale des fausses armes de destruction massive, les mensonges proférés au monde entier pour faire la guerre contre l’Irak, ont déjà explosé. Gagnée en mai, la guerre irakienne se transforme en défaite au mois d’août. La guerre en Afghanistan se poursuit. L’illusion d’une paix palestinienne conçue en tant que capitulation des Palestiniens devant Sharon s’est envolée. La feuille de route est bonne à jeter. Bref, aucun des objectifs déclarés par George Bush n’a été atteint.

    La seule, la vraie, la grande guerre remportée par Bush est celle qu’il a menée contre l’Europe, en la divisant (par le biais de la guerre en Irak) et en préparant les dix chevaux qu’elle s’apprête à faire entrer dans ses murs. L’Europe, Troie mal assurée et ignorante du danger, abritera bientôt dix Achéens plus américains que l’Amérique. Dans ce contexte, le rôle qu’elle pourrait avoir de contenir la stratégie impériale américaine devient extrêmement problématique. La France et l’Allemagne tiennent bon mais Bush a de son côté Blair, Berlusconi, Aznar qui, dans la « vieille Europe », jouent le rôle d’alliés des « dix Achéens de la « nouvelle Europe ». Paris et Berlin sont écrasées.

    Quant à la Russie de Poutine, elle a perdu avant même de commencer. Exemple sans précédent dans l’histoire d’un pays qui se suicide, elle a assisté sans bouger à sa propre ruine. Elle a accepté l’annulation du traité ABM de 1972, apposant sa signature sous la déclaration formelle marquant la fin de sa puissance, même moyenne. L’élargissement de l’Otan à l’Est ne lui a arraché qu’une grimace. Enfin, elle a perdu l’Asie centrale sans broncher. Dans quinze ans, cette Russie sera tombée à moins de 100 millions d’habitants et elle flottera dans ses frontières actuelles comme les habits d’un géant sur le dos d’un nain. Peut-être aura-t-elle encore des missiles, qui ne lui serviront même plus (comme maintenant) à exercer une pression politique sur l’Empereur : ustensiles rouillés et inutiles.

    De la Chine enfin, on devra parler encore longtemps. Le destin et l’histoire lui ont attribué un rôle prépondérant dans le siècle qui vient de commencer. C’est la Chine, le vrai problème de Washington. C’est à la Chine qu’était consacré le PNAC, le « Projet pour le Nouveau Siècle Américain ». Les dirigeants chinois le savent pertinemment. Et aucune reprise, ou reprise partielle, de Wall Street ne permettra de se débarrasser du problème, qui contrecarrera l’axiome de Bush, qui fut aussi celui de Reagan : le niveau de vie états-unien n’est pas négociable. Très bientôt, il n’y aura plus de place sur cette planète pour deux Amériques, une blanche et une jaune. Même l’hypothèse d’englober la Chine (comme subalterne des États-Unis, évidemment) dans le marché occidental ne résoudrait pas la question. Tel est le véritable profil de la situation que notre génération et la suivante devront affronter : nous sommes arrivés au terminus.

    Le développement que le monde a connu ne peut pas se prolonger indéfiniment. Il faut choisir — si l’on accepte le tableau que j’ai dressé — qui peut survivre dans un univers déjà gravement « troublé ». Ceux qui pensent, même à gauche, en termes de « reprise » du vieux développement (sur le plan économique) et qui croient pouvoir modérer les prétentions de l’Empire (sur le plan politique) sont condamnés à la stupeur et à l’impuissance devant les événements tragiques qui s’annoncent.

    *Giulietto Chiesa est journaliste. Il fut correspondant de presse d’El Manifesto et d’Avvenimenti, et collaborateur de nombreuses radios et télévisions en Italie, en Suisse, au Royaume-Uni, en Russie et au Vatican. Auteur de divers ouvrages, il a notamment écrit sur la dissolution de l’URSS et sur l’impérialisme états-unien. Ancien député au Parlement européen (Alliance des démocrates et libéraux, 2004-2008), il est membre du Bureau exécutif du World Political Forum.

    [1] « Rumsfeld cible la France et l’Allemagne », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 2 janvier 2003.

    [2] « Un bon show ne fait pas une démocratie », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 29 octobre 2008.


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  • Le 11 Septembre et la crise économique aux Etats-Unis

    par Giulietto Chiesa*

    La crise économique et financière mondiale n’a pas débuté avec la crise des subprimes en 2007, mais avec le début de la récession aux Etats-Unis, en avril 2001. Cependant les Etats-Unis ont été sauvés par la guerre globale au terrorisme qui a permis de relancer leur économie, quelques années au moins. Dès lors comment ne pas constater que les attentats du 11-Septembre, loin de blesser les USA au coeur, ont au contraire été leur planche de salut. Giulietto Chiesa, membre du Bureau exécutif du World Political Forum, poursuit son analyse dans la seconde partie sa conférence « Guerre et mensonge ».

    L’opposition à la guerre (nucléaire) infinie

    Je ne suis pas quelqu’un qui cherche à vendre de l’espoir. Qui vend de l’espoir dans un moment pareil n’est qu’un bonimenteur. D’espoir, nous n’en avons qu’un seul, celui de nous organiser pour empêcher que cette guerre se poursuive. C’est très difficile, d’autant plus que nous avons peu de temps à notre disposition. La guerre contre l’Irak est encore fumante. D’autres guerres suivront et ce seront des guerres asymétriques. Parmi elles, il y en aura de grandes et de mineures. Après l’Irak, ce sera le tour de l’Iran. Les plans de Washington l’exigent parce que l’Amérique doit éliminer tous les adversaires intermédiaires. Tous, avant d’affronter la Chine. Ou mieux, pour être plus précis, les guerres intermédiaires auront pour fonction de maintenir un état de tension permanente qui, à son tour, permettra aux États-Unis de développer une effrayante stratégie de réarmement.

    La Chine pourrait aussi devenir un adversaire que l’on ne combat pas, à condition qu’elle soit préalablement mise dans un état d’infériorité absolue et, en tous cas, dans une situation où il lui soit impossible de rivaliser avec la puissance militaire états-unienne et d’approcher — même de beaucoup — des conditions d’égalité. Voilà pourquoi le renversement des obstacles intermédiaires a pour fonction de préparer stratégiquement le grand affrontement : il pourra ainsi être évité par la reddition de l’adversaire potentiel. Reddition préventive. Pour cela, il faut abattre l’Irak et l’Iran.

    Monsieur Bush ne plaisante pas lorsqu’il parle des responsables de l’ « Axe du Mal ». Il les a déjà désignés, énumérés, pris dans son collimateur. Il s’agit à présent de trouver le moyen et les prétextes pour les liquider, puisqu’il est évident que la véritable raison pour laquelle on le fera sera inavouable. La nouvelle doctrine nucléaire de l’Amérique confirme tout cela, déclarant ouvertement que les bombes atomiques seront utilisées comme des armes conventionnelles. On nous l’a dit au mois de mars 2002. Les seules conditions posées à leur utilisation seront des évaluations d’intérêt politique, certainement pas des critères militaires. Même à l’encontre des pays qui ne la possèdent pas, la voie de l’utilisation de l’arme atomique est libre.

    Pourtant, la possibilité d’arrêter cette guerre existe. En Italie, un mouvement important de la population n’en voulait pas. En Italie toujours, 93 % des députés, y compris ceux du centre-gauche, ont voté en faveur de la guerre en Afghanistan, mais tout ce que je vois et que je ressens en parcourant ce pays, c’est qu’une grande partie de la population ne veut pas de cette guerre. Nous pouvons donc en conclure que le Parlement italien ne représente en aucun cas la moitié — une moitié abondante — de l’Italie réelle. Il y a un grand vide de représentation démocratique.

    C’est de là qu’il faut repartir afin de nous organiser pour l’avenir. Nous devons demander, par exemple, à tous les futurs candidats de toutes les futures élections, à tous les niveaux institutionnels — du Conseil de quartier au Parlement italien, jusqu’au Parlement européen — de nous dire avant le vote ce qu’ils ont l’intention de faire s’ils sont élus, quels engagements ils ont l’intention de prendre envers nous. Et puisque la guerre continuera et se multipliera, nous devrons leur demander de signer un pacte avec nous. Plus jamais en faveur de la guerre.

    Ceux qui n’accepteront pas de signer ce pacte, nous devrons les considérer comme des adversaires politiques — quels que soient les partis ou les coalitions auxquels ils appartiennent —. Et ils devront le signer publiquement car nous devrons combattre tous ceux qui se déclareront en faveur de la guerre, avec toutes les forces dont nous disposerons, et avec la plus grande intransigeance, dans le respect des règles de la démocratie. Enfin, à l’inverse, nous devrons appuyer tous ceux qui prendront l’engagement de ne pas soutenir la guerre. Je crois que le thème de la guerre et de la paix est fondamental et que c’est à partir de là qu’il faut commencer à organiser notre défense. Voilà la première tâche qui s’impose à nous.

    La fin du désarmement : le rôle de la Chine et de la Russie

    Protagoniste, la Chine. Les Chinois ont commencé à se réarmer et ils le font à un rythme très soutenu. Ils construiront des centaines de nouveaux missiles, des centaines de nouvelles ogives nucléaires. Ils disposent de la technologie nécessaire et dans dix ans, elle sera devenue très sophistiquée : d’une part ils se développent très rapidement, de l’autre ils en ont les moyens. Nous assistons à une nouvelle course aux armements, qui inaugure une phase totalement inédite. Nous croyions que cette époque-là était révolue, eh bien elle repart à toute allure.

    Deuxième protagoniste, la Russie, avec Poutine. La guerre en Afghanistan, je l’ai définie de la manière suivante : un nouveau grand Yalta asiatique, dont les Etats-uniens sont sortis vainqueurs, sans conditions, arrachant à l’influence russe non moins de cinq républiques d’ex-Union soviétique. La guerre afghane s’est achevée par la conquête US non tant de l’Afghanistan que de bases militaires en Asie centrale, notamment la nouvelle base états-uniennes du Kirghizistan, près de sa capitale Bichkek, mais surtout non loin des frontières de la Chine : l’observatoire le plus avancé sur la Chine et la Russie que les États-Unis aient jamais eu en Asie. C’est un tournant géopolitique aux enjeux inimaginables il y a encore une année.

    La base du Kirghizistan servira essentiellement à mettre en place le brouillage électronique de la Chine et les contrôles de toutes les communications. Deux autres bases militaires sont en construction en Ouzbékistan et au Tadjikistan. Une autre, très secrète, semble être en construction au Turkménistan. Je n’ai aucune certitude sur ce point. J’ai tenté à plusieurs reprises d’obtenir un visa pour Ashgabat mais on ne me l’a pas accordé. Le secret est total. Simultanément, deux autres anciennes républiques soviétiques sont passées sous le contrôle direct des USA : l’Azerbaïdjan, avec sa part d’exploitation de la mer Caspienne et de son pétrole, et la Géorgie, où les Etats-uniens ont pour la première fois déployé des troupes pour armer et instruire l’armée géorgienne, ainsi que surveiller les frontières méridionales de la Russie [1].

    Dire que ça avait commencé comme la grande guerre contre le terrorisme. Il en résulte une géographie politique de l’Asie centrale complètement bouleversée. Poutine a avalé la couleuvre et, en ce sens, il s’est montré sage. Il ne pousse aucun cri car il sait que c’est inutile. Mais il ne faut pas interpréter le silence russe comme une approbation. Il y a des grondements profonds et menaçants, les entendre n’est qu’une question de temps. En décembre 2001, Poutine a lancé le submersible Guépard, le sous-marin nucléaire le plus technologique jamais conçu par la recherche militaire russe, c’est-à-dire soviétique. Les sources états-uniennes elles-mêmes ont écrit qu’il s’agissait là d’une première. Ce qui signifie que ce sous-marin nucléaire, armé d’au moins 120 missiles à tête multiple, devient une arme stratégique extrêmement dangereuse. Depuis la fin de l’Union soviétique, c’est la première fois que la Russie lance un submersible nucléaire, un an après la catastrophe du Koursk.

    L’abandon des continents pauvres

    En ce qui concerne les autres partenaires du monde, je ne crois pas qu’ils aient la moindre importance en ce moment. La partie se joue dans les termes que viens d’indiquer. L’Afrique tout entière compte un milliard d’habitants, avec 23 guerres en cours. Tout au plus y aura-t-il une augmentation des débarquements de migrants sur nos plages. Je crois que la super-société globale qui est en train de se former n’a que faire des régions marginales. Le reste du monde vivra à l’écart. Nous, nous sommes des consommateurs d’énergie vitale et ces millions, ou plutôt ces milliards de gens qui nous disputerons l’énergie seront non seulement inutiles mais aussi nuisibles pour la société du futur. Une telle main-d’oeuvre ne sera pas nécessaire et, en tant que consommateurs, ils seront trop pauvres pour présenter de l’intérêt. Ce grand « reste du monde » sera abandonné à son destin et si les 300 millions d’Etats-uniens (plus exactement 10 % des 300 millions d’Etats-uniens) et les 800 autres millions de « riches » qui peuplent cette planète (ceux qui mangent les miettes parce que les vrais riches, avec leurs familles, ne sont qu’une soixantaine de millions) veulent continuer de consommer ce qu’ils consomment actuellement, le reste du monde devra se résigner à consommer beaucoup moins, c’est-à-dire à végéter ou à mourir.

    Beaucoup devront mourir, et ils meurent déjà. D’après les données des Nations Unies, on avait décidé de réduire de 20 %, d’ici à 2015, les millions de gens qui souffrent de la faim. Mais six ans ont passé depuis le début de ce programme et le nombre de personnes mortes de faim augmente. Aujourd’hui, plus de huit cents millions d’êtres humains mangent peu et mal. Le reste du monde a été mis hors de combat dans cette perspective, dans ce dessein.

    Le 11 Septembre et la crise économique en Amérique

    Cette affaire du 11 Septembre a donc tout l’air d’avoir été une grande opération politique. Les dirigeants états-uniens se préparaient au grand affrontement, mais un peu plus tard. Il y a eu un imprévu. Et l’imprévu, c’est que l’Amérique s’est arrêtée. Pendant vingt ans, on nous a raconté que le modèle états-unien était le meilleur, que la locomotive US dominait le monde et qu’il n’y avait rien d’autre à faire que d’imiter « l’Amérique » ; le plus beau, c’est qu’on continue, malgré tout, à nous le répéter. Mais il y a eu un accident, l’Amérique s’est arrêtée.

    On nous a fait savoir en novembre 2001 que les Etats-Unis était entrée officiellement dans une phase de récession et novembre, comme on le sait, vient après septembre. Mais tandis qu’on nous annonçait cette belle nouvelle, on nous a aussi dit qu’eux (ceux qui commandent) le savaient depuis avril 2001, et avril, comme on le sait, vient avant septembre. Lorsque j’ai lu cette nouvelle, j’ai songé : parbleu, huit mois pour donner au monde entier l’information la plus importante des vingt dernières années !

    Puis, je me suis demandé : ces huit messieurs qui se sont réunis à Gênes pour le sommet du G8, en juin 2001, ils savaient que l’Amérique était arrêtée ou ils ne le savaient pas ? S’ils le savaient, ils nous ont raconté un tas de bobards. Ils se sont réunis en sachant que les Etats-Unis étaient en crise et ils ne nous l’ont pas dit. Si, en revanche, ils l’ignoraient, cela veut dire que ces huit messieurs appartenant au directoire du monde ne possèdent pas les informations essentielles sur la situation mondiale. Mais alors, qui a ces informations ?

    Si nous ajoutons à cela que durant ces mois fatals, d’avril à novembre, on a assisté à l’effondrement de l’une des plus grandes multinationales de l’énergie, Enron Corporation, que faut-il en penser ? 40 000 personnes jetées sur le pavé d’un seul coup ; une entreprise ruinée ; deux mille milliards de dollars envolés, dérobés par un groupe dont le chef s’appelait Kenneth Lay : ami intime de George Bush, il avait aussi financé une grande partie des campagnes électorales de Bush, de Dick Cheney et de Donald Rumsfeld. Tout cela ne vous paraît pas bizarre ? Il y a trop de coïncidences pour penser que le 11 Septembre soit arrivé par hasard.

    Derrière cet événement, il y a une grande opération. Finie l’époque du grand ennemi russe, l’Union soviétique a disparu depuis dix ans et la mondialisation s’est arrêtée. Qui l’a arrêtée ? Y a-t-il un coupable ? Ce ne peut pas avoir été Oussama Ben Laden, lui est arrivé après. Cela veut donc dire que l’Amérique s’est arrêtée toute seule. Ils s’étaient persuadés — et ils en avaient persuadé le monde entier — que leur mondialisation aurait continué telle quelle pour l’éternité. L’histoire était finie et il ne devait plus y avoir de crises cycliques. Mais tout à coup, la machine états-unienne s’est arrêtée ; c’est-à-dire, à ce qu’il semble, que l’histoire est revenue à la vie. Et tout finit par se payer. Alors voilà qu’un élément de diversion est devenu extraordinairement opportun. Oussama Ben Laden a été le deus ex machina qui a permis de détourner l’attention de la planète, de la distraire du désastre et, dans le même temps, d’allumer un moteur qui remplace celui qui s’était cassé. Il fallait créer un grand ennemi et cet ennemi intermédiaire s’est appelé Islam.

    Intermédiaire et transitoire. On s’en servira tant qu’il s’avèrera utile. Le véritable ennemi, je l’ai décrit plus haut et il ne me reste plus qu’à revenir d’où je suis parti : le système d’information fonctionne pour nous fournir une version des faits qui ne correspond pas le moins du monde à la vérité des choses. Il nous interdit donc de comprendre ce qui se passe, nous et tous les millions d’individus, d’hommes et de femmes qui s’émeuvent et souffrent devant les écrans de télévision.

    [1] Ce texte a été prononcé en 2002. La Géorgie a attaqué l’Ossétie du Sud en août 2008 avec le soutien militaire des Etats-Unis, du Royaume-Uni et d’Israël.

    *Giulietto Chiesa est journaliste. Il fut correspondant de presse d’El Manifesto et d’Avvenimenti, et collaborateur de nombreuses radios et télévisions en Italie, en Suisse, au Royaume-Uni, en Russie et au Vatican. Auteur de divers ouvrages, il a notamment écrit sur la dissolution de l’URSS et sur l’impérialisme états-unien. Ancien député au Parlement européen (Alliance des démocrates et libéraux, 2004-2008), il est membre du Bureau exécutif du World Political Forum.


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  • L’Amérique, empire fragile

    par Niall Ferguson pour Los Angeles Times

    Comment meurent les empires ? Quelle est la nature de ces bouleversements à l’échelle historique ? Est-ce l’aboutissement d’un long processus de gestation ou bien le résultat d’un incident mineur imprévisible, mais cependant doué d’un potentiel déstabilisateur catastrophique, s’interroge l’historien Niall Ferguson. Comparant les institutions humaines à des systèmes physiques complexes, en perpétuelle recombinaison et dont la stabilité n’est qu’apparente, il souligne combien l’éventualité d’une subite « transition de phase » – à l’image du passage soudain de l’état solide à l’état liquide – leur est consubstantielle. Et d’avertir les dirigeants américains : le risque réel, aujourd’hui, n’est pas celui d’un lent déclin, mais bien d’un évènement d’apparence anodin, et pour autant capable de déclencher une réaction en chaîne incontrôlable dans un système déjà fragilisé.

    Depuis des siècles, les historiens, politologues, anthropologues, tout comme l’opinion publique, ont pensé les processus politiques en termes de saisons et de cycles. De Polybe à Paul Kennedy, de la Rome antique à l’Empire britannique, nous discernons un rythme propre à l’histoire. Les grandes puissances, comme les grands hommes, naissent, s’élèvent, règnent, puis disparaissent peu à peu. Que le déclin des civilisations soit culturel, économique ou écologique, il s’agit d’un processus prolongé dans le temps.

    De la même manière, les défis auxquels sont confrontés les États-Unis sont souvent décrits comme évoluant lentement. C’est la transformation de la démographie – augmentant le ratio des retraités par rapport aux actifs – et non pas une politique inadaptée qui condamne les finances publiques des États-Unis à s’enfoncer dans les déficits. C’est la croissance inexorable de l’économie chinoise, pas la stagnation américaine, qui rendra le produit intérieur brut de la Chine supérieur à celui des États-Unis en 2027.

    Concernant le changement climatique, l’heure de vérité pourrait être distante d’un siècle. Ces menaces semblent très éloignées par rapport au calendrier du déploiement des soldats américains en Afghanistan, dans lequel l’unité de compte est le mois, non l’année, et encore moins la décennie.

    Et si l’histoire ne se déroulait pas de façon cyclique et lente, mais de manière arythmique – tantôt presque stationnaire, mais était également capable d’accélérations brusques, à l’image d’une voiture de sport ? Que faire si la chute ne se déroule pas durant plusieurs siècles, mais surgit tout à coup, tel un cambrioleur nocturne ?

    Les grandes puissances sont des systèmes complexes, formés d’un nombre très important de composants en interaction, organisés de manière asymétrique. Ce qui signifie que leur assemblage s’apparente plus à une termitière qu’à une pyramide égyptienne. Ces composants opèrent quelque part entre l’ordre et le désordre. De tels systèmes peuvent paraître fonctionner de manière relativement stable pendant un certain temps, semblant être en équilibre, alors qu’en fait ils s’adaptent constamment. Mais vient un moment où les systèmes complexes atteignent un état « critique ». Un évènement déclencheur mineur peut provoquer une « transition de phase » faisant passer d’un équilibre d’apparence inoffensive à une crise – un seul grain de sable peut provoquer l’effondrement d’un tas entier.

    Peu de temps après que se soient produites de telles crises, les historiens arrivent sur les lieux. Ces chercheurs se spécialisent dans l’étude des évènements atypiques – ceux dont la fréquence d’apparition est faible. Il s’agit de moments de grande portée historique qui sont par définition hors norme, et sont donc situés dans les « queues » des distributions de probabilité – comme les guerres, les révolutions, les krachs financiers et la chute des empires. Mais les historiens peinent fréquemment à saisir la complexité lorsqu’ils tentent de décoder ces événements. Ils ont été formés à analyser les calamités en termes de causes à long terme, souvent à l’œuvre depuis des décennies. C’est ce que Nassim Taleb dénonce à juste titre comme une « illusion narrative » dans son ouvrage « The Black Swan. »

    En réalité, la plupart des phénomènes statistiquement atypiques étudiés par les historiens ne sont pas des moments de paroxysme survenant dans des séquences déterministes d’histoire longue ; au contraire, ce sont le résultat de perturbations, et parfois de ruptures des systèmes complexes.

    Pour comprendre la complexité, il convient d’examiner comment les scientifiques utilisent ce concept. Pensez à l’organisation spontanée des termites, qui leur permet de construire des monticules et des nids, ou à la géométrie fractale des molécules d’eau lorsqu’elles forment des flocons de neige aux motifs compliqués. L’intelligence humaine elle-même est un système complexe, un produit de l’interaction de milliards de neurones dans le système nerveux central.

    Tous ces systèmes complexes partagent certaines caractéristiques. Dans de tels système, de faibles stimuli peuvent produire d’énormes changements, souvent imprévus – ce que les scientifiques appellent « l’effet amplificateur. » Les relations de causalité sont souvent non linéaires, ce qui signifie que les méthodes traditionnelles de généralisation à partir de quelques observations sont de peu d’utilité. Ainsi, lorsque les choses tournent mal dans un système complexe, l’ampleur de la perturbation est quasiment impossible à anticiper.

    Il n’existe par exemple rien de tel qu’un incendie de forêt typique ou moyen. Pour utiliser le jargon de la physique moderne, une forêt avant le départ d’un feu est dans un état de « criticité auto-organisée » : elle est en équilibre au bord de la catastrophe, mais la dimension de celle-ci reste une inconnue. Verra-t-on se déclencher un incendie limité ou énorme ? C’est presque impossible à prédire. Le point clé, pour de tels systèmes, c’est qu’un choc relativement mineur peut entraîner une perturbation disproportionnée.

    Toute construction politique de grande envergure est un système complexe. La plupart des grands empires ont une autorité centrale instituée – soit un empereur héréditaire ou un président élu – mais, en pratique, le pouvoir souverain de tout individu est une fonction résultant du réseau de relations économiques, sociales et politiques auxquelles il ou elle préside. En tant que tel, les empires présentent de nombreuses caractéristiques d’autres systèmes adaptatifs complexes – y compris la tendance à passer de la stabilité à l’instabilité très soudainement.

    L’exemple connu le plus récent de déclin précipité est fourni par l’effondrement de l’Union soviétique. Avec le recul, les historiens ont décelé au sein du système soviétique les traces de tous les types de dégénérescence jusqu’à l’époque de Brejnev et en amont. Peut-être, comme l’affirme l’historien et politologue Stephen Kotkin, est-ce le cours élevé du pétrole dans les années 1970 qui a permis d’éviter la chute. Pourtant, tel ne semblait pas être le cas à l’époque. L’arsenal nucléaire soviétique était supérieur à celui des Etats-Unis. Et les gouvernements dans ce qu’on appelait alors le Tiers Monde, du Vietnam au Nicaragua, avaient basculé en faveur des Soviétiques durant les 20 années précédentes.

    Pourtant, moins de cinq ans après que Mikhail Gorbachev ait pris le pouvoir, l’empire soviétique en Europe centrale et de l’Est avait implosé, suivi par l’Union soviétique elle-même en 1991. Si jamais un empire s’est effondré en un instant, au lieu de décliner doucement, c’est bien celui qui fut fondé par Lénine.

    Si les empires sont des systèmes complexes qui, tôt ou tard succombent à de soudains et catastrophiques dysfonctionnements, quelles sont aujourd’hui les implications pour les États-Unis ? Tout d’abord, discuter des étapes du déclin pourrait n’être qu’une perte de temps. C’est l’hypothèse d’une chute brutale et inattendue qui devrait d’abord préoccuper les dirigeants politiques et les citoyens. Deuxièmement, la plupart des chutes d’empires sont associés à des crises financières. Les sonnettes d’alarme devraient donc retentir très fortement lorsque les États-Unis prévoient un déficit de plus de 1 500 milliards de dollars en 2010 – soit environ 11% du PIB, déficit le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale.

    Ces chiffres sont mauvais, mais au royaume du politique, le rôle de la perception est tout aussi crucial. En cas de crise impériale, ce ne sont pas les fondements matériels du pouvoir qui sont vraiment importants, mais les prévisions sur le pouvoir futur. Les chiffres du budget ne peuvent en eux-mêmes amoindrir la force des Etats-Unis, mais ils peuvent concourir à affaiblir une confiance installée dans la capacité des États-Unis à surmonter n’importe quelle crise.

    Un jour, l’annonce inattendue de mauvaises nouvelles – cela pourrait être un avis négatif émis par une agence de notation – fera la une des journaux durant une période de calme. Et soudainement ce ne seront plus seulement quelques passionnés de ces questions qui s’inquièteront de la viabilité de la politique budgétaire américaine, mais le grand public, sans parler des investisseurs à l’étranger. C’est ce changement qui est essentiel : un système adaptatif complexe est en grande difficulté lorsque ses composants perdent foi en sa viabilité.

    Durant ces trois dernières années, le système complexe de l’économie mondiale à basculé de l’euphorie à la récession – tout cela parce que quelques américains ont commencé à ne plus rembourser leurs prêts hypothécaires à risque, provoquant ainsi d’énormes trous dans les modèles économiques de milliers d’établissements ayant fait jouer un fort effet de levier d’endettement. La prochaine phase de la crise actuelle pourrait débuter lorsque l’opinion publique commencera à réévaluer la crédibilité des mesures monétaire et fiscales radicales qui ont été décidées en réponse.

    Ni les taux d’intérêt à zéro, ni les relances budgétaires ne peuvent parvenir à un redressement durable si les populations, aux Etats-Unis et à l’étranger, décident collectivement, du jour au lendemain, que ces mesures se solderont par des taux d’inflation beaucoup plus élevés ou par un défaut de paiement pur et simple. Les taux des emprunts publics peuvent s’envoler si les prévisions sur la solvabilité future des Etats se modifient, aggravant la crise des finances publiques déjà mal en point en augmentant le coût du service de la dette nouvellement émise. Demandez donc ce qu’il en est à la Grèce.

    Demandez-le également à la Russie. Une défaite militaire dans les montagnes de l’Hindu Kush représente depuis longtemps un signe avant-coureur de la chute d’un Empire. Ce qui est advenu il y a 20 ans rappelle qu’en fait la naissance, l’essor, le règne, le déclin et la disparition des empires ne se déroulent pas selon des cycles récurrents et prévisibles. Ce sont les historiens qui présentent rétrospectivement ces processus de dissolution impériale comme agissant lentement. Au lieu de quoi, les empires se comportent comme tous les systèmes adaptatifs complexes. Ils fonctionnent en équilibre apparent pendant une certaine période, d’une durée imprévisible. Puis, assez brusquement, ils s’effondrent.

    Washington, vous voilà averti.

    Niall Ferguson est historien, enseignant à Harvard, spécialiste de l’économie et de la finance. Il a publié récemment « The Ascent of Money : A Financial History of the World. »

    Source : Contre Info


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  • Céréales Killers, les OGM aux rendements médiocres

    Rendements médiocres aux Etats-Unis, impact sanitaire catastrophique en Argentine, interdiction du MON810 en Allemagne... Tout cela en 24 heures : un mardi noir pour les OGM. D’autant que ces révélations font suite à une longue série de mauvaises nouvelles. Quand la citrouille redevient fléau...

    Des maïs OGM victimes d’un bug en Afrique du Sud, et dont la récolte est anéantie. Des gènes de maïs génétiquement modifié qui contaminent des variétés sauvages à grande échelle, au Mexique. Des OGM (dont certains interdits en Europe) qui se retrouvent dans l’assiette du gentil consommateur belge, y compris dans l’alimentation biologique. Des scientifiques qui s’insurgent contre l’obstruction des firmes semencières, aux Etats-Unis. 2009 commence mal pour les OGM. Et le flot des mauvaises nouvelles ne se tarit pas : hier, mardi, pas moins de quatre informations de première importance ont filtré.

    Céréales Killers, les OGM aux rendements médiocres

    Mardi, une étude américaine réalisée par l’Union of Concerned Scientists (institut indépendant regroupant 250 000 membres scientifiques et citoyens) révélait que les cultures OGM ne contribuent guère à améliorer les rendements agricoles. Au contraire, favorisant la prolifération des mauvaises herbes résistant aux herbicides, elles tendraient de plus en plus à freiner la production. Les malotrus vont même jusqu’à déclarer que l’amélioration des techniques de sélection traditionnelle et d’autres pratiques agricoles classiques seront plus efficaces dans la stimulation de la production. "Malgré 20 ans de recherche et 13 ans de commercialisation, précisent-ils, la technologie génétique a échoué a accroître les rendements agricoles américains". Chou blanc pour Monsanto, Syngenta et autres Dow Chemical...

    L’Argentine se meurt de son soja transgénique

    Mardi (aussi), La Croix publiait un article relatant l’épopée argentine d’un soja transgénique résistant au Roundup. Deux productions Monsanto. La culture couvre aujourd’hui la moitié des terres agricoles du pays. Sacrée performance. Sauf que pour le coup, l’usage massif et irraisonné de l’herbicide "100% biodégradable", selon le slogan de la firme plusieurs fois condamnée pour publicité mensongère, fait des ravages dans la population.

    Cancers des intestins, tumeurs au cerveau, leucémies... Sur les 5 000 habitants du village de Ituzaingo Anexo, en banlieue de Cordoba, à 700 km au nord-ouest de Buenos Aires, plus de 200 cas de cancers ont été recensés. Un exemple parmi d’autres. La justice vient de reconnaître la responsabilité des cultivateurs de soja et des épandeurs de Roundup, sans toutefois édicter de règles préventives. Autre sujet en suspens : la toxicité du Roundup, et son impact sur la qualité des eaux, des sols et des cultures qu’il contamine.

    Le Roundup 100% toxique

    Mardi (encore), à ce sujet, une nouvelle étude scientifique argentine était publiée, qui confirme que le glyphosate (composant chimique du Roundup) est hautement toxique et provoque des effets dévastateurs sur des embryons d’amphibiens. Le laboratoire à l’origine de l’étude (la faculté de médecine Conicet) a ainsi montré qu’à des doses jusqu’à 1500 fois inférieures à celles utilisées dans les traitements agricoles, des troubles intestinaux et cardiaques, des malformations et des altérations neuronales étaient constatés.

    Le Professeur Séralini de l’Université de Caen avait déjà publié en avril 2007 les résultats de recherches qui ne laissaient guère de place au doute. Même à des doses infinitésimales, le Roundup tue les cellules de cordon ombilical humain en quelques heures. Plusieurs composants du produit sont mis en cause, pas seulement le glyphosate. Ce phénomène est manifestement ignoré par les autorités.

    Interdiction du MON810 en Allemagne

    Mardi (enfin), l’Allemagne décidait d’interdire la culture du maïs OGM MON810 sur son territoire "dans l’intérêt de l’environnement". L’Allemagne est le sixième pays européen à prendre une telle mesure, contraire à l’avis de la Commission européenne. Cette décision intervient un mois après celle de l’Autriche et de la Hongrie, mais quelques jours seulement après que l’AFSSA ait réitéré pour la énième fois sa position favorable au MON810, et quelques semaines avant que la France n’examine une éventuelle levée de sa clause de sauvegarde.

    Le mirage s’estompe.


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  • La spéculation attaque UE

    Après s’être entre dévorés entre eux pour ne pas se faire dévorer eux mêmes, les grands établissements financiers de plus en plus TBTF (Too Big To Fail), commencent à s’attaquer avec leurs Hedge Funds aux états de l’Union Européenne les plus endettés à travers la spéculation.
    Ces derniers l’ont certes un peu cherché en laissant filer leurs déficits générateurs d’une dette de plus en plus pharaonique.
    A l’heure actuelle, les états les plus menacés sont la Grèce et le Portugal puis viennent l’Irlande et l’Espagne.
    L’Italie, la Grande Bretagne et … les USA ne sont pas loin derrière.
    Le cas de la Grèce est le plus symptomatique avec un endettement égal à 113% de son PIB à la fin 2009. Rappelons que celui de la France est passé de 67% en 2008 à 77% en 2009 et on envisage maintenant en plus un « grand emprunt ».

    Comment attaquer un état ?
    Comme la Grèce fait partie de la zone Euro, sa monnaie est difficile à attaquer, c’est l’un des avantages de la monnaie unique.
    Alors puisque l’on ne peut attaquer sa monnaie, on va attaquer son point faible c’est-à-dire sa dette à l’aide des CDS.

    Les Credits Default Swaps : armes de destructions massives
    Les CDS ou Crédits Défault Swaps de sinistre mémoire car déjà montrés du doigt lors du déclenchement de la crise de 2007/2008 furent largement responsables de la faillite de Lehman Brothers et du sauvetage coûteux d’AIG.
    Les CDS jouent pour quelqu’un qui détient un instrument de dette, le rôle d’une assurance, en lui garantissant que toute perte qu’il pourrait subir en raison du défaut de l’emprunteur lui sera remboursée.
    Mais le CDS permet aussi – et c’est là que la bombe à retardement se niche – à quelqu’un qui n’est pas exposé à un risque particulier de « s’assurer quand même ».
    Dans ce cas-là, le CDS équivaut à un simple pari pris sur la chute de celui qui fait l’objet du contrat.
    On peut se demander pourquoi cette pratique sans aucun fondement économique est autorisée.
    Simple : c’est autorisé car ce n’est pas interdit, vous avez dit libéralisme ?

    Le cas de la Grèce
    Si la Grèce est aujourd’hui dans l’oeil du cyclone, c’est en partie parce que n’importe qui peut prendre un CDS sur sa dette même sans lui avoir fait le moindre prêt.
    Si ce pays rembourse sans problèmes, alors le souscripteur du CDS paie le contrat en pure perte mais si la Grèce fait défaut il passe à la caisse.
    C’est comme cela que l’on fait des paris sur la chute d’un débiteur, et si de nombreux spéculateurs ouvrent des CDS sur un pays, c’est que la crédibilité en sa capacité de remboursement est affaiblie et le marché va en déduire que ce dernier n’est plus digne de confiance
    Les agences de notation financières (les revoilà) vont alors baisser la note de confiance du pays, ce qui est arrivé pour la Grèce.
    Comprenez bien que si la Grèce se retrouve en faillite, certains vont faire fortune !

    La note de confiance baisse
    Si la note de confiance baisse, alors les taux d’intérêts des nouveaux emprunts que doit obligatoirement faire le pays sur le marché pour financer son déficit seront plus élevés car plus risqués, alourdissant encore la dette (on ne prête qu’aux riches).
    Ce mécanisme comme on le voit a pour conséquence d’enfoncer encore plus vite un pays en difficulté dans une spirale infernale.

    Comment la Grèce peut-elle s’en sortir ?

    Scénario 1 : baisse des dépenses et autres mesures financières
    Pour rééquilibrer son budget, le pays peut baisser drastiquement ses dépenses et/ou augmenter la pression fiscale afin de réduire son déficit et donc sa dette cumulés sur plusieurs années. Dans ce cas, la confiance revient à travers les agences de notation, les taux d’intérêts diminuent et la situation peut finir par s’améliorer.
    Mais le hic, c’est qu’une telle politique induit des sacrifices très importants dans le domaine social :

    - réduction de salaire des fonctionnaires

    - fermeture d’écoles

    - fermetures d’hôpitaux

    - augmentation des impôts

    - privatisations (autre mesure libérale)

    - etc….
    Ces mesures sont très dures pour la population et en plus pénalisent l’outil industriel du pays.
    C’est d’ailleurs le rêve non avoué de tout gouvernement néo-conservateur comme celui pour lequel 53% de gogos ont voté chez nous en 2007 : instrumentaliser la crise et la dette pour casser les protections sociales.

    Scénario 2 : appel au FMI
    Lorsque le pays ne peut plus emprunter sur les marchés financiers pour cause de disparition de la confiance, il ne peut que faire appel au FMI qui va lui prêter des fonds mais sous des conditions draconiennes de baisses des dépenses et de « libéralisation ».
    Je te prête à condition que tu mènes la politique que je t’impose sinon je ne prête pas et tu es en faillite.
    Cette solution est proche de la 1, à la différence près que l’état peut justifier à son opinion les réductions de dépenses en expliquant qu’elles sont imposées par le FMI, ce qui est très différent politiquement parlant.

    Scénario 3 : solidarité Européenne
    Les autres pays d’Europe aident la Grèce à s’en sortir en puisant dans leurs caisses sous des conditions très avantageuses, voire même sans charges.
    Il n’est pas dans l’intérêt de l’UE de voir un de ses état membre s’enfoncer, alors si ce scénario est adopté il le sera pour des raisons politiques.
    Le problème est que l’Espagne est le prochain sur la liste et qu’il ne s’agit plus d’un petit pays comme la Grèce, l’Espagne représente le 4ième PIB de la zone Euro.

    Scénario 4 : sortie de l’Euro
    Cette solution est envisageable pour permettre à l’état de frapper sa propre monnaie ce qui est un droit régalien élémentaire sauf dans le monde post Bretton Wood ! Cela permettrait à la Grèce de financer sa dette à taux zéro puis de la résorber par l’inflation et de jouer sur ses taux de change pour améliorer ses exportations.
    Bien entendu, ce serait catastrophique pour l’Euro et pour la finance qui ne pourrait plus se faire du gras sur le pays…

    Scénario 5 : cessation de paiement de la dette
    Comme le Pérou dans les années 80, la Grèce pourrait unilatéralement stopper d’honorer le service de la dette à condition de pouvoir fonctionner en autarcie le temps de remonter la pente car tous les avoirs extérieurs au pays seraient légalement saisis par les créanciers, y compris les navires et les avions qui sortiraient de Grèce.

    Scénario 6 : L’état Grec tombe en faillite
    Ce cas de figure n’est encore jamais arrivé, mais contrairement aux croyances de nos libéraux au pouvoir, ce n’est pas parce qu’une chose n’est jamais arrivée qu’elle ne peut pas se produire.

    Scénario 7 : révolte populaire
    A force de taper sur le peuple, celui-ci pourrait avoir une réaction imprévue, la suite serait donc encore plus imprévisible...

    Que fait l’UE ?
    On voit aujourd’hui que la menace que représente la finance est à nos portes, elle s’attaque maintenant aux pays occidentaux comme elle l’a toujours fait vis-à-vis de ceux du Sud.
    La finance n’étant pas plus régulée qu’avant la crise, elle continue maintenant ses crimes contre les états et donc contre les populations qui rappelons le l’ont sauvée de la faillite totale mordant ainsi la main qui l’a nourrie.

    On nous a vendu l’Europe comme étant un gage de stabilité et de sécurité pour ses états membres, et on voit le résultat aujourd’hui devant une situation critique.
    Pendant que certains pays de la zone Euro sont en détresse, les autres pays de l’union restent spectateurs devant leur naufrage alors que dans le cas du sauvetage des banques les crédits ont été débloqués sans hésitation.

    Et puis surtout, depuis plus d’un an à part palabrer stérilement lors des G7, G20, (etc) les états n’ont strictement rien fait pour maîtriser la finance qui a détruit le système.
    Un peu comme un boxeur qui se fait démolir le portait sans se défendre, les états vont-ils continuer encore longtemps à prendre des coups sans réagir ?

    Attendons la suite...
     

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  • USA : Milices prêtes à tirer

    Le rapport annuel du Southern Poverty Law Center (SPLC, un des organismes de défense des droits civiques les plus importants aux Etats-Unis) a fait l’effet d’une bombe. Intitulé « Rage in the Right » (que l’on pourrait traduire par « la droite rageuse »), il y recense une expansion rapide du nombre de milices : près de 250% d’augmentation de 2008 à 2009. Ces chiffres illustrent, selon le SPLC, une augmentation des signes de radicalisation omniprésente. Du mouvement des Tea Party aux milices paramilitaires, tour d’horizon d’une Amérique dangereuse : celle de la peur, de la colère, et de la haine.

    Contre le New World Order

    N’en déplaise au chapelier fou, ce mouvement n’a pas pour but de promouvoir les salons de thé improvisés. Depuis un peu plus d’un an, des Tea Party se forment de manière exponentielle à travers les Etats-Unis, sur le terreau fertile de la crise économique et du changement politique. Ils forment une organisation assez disparate, sans leader unique, mais partagent plusieurs idées, assumées ou non. Tous sont contre les taxes, contre le gouvernement fédéral, et tous se disent défenseurs de la Constitution face à la conspiration qui réunit gouvernements, banques et élites dans un Nouvel Ordre Mondial (New World Order).

    Grands amateurs de théories du complot, ils rassemblent les conservateurs de tous poils, autour d’un mot d’ordre : l’autonomie face à un gouvernement qui magouillerait avec les banques. Dans les meeting des différents Tea Party, on peut croiser des Birthers (convaincus qu’Obama n’est pas né aux USA, donc inéligible, donc illégitime), des survivalistes (Tous aux abris) des Oath Keepers (persuadés que l’Etat fédéral construit des camps pour enfermer les dissidents du New World Order), des pro life et bien sur des membres de « hate groups », suprématistes blancs…Tout le gratin de l’extrême droite se presse aux portes des conventions.

    La petite bébête qui monte…

    Si certains Républicains font ouvertement du pied à ce rassemblement en pleine croissance, on ne peut pas dire que l’affection soit toujours mutuelle. Pour les Tea Party, Démocrates et Républicains sont souvent à mettre dans le même sac : des partis usurpatoires, marionnettes d’un système défaillant. Certaines personnalités trouvent toutefois grâce à leurs yeux, comme Michele Bachmann ou Sarah Palin (cf « Des drôles de dames très (à)droites » ). En dehors de la récession, un autre élément qui a favorisé la recrudescence des Tea Party est la visibilité médiatique qui leur a été accordée par les « mass media », Fox News en tête. Ils ont aussi largement mis à profit les réseaux sociaux et Internet en général (Infowars, ResistNet, John Birch Society, etc..)

    Si vous doutez encore de l’importance qu’ont pris ces groupes, le sondage Wall Street Journal/ NBC News publié en décembre dernier devrait achever de vous convaincre : 41% des sondés avait une opinion très ou assez favorable des Tea Party, contre 35% pour les Démocrates et 28 pour les Républicains. Il ne s’agit donc pas d’une frange marginale de la population. Quant à la dangerosité du mouvement, l’attaque d’un centre des impôts (IRS) par Joseph Stack en février dernier l’a prouvé dans les faits.

    Milices prêtes à tirer

    Les relations des groupes Tea Party avec les milices ne sont que semi voilées. S’ils ne les proclament pas à voix haute, les liens idéologiques qui les unissent sont évidents : théories du complot, défiance vis-à-vis du gouvernement fédéral, relents séparatistes et racistes. Les milices patriotes activistes sont passées de 149 en 2008 à 512 en 2009. Comme le rappelle un blogueur américain, il n’y a rien de surprenant à ce regain. La tradition américaine de conquête, alliée à un statut constitutionnel de la possession d’armes à feu, en font le pays de tous les possibles pour ces apprentis insurgés.

    La dernière vague de création de milices s’était soldée, dans le milieu des années 90 par l’attaque à la bombe d’un bâtiment fédéral à Oklahoma City par Timothy McVeigh. Bilan : 168 morts, et le démantèlement de nombreuses organisations paramilitaires. L’étude publiée par le SPLC montre que ces groupements recrutent désormais largement au sein des forces de l’ordre : militaires, sheriffs, anciens marines…Le SPLC a par ailleurs rassemblé des exemples de violences émanant de la droite radicale depuis l’élection d’Obama : on y trouve les meurtres de six représentants de la loi, ainsi que de nombreux complots avortés visant l’administration, des installations nucléaires ou le président lui-même. Pour les miliciens, « un citoyen armé et entraîné est un bon citoyen ».

    Bon nombre des membres du mouvement Tea Party racontent leur adhésion comme un « réveil », provoqué par les pertes d’emplois et de logements dans leur entourage. Ainsi, la montée de l’extrême droite serait une corollaire de l’effondrement économique du géant américain : la peur et la colère face à la misère ont mené, comme souvent, à la recherche de boucs émissaires, et donc à la haine. L’histoire ne se répète pas, elle bégaie…


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  • Révélations d'une source interne à EDF : l'EPR risque l'accident nucléaire !


     

     

     

     

    Le Réseau « Sortir du nucléaire » révèle des documents confidentiels, divulgués par une source anonyme interne à EDF. Ces documents démontrent que la conception de l’EPR implique un sérieux risque d’accident majeur – risque pris en conscience par EDF pour des raisons de calcul économique. Potentiellement sujet à un emballement dont les conséquences seraient incontrôlables, l’EPR s’avère donc extrêmement dangereux.

     

    Téléchargez les documents confidentiels en bas de cette page

     

    Le Réseau "Sortir du nucléaire" a constitué un groupe d’experts pour analyser de façon approfondie ces documents, qui nous ont été envoyés très récemment. Voici les premiers enseignements que l’on peut en tirer, ils sont de première importance.

     

    Certains modes de pilotage du réacteur EPR peuvent provoquer l’explosion du réacteur à cause d’un accident d’éjection de grappes (qui permettent de modérer, d’étouffer la réaction nucléaire). Ces modes de pilotage sont essentiellement liés à un objectif de rentabilité économique, qui implique que la puissance du réacteur puisse être adaptée à la demande électrique. Ainsi, dans le but de trouver une hypothétique justification économique à l’EPR, ses concepteurs ont fait le choix de prendre le risque très réel d’un accident nucléaire. De plus, l'essentiel des arguments en faveur de l'EPR (puissance, rendement, diminution des déchets, sûreté accrue) s'avèrent faux.


    EDF et Areva ont tenté de modifier le pilotage du réacteur : ces efforts n'ont pas abouti à des parades éliminant cette classe d'accidents. L'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a semble-t-il été tenue à l'écart de ces questions.


    Il semble donc bien que la conception de l’EPR accroisse le risque d’un accident de type Tchernobyl, qui entraînerait la destruction de l’enceinte de confinement et la dispersion massive de radionucléides dans l’atmosphère.

     

    Les 8 et 9 mars, Paris accueille une conférence internationale pour inviter 65 pays à se doter de la technologie nucléaire. Cette conférence sera ouverte par Nicolas Sarkozy et animée par le Directeur Général de l’AIEA. Il est scandaleux que la France continue ainsi à faire la promotion du nucléaire en général, et de l’EPR en particulier, alors même que la dangerosité de ce réacteur est aujourd’hui démontrée. Il faut donc abandonner immédiatement la construction de l’EPR en Finlande, en France et en Chine, et annuler impérativement le projet prévu à Penly. Le meilleur moyen d'éviter l'accident nucléaire reste la sortie du nucléaire.

     

    Le scénario accidentel en détail :

     

    Selon les calculs d’EDF et d’Areva, le pilotage du réacteur en mode RIP (retour instantané en puissance) et la disposition des grappes de commande du réacteur peuvent provoquer un accident d’éjection des grappes de commande à faible puissance et entraîner la rupture de l’enveloppe du mécanisme de commande de la grappe (i). Cette rupture provoquerait le passage du réfrigérant en-dehors de la cuve du réacteur nucléaire. La perte de réfrigérant (un type d'accident nucléaire très grave) entraînerait la rupture d’un nombre important de crayons par échauffement du combustible et des gaines (ii) et donc le relâchement de vapeur extrêmement radioactive dans l’enceinte de confinement. Il y a alors un risque important d’excursion critique qui résulterait en une explosion (iii), la puissance du réacteur EPR étant démultipliée de façon extrêmement brutale. Suite aux éjections des grappes de commande à faible puissance (EDG), le réacteur EPR pourrait ne pas se mettre en arrêt automatique (iv). Quelle que soit la configuration des grappes de commande, l’accident d’éjection de grappe de commande entraîne un taux important de rupture du combustible (NCE) et donc un risque élevé d’excursion critique (v).

     

    Pour plus de détails, consultez les documents confidentiels que nous révélons, divulgués par une source anonyme interne à EDF (notamment le document n°1), téléchargeables sur le site : www.sortirdunucleaire.org

     

    Contacts presse :


    Marc Saint-Aroman : 05 61 35 11 06
    Charlotte Mijeon - 06 75 36 20 20
    Monique et Raymond Sené (physiciens nucléaires) - 01 60 10 03 49

    Médias anglophones > Steven Mitchell : 09 52 49 50 22
    Médias germanophones > Jean-Yvon Landrac - 06 87 30 41 10

     

     

    Documents confidentiels à télécharger :

     

    1 - Synthèse - Une technologie explosive : l'EPR (non daté non signé)

     

    2 - Bilan de la phase préliminaire de l'étude d'EDG FA3 et perspectives (EDF SEPTEN 05.05.2009)

     

    3 - EPR - Gestion combustible - Lot 1 - Revue de conception du schéma de grappes FA3 du 25/10/2007

     

    4 - EPR FA3 Synthèse de l’étude de faisabilité de l’accident d’éjection de grappe (EDF SEPTEN 09.02.07)

     

    5 - EPR FA3 Synthèse des voies de sortie de la problématique éjection de grappe (EDF SEPTEN 07.05.07)

     

    6 - Note d’étude : Présentation synthétique de l’EPR (EDF SEPTEN 04.05.04)

     

    7 - Note de présentation de la deuxième revue de projet radioprotection EPR (EDF, printemps 2004)


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  • Dominique Strauss-Kahn, l’homme de « Condi » au FMI

    - Par Thierry Meyssan

     

    Dominique Strauss-Kahn est un homme aimable et cultivé. Il s’est construit une image positive d’homme de gauche soucieux du bien être des plus démunis. Mais alors, comment est-il devenu directeur général du Fonds monétaire international, l’organisation internationale qui a institutionnalisé le pillage des pays du Sud ? Thierry Meyssan répond en révélant tout ce que la presse mainstream vous a caché depuis des années sur les relations de DSK avec les États-Unis.

    La nomination triomphale de Dominique Strauss-Kahn à la direction générale du Fonds monétaire international (FMI), le 28 septembre 2007, a donné lieu à deux messages contradictoires. D’un côté la presse occidentale exalte la capacité du bloc atlantiste à imposer son candidat face à celui de la Russie, Josef Tosovsky ; d’autre part, elle affirme que la principale mission de M. Strauss-Kahn sera d’associer plus largement les pays du Sud aux décisions, c’est-à-dire de mettre fin à la domination du bloc atlantiste.

    Avec chauvinisme, la presse française se félicite que des Français se trouvent aujourd’hui à la tête de quatre grandes organisations internationales. En effet, outre Dominique Strauss-Kahn au FMI, Pascal Lamy dirige l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), Jean Lemierre préside la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD), et Jean-Claude Trichet la Banque centrale européenne (BCE). Mais doit-on mettre ces quatre institutions sur le même plan ? Et surtout, doit-on se réjouir d’une situation qui, loin de manifester la place de la France dans le monde, illustre l’intégration des élites françaises dans la mondialisation, c’est-à-dire leur acharnement à détruire leur pays, en tant qu’État-nation, un cadre politique qu’ils jugent dépassé ?

    Le dernier exploit en date laisse songeur : le FMI est une des organisations internationales la plus critiquée dans le monde. Il a abondamment financé l’installation de dictatures dans les pays du Sud, notamment en Argentine, au Brésil, en Indonésie, au Nigéria, aux Philippines, en Thaïlande etc… En outre, ses exigences soudaines de remboursement immédiat de prêts ont contraints des États à sacrifier leur avenir en dévaluant et en fermant écoles et hôpitaux. Ses adversaires l’accusent donc d’avoir provoqué, par l’oppression et la famine, des centaines de millions de morts en un demi-siècle, c’est-à-dire bien plus que les agressions militaires des États-Unis durant la même période. De son côté, le FMI considère au contraire que ses politiques « d’ajustement structurel » loin d’avoir provoqué ces catastrophes y ont mis fin. Des « Prix Nobel » d’économie aussi divers que le néo-keynésien Joseph Stiglitz ou le libertarien Milton Friedman ont accusé le FMI d’être le grand organisateur des déséquilibres Nord-Sud. En effet, l’action principale du FMI aura été de financiariser l’économie mondiale, permettant ainsi aux spéculateurs du Nord de s’enrichir en exploitant le travail, plus encore que les ressources, des pays du Sud. S’il n’était la vénération que la société de consommation voue à ses banquiers, il y a longtemps que le FMI aurait été déclaré organisation criminelle. Pourtant, c’est bien cette institution que le socialiste Dominique Strauss-Kahn a ambitionné de diriger, et c’est bien M. Strauss-Kahn qui a obtenu le soutien appuyé des grands argentiers de la planète, pressés de toutes parts par les multinationales les moins scrupuleuses.

    Si l’on laisse de côté l’intérêt personnel de Dominique Strauss-Kahn, qui devient ainsi le haut-fonctionnaire le mieux payé de Washington avec un salaire annuel de base de 461 510 dollars net d’impôts, l’on doit se poser la question de ses objectifs politiques. Pour y répondre, jettons un coup d’œil sur sa biographie et découvrons-y ce que la presse mainstream cache depuis des années : ses liens avec les principaux dirigeants de l’administration états-unienne.

    Issu d’une famille aisée de gauche, « DSK » a été élevé au Maroc, puis à Monaco. Il reçoit une éducation juive —plus séfarade qu’ashkénaze—, à laquelle il accorde plus d’importance au plan culturel que religieux. Il est diplômé de Sciences-Po Paris, ancien élève d’HEC, licencié en droit et agrégé de sciences économiques. Il se destine à être avocat d’affaires.

    Il entre en 1976 au Parti socialiste où il milite au Cères, le courant social-étatiste animé par Jean-Pierre Chevènement. Il ne tarde pas à s’en séparer pour se rapprocher de Lionel Jospin et Jean-Christophe Cambadélis, les deux meilleurs élèves français d’Irving Brown, l’agent de liaison de la CIA avec la gauche ouest-européenne [1]. Jospin et Cambadelis sont issus d’un petit parti trotskiste (les « Lambertistes ») traditionnellement lié à la CIA. Avec une centaine de camarades, ils ont infiltré le PS et ont réussi à prendre les renes.

    Il entre en 1986 à l’Assemblée nationale à la faveur du scrutin proportionnel alors brièvement mis en place. Il choisit de s’implanter, en 1988, dans une circonscription du Val-d’Oise, à Sarcelles, qui abrite une forte communauté juive. Il s’y fait élire en faisant jouer le réflexe identitaire. Il devient président de la Commission des finances de l’Assemblée, puis, en 1991, ministre délégué à l’Industrie et au Commerce extérieur auprès du ministre de l’Économie Pierre Bérégovoy. Tout oppose les deux hommes : « DSK » est un brillant dilettante vivant au milieu des grandes fortunes comme un poisson dans l’eau, tandis que « Béré » est un pénible tâcheron partagé entre ses idéaux ouvriers et son besoin de reconnaissance personnelle par le monde de la finance. « DSK » s’amuse de se dire socialiste tout en faisant le contraire, tandis que « Béré » a des états d’âme.

    Alors qu’il est ministre délégué à l’Industrie, il a connaissance des problèmes rencontrés par son ami Jean Peyrelevade à la tête du Crédit Lyonnais. Il intervient personnellement pour favoriser diverses opérations hasardeuses réalisées en faveur de son ami Franck Ullman-Hamon. Cet homme d’affaires est connu pour avoir par ailleurs réalisé diverses interventions en Amérique latine pour le compte d’Israël et pour être actionnaire-fondateur du magazine Marianne de Jean-François Kahn. Les montages de M. Ullman-Hamon avec les filiales du Crédit lyonnais coûteront plusieurs dizaines de millions de francs au contribuable français.

    À la même époque, Dominique Strauss-Kahn épouse à la synagogue —en troisièmes noces— une star d’une rare beauté, Anne Sinclair, la journaliste préférée des Français. Le couple choisit de tenir la presse à l’écart de la cérémonie, mais de donner de l’éclat à la fête au sein de la communauté juive, où ils s’affirment comme des personnalités brillantes. Leurs deux témoins de mariage sont le professeur de philosophie Élisabeth Badinter (héritière du Groupe Publicis et épouse du Garde des Sceaux Robert Badinter) et la journaliste Rachel Assouline (épouse du patron de presse Jean-François Kahn).

    En 1987, il se démarque de François Mitterrand, il conduit une délégation du Parti socialiste en Israël et se rend à la mairie de Jérusalem qu’il considère comme capitale de l’État hébreu. En 1991, il participe à un voyage de solidarité en Israël, organisé par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) en pleine Guerre du Golfe.

    En 1994, usant de sa qualité d’ancien ministre de l’Industrie, il créé le Cercle de l’Industrie auquel il parvient à faire adhérer en six mois 48 des 50 plus grands patrons français. La moitié d’entre eux au moins payent une cotisation annuelle de 200 000 F pour que leurs intérêts soient défendus à Bruxelles. Il laisse la présidence de cette association patronale à Raymond Lévy (ex-Pdg de Renault) et en assure la vice-présidence. Incidemment, le même Raymond Lévy sera nommé à la tête du Consortium de réalisation, chargé de liquider les placements pourris du Crédit Lyonnais et, au passage, d’étouffer les affaires Ullman-Hamon. Simultanément, DSK devient consultant auprès des mêmes patrons ou avocat d’affaires et établi son bureau dans les locaux du Cercle. La Cogema, la Sofres et EDF, entre autres, lui versent des émoluments exorbitants pour quelques conseils ou un mot transmis à un grand de ce monde. Cette activité peu contraignante lui assure des revenus de plus de 2 000 000 F par an [2]. Par la suite, il donne des cours à l’université, à Stanford et Casablanca, sans compter des conférences ici et là, toujours royalement payées. Précisément, aux États-Unis Stanford est le bastion des Républicains. C’est là qu’ils ont leur propre centre de recherches, la Hoover Institution [3]. À l’époque, le prévôt de Stanford —c’est-à-dire la personne qui négocie l’engagement de Dominique Strauss-Kahn— n’est autre que Condoleezza Rice [4]. Sur place, Dominique Strauss-Kahn fait la connaissance de George P. Schultz et des universitaires qui formeront le vivier de l’administration Bush.

    En 1995, il rédige la partie économique du programme électoral de Lionel Jospin, candidat à la présidence de la République, Propositions pour la France. Il défend alors le principe de la « taxe Tobin » sur les transactions en devises, dont il affirmera plus tard qu’elle est impraticable.

    Député de Sarcelles, il en est aussi brièvement le maire, avant d’en confier les clefs à son fidèle François Pupponi. Le temps de « jumeler la plus juive des communes françaises avec la plus française des communes d’Israël », Netanya.

    De 1997 à 1999, il est ministre de l’Économie et des Finances. Il pilote le passage à l’euro et la privatisation de France-Télécom. Surtout, il fait entrer la France dans le processus de financiarisation de l’économie en multipliant les mesures démagogiques sectorielles. L’adoption de la semaine de 35 heures diminue considérablement le nombre d’heures travaillées ; tandis que l’exonération de charges sociales sur les stock-options déplace les revenus des cadres du travail vers la finance. Il résulte de cette politique que le début de décroissance de la production française est compensée, au plan statistique, par un développement des profits financiers. Cependant, en fin de compte, le pouvoir d’achat des classes moyennes s’effrite sensiblement.

    Dominique Strauss-Kahn fréquente les cercles les plus prestigieux du pouvoir. Dès 1993, on le voit au Forum de Davos. Anne Sinclair l’introduit au Siècle, l’association la plus mondaine de Paris. Puis, Antoine et Simone Veil le font entrer au Club Vauban. En 2000, l’OTAN l’invite au Club de Bilderberg où il retrouve Pascal Lamy et Jean-Claude Trichet qui occupent avec lui aujourd’hui de prestigieux fauteuils dans les institutions internationales.

    Dominique Strauss-Kahn est piégé par son perpétuel mélange des genres entre engagement politique et lobbying rémunéré. Il fait l’objet d’une mise en examen dans une affaire concernant la principale mutuelle étudiante, la MNEF, puis dans une autre relative à la caisse noire de la compagnie pétrolière nationale Elf. Les magistrats estimeront en définitive que ses activités étaient licites, à défaut d’être morales. Cependant les instructions pénales et une commission d’enquête parlementaire mettront en évidence ses méthodes peu orthodoxes. Lionel Jospin, lorsqu’il était ministre de l’Éducation, avait modifié par décret le taux des remboursements effectués à la MNEF par la Sécurité sociale, transformant la Mutuelle en véritable pompe à finances pour le compte du PS. Puis, il avait étendu les activités de la MNEF dans les campus toujours pour détourner plus d’argent. Dominique Strauss-Kahn lui-même recevait des émoluments considérables pour des prestations imaginaires. Plus tard, il avait fait prendre en charge le salaire de sa secrétaire au Cercle de l’Industrie (ou à son cabinet, il n’est guère possible de différencier) par le groupe Elf.

    Derrière des manières policées, un goût prononcé pour la bonne chère et les belles femmes, Dominique Strauss-Kahn est un tueur : lorsqu’apparaît, à titre posthume, l’enregistrement vidéo du promoteur immobilier Jean-Claude Méry mettant en cause Jacques Chirac, on ne tarde pas à découvrir qu’il est un des organisateurs de ce mauvais coup.

    Ses démêlées avec la Justice l’écarteront un temps de la scène politique. Pendant sa traversée du désert, son épouse, Anne Sinclair, fera preuve de sang-froid et de dignité, plaidant auprès du public en sa faveur par sa seule attitude.

    Opérant son grand retour, en 2001, après avoir bénéficié de non-lieux, il prend en mains le développement de la Fondation Jean-Jaurès, le partenaire de la National Endowment for Democracy (NED) pour la gauche française [5]. La chose est d’autant plus aisée que, depuis Stanford, il connaît la nouvelle conseillère nationale de sécurité des États-Unis Condoleezza Rice, et que c’est la sœur adoptive [6] de celle-ci, Mardeleine Albright qui dirige le National Democratic Institute (NDI), organisme tampon de la NED chargé d’acheminer les subsides du département d’État US dans les caisses du Parti socialiste français.

    En 2003, le German Marshall Fund of the United States, une des principales officines atlantistes, crée un Forum sur le commerce et la pauvreté. DSK devient l’un des six administrateurs, rémunéré comme toujours [7]. Il y écrit, ou tout au moins signe, divers rapports en faveur du libre-échange absolu.

    La même année, il contraint un expert du Parti socialiste, Pascal Boniface, à démissionner. Ce spécialiste en relations internationales a eu le toupet de souligner que le soutien aveugle du parti à Israël est idéologiquement incohérent et électoralement contre-productif alors que le PS doit ambitionner de réunir derrière lui les six millions de Français de culture arabe. En outre, Dominique Strauss-Kahn pilote la création du Cercle Léon Blum, au sein du PS, dont l’objectif est de veiller au soutien du parti au mouvement sioniste.

    En 2004, il déclare lors d’une interview sur France-Inter : « Je considère que tout juif de la diaspora et de France doit apporter son aide à Israël. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est important que les juifs prennent des responsabilités politiques. En somme, dans mes fonctions et dans ma vie de tous les jours, à travers l’ensemble de mes actions, j’essaie d’apporter ma modeste pierre à la construction d’Israël. » [8]

    En 2005, il lance les clubs « À gauche en Europe » (AG2E) en faveur du « oui » au référendum d’approbation du projet de Traité constitutionnel européen. Il travaille alors en lien avec le Policy Network (Grande-Bretagne) et la Fondation Friedrich-Ebert (Allemagne). Mais les Français votent « non ».

    En 2007, alors que l’écrivain Claude Ribbe ouvre un débat sur les conséquences sociales actuelles de l’esclavage et de la colonisation, DSK participe activement à la création du Conseil représentatif des noirs de France (CRAN), une organisation qui bénéficie de conseils techniques de spécialistes israéliens et reproduit le modèle du Conseil représentatif des juifs de France (CRIF) [9]. À défaut de trouver un écho parmi les noirs de France, cette initiative sera une réussite médiatique, comme l’avait été quelques années plus tôt la création de SOS Racisme pour stopper la structuration des beurs.

    Lorsque s’ouvre la compétition au Parti socialiste pour désigner le candidat à l’élection présidentielle de 2007, Dominique Strauss-Kahn apparaît à la fois comme le candidat le mieux placé face à son rival déclaré, l’ancien Premier ministre Laurent Fabius, et comme le candidat officiel des États-Unis pour la gauche française. Ainsi, il donne un entretien à la revue néo-conservatrice Le Meilleur des mondes, dans lequel il brocarde la politique arabe de la France et plaide pour un rapprochement avec Washington et Tel-Aviv [10].

    Tout semble réglé à l’avance. Les cotisations d’adhésion au Parti socialiste ont été réduites à un montant négligeable de sorte que les quelques milliers de membres de parti lambertiste ont pu acquérir des cartes, juste pour participer au vote de désignation interne du candidat. La manœuvre a été organisée par le lieutenant de DSK, Jean-Christophe Cambadelis, lui-même ancien dirigeant de ce parti et que nous avons déjà présenté à propos de ses relations avec la CIA. Pourtant, contre toute attente, c’est un outsider, Ségolène Royal, qui est désigné. C’est qu’à Washington on a un autre projet : placer Nicolas Sarkozy à l’Élysée. Pour cela, il convient d’installer face à lui un concurrent peu crédible. En échange de son retrait silencieux, DSK sera largement récompensé par la direction générale du FMI.

    Peu après son accession à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy présente la candidature de DSK à Washington, et Condoleezza Rice lui apporte son soutien. Tout en participant à la création de l’European Council on Foreign Relations (E-CFR) [11], il sillonne le monde, officiellement pour convaincre les États du Sud de soutenir également sa candidature. En réalité, leur vote importe peu, puisque les USA et l’Union européenne ont à eux seuls 48 % des voix. La campagne de DSK est payée par la France et organisée par l’agence de relations publiques TD International. Ce que le cabinet de M. Strauss-Kahn minimisera en prétendant ne travailler qu’avec la correspondante française de l’agence. TD International « vendra » à la presse la légende d’un DSK désœuvré, téléphonant au Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker lors d’un colloque à Yalta, lequel lui aurait suggéré d’ambitionner le FMI. En réalité, Dominique Strauss-Kahn et Christine Ockrent participaient au Yalta European Seminar, moyennant un défraiement de 7 000 euros chacun indirectement versés par George Soros. Ce colloque avait pour but de soutenir la « révolution orange » et l’arrimage de l’Ukraine à l’OTAN. Or, TD International est une officine de la CIA, notamment chargée de la construction de l’image publique de la « révolution orange ». Elle est dirigée par William A. Green III, un célèbre agent qui n’était ni plus ni moins que le chef de poste du stay-behind en France et qui fut expulsé en 1995 pour des motifs d’une extrême gravité qui ne furent jamais dévoilés au public.

    Hugo Chavez, le président de la République bolivarienne du Vénézuela, quant à lui, n’a pas été convaincu par le show de Dominique Strauss-Kahn. Il a confirmé le retrait de son pays du FMI « avant qu’ils ne nous pillent » et invité tous les États du Sud qui le peuvent à faire de même.

    Thierry Meyssan


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